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31/10/2019 | FRANCE | N°17VE03947

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2019, 17VE03947


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2017 et 24 septembre 2019, la société BRICORAMA FRANCE, représentée par Me Cayla-Destrem, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler la décision de la commission nationale d'aménagement commercial (ci-après CNAC) en date du 27 octobre 2017, autorisant le projet d'extension d'un ensemble commercial présenté par la société Brico Dépôt par extension d'une surface de vente de 3 397 m² d'un magasin de bricolage sis aux Essarts-Le-Roi ;

de mettre à la charge de la société Brico Dépôt et de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le f...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2017 et 24 septembre 2019, la société BRICORAMA FRANCE, représentée par Me Cayla-Destrem, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler la décision de la commission nationale d'aménagement commercial (ci-après CNAC) en date du 27 octobre 2017, autorisant le projet d'extension d'un ensemble commercial présenté par la société Brico Dépôt par extension d'une surface de vente de 3 397 m² d'un magasin de bricolage sis aux Essarts-Le-Roi ;

2° de mettre à la charge de la société Brico Dépôt et de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la CNAC a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'est pas démontré que ses membres ont été convoqués dans le délai prescrit par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- cet avis méconnaît les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce dès lors que le projet méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire, en l'absence d'augmentation de la surface de stationnement, d'étude de trafic et au regard de sa desserte, notamment pour des modes de transport alternatifs à la voiture ;

- de plus, le projet méconnaît l'objectif de développement durable, le traitement paysager du projet étant manifestement insuffisant.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société Brico Dépôt.

Considérant ce qui suit :

1. La société Brico Dépôt a saisi la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des Yvelines d'une demande d'autorisation portant sur une extension de la surface de vente de 3 397 m² de son magasin de bricolage situé au 36 lieu-dit Maison Neuve sur la commune des Essart-Le-Roi. Ce projet a fait l'objet d'un avis favorable de cette commission le 20 avril 2017. La société BRICORAMA FRANCE, qui exploite des magasins de bricolage situés à Rambouillet et Voisins-le-Bretonneux distants de 11 et 16 km du projet, a alors saisi, le 15 juin 2017, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un recours contre l'avis de la commission départementale. La société BRICORAMA FRANCE demande l'annulation de la décision de la commission nationale en date du 28 septembre 2017 rejetant son recours et autorisant le projet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la CNAC :

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) / II.- Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d'un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial rend une décision qui se substitue à celle de la commission départementale. (...) ". Selon les dispositions de l'article R. 752-35 du même code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. Si la société requérante soutient qu'il n'est pas démontré que les membres de la CNAC auraient été régulièrement convoqués dans les conditions rappelées au point précédent avant que cette commission ne rende l'avis litigieux lors de la séance du 28 septembre 2017, il ressort toutefois des pièces produites par le ministre de l'économie et des finances que les membres de la CNAC ont été convoqués par courrier du 11 septembre 2017, reçu le même jour par voie dématérialisée, dans le délai prescrit par l'article R. 752-35 du code de commerce, et qu'ils ont à cette occasion été informés de l'ordre du jour de la séance. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la méconnaissance par la CNAC des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce :

4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées au point 4 que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de la méconnaissance de l'objectif d'aménagement du territoire :

6. En premier lieu, la société requérante soutient que la CNAC aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation pour avoir autorisé le projet en l'absence d'augmentation de la surface de stationnement. Si le projet contesté a pour objet d'accroître la surface de vente de 3 397 m², il ressort des pièces du dossier qu'il tend essentiellement à permettre aux clients d'accéder directement à une "cour des matériaux" afin qu'ils puissent retirer eux-mêmes, directement avec leur véhicule, les marchandises souhaitées depuis l'espace de stockage, plutôt que d'attendre qu'elles soient mises à leur disposition à un comptoir de retrait. Dans ces conditions, la création de cette cour n'implique pas la création de places de stationnement supplémentaires. Au surplus, le parc de stationnement offre 288 places alors que l'affluence de clientèle est, à son niveau le plus élevé, de 900 véhicules par jour les samedis. Par suite, tant les modalités de fonctionnement de la "cour des matériaux" projetée que les capacités actuelles de stationnement, ont pu conduire la CNAC, à estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le projet querellé ne méconnaissait pas sur ce point l'objectif d'aménagement du territoire.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial (...) ".

8. Si le projet contesté ne comporte pas d'étude de trafic, laquelle n'est d'ailleurs pas exigée par les dispositions rappelées au point précédent, il ressort des éléments produits que le dossier de demande d'autorisation soumis à la CNAC comportait une présentation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet, y compris pour les véhicules de livraison, et présentait une analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise. En outre, il ressort de ces éléments que les flux routiers générés par le projet seront limités au regard des infrastructures routières existantes permettant un accès direct au magasin par des voies d'accélération et de décélération depuis la Route Nationale 10, laquelle comprend deux voies dans chaque sens de circulation. Ainsi la société BRICORAMA FRANCE n'est pas fondée à soutenir que la CNAC, qui disposait des informations lui permettant d'apprécier les effets du projet sur les flux de circulation, aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des effets du projet sur le trafic.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté, situé en zone d'activité commerciale mixte à l'écart des habitations, n'est pas desservi par les transports en commun et que si une piste cyclable est présente à proximité, le long de la RN10, celle-ci n'est franchissable qu'en certains points. Toutefois, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicitée. En outre, compte tenu de ce que le projet porte sur la création d'une "cour des matériaux" ayant vocation à proposer à la vente des matériaux de construction, son absence de desserte par les réseaux de bus et sa faible accessibilité aux piétons et vélos ne constitue pas une atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire.

S'agissant de la méconnaissance de l'objectif de développement durable :

10. La société BRICORMA FRANCE soutient que le traitement paysager du projet contesté serait insuffisant dès lors qu'il ne comporte aucun effort en termes de végétalisation ou sur le plan architectural, alors que le magasin est implanté dans le parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse en limite de terres agricoles et d'espaces naturels. Cependant, le projet litigieux, qui est intégré à une zone d'activité commerciale mixte, consiste comme cela a été dit en l'extension d'un magasin de bricolage existant par l'ouverture à la clientèle d'une surface extérieure dédiée au stockage des matériaux, sans création de construction nouvelle. De plus, et comme l'a relevé la commission, ce projet prévoit la plantation de 97 arbres qui s'ajouteront aux 116 existants et la création de 45 places de stationnement en "evergreen". Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la CNAC aurait commis une erreur d'appréciation pour avoir estimé que le projet contesté ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par la société BRICORAMA FRANCE doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Brico Dépôt, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société BRICORAMA FRANCE une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au bénéfice de la société Brico Dépôt, sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société BRICORAMA FRANCE est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la société BRICORAMA FRANCE une somme de 1 500 euros au bénéfice de la société Brico Dépôt, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Brico Dépôt est rejeté.

N° 17VE03947 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03947
Date de la décision : 31/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CAYLA-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-31;17ve03947 ?
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