La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2019 | FRANCE | N°16VE02797

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2019, 16VE02797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2012 par lequel le président du Syndicat d'Energie des Yvelines (ci-après dénommé SEY) a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'un an et d'enjoindre au SEY de procéder à sa réintégration à compter du 1er janvier 2013 et de le rétablir rétroactivement dans la totalité de ses droits.

Par un jugement n° 1300795 du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rej

eté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2012 par lequel le président du Syndicat d'Energie des Yvelines (ci-après dénommé SEY) a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'un an et d'enjoindre au SEY de procéder à sa réintégration à compter du 1er janvier 2013 et de le rétablir rétroactivement dans la totalité de ses droits.

Par un jugement n° 1300795 du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 août 2016 et 26 septembre 2019, M. B..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision portant exclusion temporaire de fonctions d'un an prise le 11 décembre 2012 par le président du SEY.

3° d'enjoindre au président du SEY de le réintégrer à compter du 1er janvier 2013 et de le rétablir rétroactivement dans la totalité de ses droits ;

4° de mettre à la charge du SEY le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, le quorum n'étant pas atteint lors de la séance du conseil de discipline du 28 novembre 2012 ;

- elle est illégale dès lors que la date d'effet de la sanction aurait dû être fixée à l'expiration de son congé de maladie ;

- les faits qui lui sont reprochés n'étaient pas de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ;

- la sanction s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral dont il est victime ;

- la sanction infligée présente un caractère disproportionné.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. B... et celles de Me C... pour le SEY.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 décembre 2012 le président du Syndicat d'Energie des Yvelines a infligé à M. D... B..., ingénieur territorial principal, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an à compter du 1er janvier 2013. L'intéressé a alors introduit devant le Tribunal Administratif de Versailles un recours tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n°1300795 du 28 juin 2016, dont M. B... relève appel, le Tribunal Administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure entachant la réunion du conseil de discipline :

2. Aux termes de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 : " (...) Le conseil de discipline délibère valablement lorsque le quorum, fixé, pour chacune des représentations du personnel et des collectivités, à la moitié plus une voix de leurs membres respectifs, est atteint. En cas d'absence d'un ou plusieurs membres dans la représentation des élus ou dans celle du personnel, le nombre des membres de la représentation la plus nombreuse appelés à participer à la délibération et au vote est réduit en début de réunion afin que le nombre des représentants des élus et celui des représentants des personnels soient égaux. / Si le quorum n'est pas atteint lors de la première réunion, le conseil de discipline, après une nouvelle convocation, délibère valablement quel que soit le nombre des présents. (...)".

3. Il ressort de la lecture, tant du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 27 septembre 2012, que de celui de la séance du 28 novembre 2012, que, pour émettre un avis sur la proposition de sanction du président du SEY à l'encontre de M. B..., le conseil de discipline a d'abord été convoqué le 27 septembre 2012. Cependant, il n'a pu ce jour-là atteindre le quorum nécessaire pour délibérer valablement. Dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984, le conseil de discipline a été appelé à se réunir à nouveau le 28 novembre 2012, sans condition de quorum. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles de quorum devant le conseil de discipline doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la date d'effet de la sanction aurait dû être fixée à l'expiration de son congé de maladie :

4. Si M. B... soutient que la décision de sanction serait illégale en tant qu'elle ne prévoit pas le report de sa date d'effet à l'expiration de son congé maladie, qui était fixée au 20 janvier 2013 par son médecin, la circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction, y compris durant son congé pour maladie. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les agissements de l'appelant n'étaient pas fautifs :

5. Aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ". Aux termes de l'article 29 de cette même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...). ".

6. Comme l'ont rappelé les premiers juges, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'un nouveau président et une nouvelle directrice du SEY ont procédé à une réorganisation des services au début de l'année 2012 les conduisant à rédiger de nouvelles fiches de postes pour les six agents en fonction. A ce titre, plusieurs tâches ont été confiées à l'appelant telles que l'élaboration d'un questionnaire relatif à l'éclairage public des communes membres et la rédaction d'une annexe à un cahier des charges de la concession de gaz, correspondant aux missions susceptibles d'être confiées à un ingénieur territorial principal qui était le grade de l'intéressé. Il résulte des nombreux éléments produits et courriels que M. B... a cherché à ne pas exécuter les missions nouvellement confiées, en restituant des documents inachevés ou en procédant à des questionnements dilatoires. En outre, par de nombreux courriels, au ton parfois déplacé comme l'ont relevé les premiers juges, émis au cours des mois de mars et d'avril 2012, M. B... a manifesté son hostilité et sa défiance envers sa hiérarchie directe, lui demandant de confirmer systématiquement ses demandes et observations par écrit, et allant même jusqu'à souhaiter ne la rencontrer qu'en présence d'une personne de son choix. Par cette attitude, M. B... a manqué de façon réitérée à ses devoirs d'obéissance hiérarchique et de loyauté, créant ainsi une situation de blocage susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement du service. Par suite, les agissements de l'intéressé étaient constitutifs de manquements à ses obligations professionnelles, de nature à justifier qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre.

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée :

8. L'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours. / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...). ".

9. Les faits évoqués au point 7 du présent arrêt constituent, comme cela a été dit, des manquements à l'obligation d'obéissance hiérarchique et de loyauté, qui ont été commis de façon réitérée par un agent titulaire d'un grade de catégorie A, et ayant eu pour effet d'occasionner un blocage dans le fonctionnement du service, d'autant plus préjudiciable que le SEY comptait des effectifs réduits. Par conséquent, la sanction d'exclusion temporaire d'une durée d'un an, relevant du 3ème groupe de sanction, et ayant fait l'objet d'un avis favorable rendu à l'unanimité par le conseil de discipline, n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée.

En ce qui concerne la situation de harcèlement moral :

10. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

12. M. B... soutient être victime d'une situation de harcèlement moral depuis la prise de fonction du nouveau président du SEY au début du mois de janvier 2012, et fait valoir que sa hiérarchie a tenté de le déstabiliser, notamment en modifiant ses attributions, en réduisant ses primes, et en l'invitant à quitter les services du SEY. Toutefois, et comme il l'a été dit au point 7, M. B... a manqué à ses obligations professionnelles et a lui même contribué à la dégradation des relations avec le nouveau président du syndicat et avec la nouvelle directrice. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en confiant de nouvelles missions à l'intéressé à l'occasion d'une réorganisation du service et en prenant une décision de diminution de son régime indemnitaire compte tenu de sa manière de servir, le président du SEY aurait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, se livrant ainsi à des agissements relevant d'une situation de harcèlement moral.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Le SEY n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. B... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme à verser au SEY en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Syndicat d'Energie des Yvelines tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE02797 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02797
Date de la décision : 31/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CAYLA-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-31;16ve02797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award