Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA CHEVAL QUANCARD a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 5 mars 2015, valant titre de recette, par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a réclamé le versement de la somme de 48 755,46 euros, correspondant, à hauteur de 32 503,64 euros, au remboursement, qu'elle estime infondé, d'une d'aide de l'Union européenne versée au titre de la promotion de produits vitivinicoles dans les pays tiers, et, à hauteur de 16 251,82 euros, à l'application d'une sanction, et de la décharger de l'obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge.
Par un jugement n° 1503960 du 3 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 2 mai et 24 juin 2016, le 29 décembre 2017, les 31 janvier et 2 février 2018, la SA CHEVAL QUANCARD, représentée par Me Aguila, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler le titre de recette litigieux et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mises consécutivement à sa charge ;
3° à titre subsidiaire, de réformer la décision en litige en la déchargeant de l'obligation de payer la sanction mise à sa charge ;
4° à titre infiniment subsidiaire, de ramener le montant de la sanction prononcée à son encontre à de plus justes proportions ;
5° de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation, en ce qu'il ne répond pas suffisamment au moyen tiré de la méconnaissance par FranceAgriMer des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- le titre de recette contesté a été émis en méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ; FranceAgriMer a, en effet, remis en cause le versement des aides consenties par une décision du 6 décembre 2012 en se fondant sur des dispositions insuffisamment claires et précises ou dont, en l'espèce, cet établissement a fait une interprétation différente de celle qui prévalait à la date à laquelle il a conclu avec elle une convention réglant les modalités de versement des aides en cause sur la totalité du programme triennal des actions de promotion envisagées par la société et éligibles à ces aides ; par voie de conséquence, et en remettant en cause des espérances légitimes nées du versement de la somme litigieuse, FranceAgriMer a méconnu le principe de confiance légitime précité ;
- FranceAgriMer a méconnu, en émettant le titre de recette contesté, les règles applicables au retrait des décisions individuelles créatrices de droit, qui étaient les seules à pouvoir être appliquées en l'espèce en l'absence de dispositions du droit de l'Union susceptibles de fonder les modalités de répétition des sommes en cause ; à supposer, en tout état de cause, que trouvent à s'appliquer les modalités de recouvrement fixées par les dispositions du règlement (CE) 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, qui renvoient à l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du
21 avril 2004, il y aurait lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur la validité de cet article, en ce qu'il institue un délai de répétition de dix ans, contraire aux exigences de l'article 3 , paragraphe 1 du règlement n° 2998/95 du 18 décembre 1995 qui prévoit un délai de principe de quatre ans et aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime mais également au principe de proportionnalité, principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- le titre de recette contesté est entaché d'erreur de droit, en ce qu'il se fonde sur une obligation de comptabilisation des factures émises au nom de son intermédiaire russe par les fournisseurs de ce dernier, qui ne résulte d'aucune disposition applicable au litige, ni des stipulations de la convention qu'elle a conclue avec FranceAgriMer le 17 novembre 2010, alors même que cette même convention prévoit que l'absence de visa du commissaire aux comptes ou de l'expert-comptable peut être palliée par d'autres modalités de nature à justifier de la réalité, de la destination et de l'acquittement d'une dépense éligible ;
- ce titre est entaché d'erreur de fait, les factures correspondant aux actions de promotion effectuées par l'intermédiaire de son importateur russe ayant été régulièrement comptabilisées et visées par son commissaire aux comptes ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation en ce qui concerne la valeur probante des différents justificatifs produits pour justifier du rattachement de chacune des prestations réalisées en Russie par l'intermédiaire de son importateur russe, du montant des sommes correspondant à chacune de ses actions, ainsi que des relations existant entre l'importateur russe, la société MAIF Wine VIP Club, et ses filiales de droit chypriote et bélizien qui ont encaissé, pour son compte, les sommes qu'elle a déboursées ;
- la sanction dont elle a fait l'objet est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision critiquée ;
- elle est également illégale à raison de l'illégalité de l'article 5 bis de l'arrêté du
16 février 2009 qui, en ce qu'il prévoit un mécanisme de sanction automatique, méconnaît le principe de proportionnalité des sanctions découlant de l'article 98 du règlement n° 555/2008 du 27 juin 2008, le principe d'individualisation des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe de la légalité des délits et des peines ;
- elle est illégale en ce que FranceAgriMer a appliqué rétroactivement les dispositions de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009 dans leur rédaction issue de l'arrêté du
20 juillet 2012, alors qu'il convenait de faire application des dispositions de ce même article dans leur rédaction en vigueur à la date de la conclusion de la convention de subventionnement, soit le 17 novembre 2010.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et portant modalités d'application de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil ;
- le règlement (CE) 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant notamment le règlement (CE) n°1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ;
- le règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement " OCM unique ") ;
- le règlement (CE) 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 définissant conformément au règlement
n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 les modalités de mise en oeuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole financé par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du
29 avril 2008 ;
- l'arrêté du 16 février 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre des mesures de promotion dans les pays tiers, éligibles au financement par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, modifié ;
- l'arrêté du 12 août 2009 définissant le régime des sanctions applicables conformément à l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et à l'article 18 du règlement (CE) n° 436/2009 du 26 mai 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rollet-Perraud,
- les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public,
- les observations de MeA..., substituant Me Aguila, avocat, représentant la SA CHEVAL QUANCARD,
- et les observations de Me Alibert, avocat, représentant France AgriMer.
1. Considérant que la SA CHEVAL QUANCARD exerce une activité de négoce de vins de Bordeaux ; qu'elle a été admise au bénéfice de l'aide de l'Union européenne à la promotion des produits vitivinicoles sur les marchés des pays tiers, au titre des actions de promotion de ses produits qu'elle devait mener sur le marché russe à compter de l'année 2010 et jusqu'à l'année 2013 ; que les conditions et les modalités d'attribution de cette aide ont été précisées par une convention conclue le 17 novembre 2010 entre la SA CHEVAL QUANCARD et FranceAgriMer, établissement chargé du paiement de cette aide ; que, par décision du
6 décembre 2012, le directeur général de cet établissement a accordé à la société le versement de l'acompte de cette aide correspondant aux prestations de promotion éligibles réalisées entre le
1er septembre 2010 et le 31 août 2011 ; que toutefois, à la suite d'un contrôle effectué par les agents de la mission de contrôle des opérations dans le secteur agricole (MCOSA) relevant notamment des anomalies portant sur la traçabilité de versements consentis par la SA CHEVAL QUANCARD à la société MAIF Wine VIP Club, importatrice en Russie des vins commercialisés par la société, et sur la justification des actions de promotion réalisées par cette société pour le compte de la SA CHEVAL QUANCARD, le directeur général de FranceAgriMer a entendu procéder au recouvrement de la fraction de l'aide correspondant aux actions ainsi remises en cause ; qu'après qu'une procédure contradictoire a permis à la société de présenter ses observations, le directeur général de FranceAgriMer, par décision du 5 mars 2015, valant titre de recettes, a arrêté le montant de la subvention devant faire l'objet d'un reversement à la somme de 32 503,64 euros, majorée d'une somme de 16 251, 82 euros à titre de sanction en application des dispositions du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 et de l'article 5 bis de l'arrêté du
16 février 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre des mesures de promotion dans les pays tiers, éligibles au financement par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE)
n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ; que la SA CHEVAL QUANCARD a demandé l'annulation de ce titre de recette et la décharge de l'obligation de payer correspondante auprès du Tribunal administratif de Montreuil ; qu'elle relève appel du jugement n° 1503960 du
3 mars 2016 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que le jugement attaqué a répondu au moyen invoqué par la SA CHEVAL QUANCARD et tiré de ce que FranceAgriMer, en émettant le titre de recette litigieux et en remettant ainsi en cause le versement des acomptes de subvention perçus par la société requérante, aurait porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime en relevant que les dispositions du droit de l'Union européenne et du droit national relatives au contrôle des aides à l'agriculture, complétées par l'article 7 de la convention signée par la société requérante et FranceAgriMer le 17 novembre 2010, prévoyaient la possibilité d'une action de recouvrement des aides versées à tort et que la société requérante ne pouvait, de ce fait, ignorer qu'elle pouvait être conduite à restituer des sommes déjà perçues sans que leur versement puisse faire naître des espérances fondées d'appréhension définitive de ces sommes ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par les parties à l'appui de leurs moyens, a ainsi suffisamment motivé son jugement sur ce point ;
3. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que le Tribunal administratif de Montreuil n'aurait pas distingué les atteintes, de nature distincte, qui auraient été portées au principe de sécurité juridique, d'une part, et au principe de confiance légitime, d'autre part, a trait au bien-fondé du jugement attaqué ; qu'il est donc sans incidence sur sa régularité ;
Sur le bien-fondé de la créance :
En ce qui concerne le remboursement des aides perçues par la SA CHEVAL QUANCARD :
4. Considérant que l'article 10 du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, dont les dispositions sont reprises à l'article 103 septdecies du règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur, prévoit : " 1. L'aide accordée au titre du présent article porte sur des mesures d'information ou de promotion menées dans les pays tiers en faveur des vins de la Communauté afin d'améliorer leur compétitivité dans les pays concernés (...) 3. Les mesures visées au paragraphe 1 se présentent exclusivement sous les formes suivantes: a) des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à souligner les avantages des produits communautaires, sous l'angle, notamment, de la qualité, de la sécurité alimentaire ou du respect de l'environnement ; b) la participation à des manifestations, foires ou expositions d'envergure internationale (...) 4. La participation communautaire aux actions de promotion n'excède pas 50 % de la dépense admissible. " ;
5. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 96 du règlement (CE) 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 : " Les paiements réalisés en vertu du titre II, exception faite de l'article 9, et du titre V du règlement (CE) no 479/2008 sont effectués intégralement au profit des bénéficiaires (...) Les paiements font l'objet de contrôles préalables comme prévu au présent règlement(...) " ; que l'article 97 du même règlement prévoit : " Tout paiement indu est recouvré, avec intérêts, auprès des bénéficiaires concernés. Les règles fixées à l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 s'appliquent mutatis mutandis " ; que l'article 73 de du règlement (CE) n° 796/2004 du 21 avril 2004 dispose : " 1. En cas de paiement indu, l'agriculteur concerné a l'obligation de rembourser les montants en cause majorés d'intérêts calculés comme prescrit au paragraphe 3 (...) 5. L'obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s'applique pas si plus de dix ans se sont écoulés entre le jour du paiement de l'aide et celui de la première notification au bénéficiaire, par l'autorité compétente, du caractère indu du paiement reçu. Toutefois, la période visée au premier alinéa est limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi. 6. Les montants à récupérer en vertu de l'application des réductions et exclusions prévues à l'article 21 et au titre IV sont soumis, dans tous les cas, à un délai de prescription de quatre ans " ;
6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2009-178 du 16 février 2009 définissant, conformément à ce règlement, les modalités de mise en oeuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole et définies par le règlement (CE) n° 479/2008 précité : " Des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et du budget précisent les conditions et les modalités d'attribution des aides mentionnées aux articles 10, 11, 15, 16, 18 et 19 du règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008. Ils déterminent à ce titre :
1. La procédure et les critères de sélection des demandes d'aides à la promotion sur le marché des pays tiers mentionnés à l'article 5 du règlement (CE) n° 555/2008 susvisé et des demandes d'aides aux investissements mentionnés aux articles 17 et 18 de ce règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 16 février 2009 pris pour l'application de ces dispositions : " La mesure (...) est mise en oeuvre par l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime, compétent en matière viticole, dans les conditions suivantes : 1° Les programmes sont présentés dans les formes définies par une instruction du directeur de l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime, compétent en matière viticole. 2° La procédure d'appel à propositions est conduite par l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime, compétent en matière viticole, en fonction des catégories de demandeurs énumérées aux articles 3 et 4 du présent arrêté. 3° Les dossiers sont instruits par l'établissement susvisé. (...) 6° La convention entre l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime, compétent en matière viticole, et le bénéficiaire définit les modalités d'attribution et de paiement de l'aide " ; que l'article 6 du même arrêté précise : " Les services nationaux compétents et les services de l'Union européenne peuvent procéder à des contrôles de la mesure. Lorsque ces contrôles conduisent à constater le non-respect d'une obligation ou un manquement aux règlements communautaires, l'établissement créé en application de l'article
L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime est compétent pour demander le remboursement de tout ou partie de l'aide versée au bénéficiaire, assorti, le cas échéant, des sanctions, pénalités et intérêts définis au présent arrêt. " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le reversement des montants d'aide à la promotion des produits vitivinicoles dans les pays tiers mis à la charge de la SA CHEVAL QUANCARD par le titre de recettes contesté est fondé, à titre principal, sur la double circonstance que, d'une part, les prestations de promotion commerciale facturées par la société MAIF Wine VIP Club au titre des actions de communication entreprises au cours de la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2011 pour un montant total de 67 977,60 euros, dont la matérialité n'est d'ailleurs pas contestée, n'ont pas été réglées à cette dernière, mais à des sociétés tierces, sans que puisse être ainsi vérifiée la traçabilité de ces règlements et que, d'autre part, les deux factures n° A00167 et 02012048 émises par la société MAIF Wine VIP Club pour un montant respectif de 25 500 euros et de 7 266,28 euros et l'avoir émis au profit de la société MAIF Wine VIP Club le 8 juin 2011, enregistrés en comptabilité par la SA CHEVAL QUANCARD et justifiant de l'engagement des dépenses en cause ne satisfaisaient pas aux conditions formelles prévues par la convention conclue le 17 novembre 2010, auxquelles est subordonné le paiement des aides à la promotion en litige ; que cette créance est également fondée, à titre subsidiaire, à due concurrence de la somme de 375,86 euros, sur des anomalies tenant à la double comptabilisation de deux factures de transport aérien et d'hôtel, à l'application d'un taux de change euro-rouble erroné et à une surévaluation du prix des échantillons refacturés par le correspondant local de la SA CHEVAL QUANCARD par rapport au tarif dit " export Russie " appliqué par cette dernière ;
8. Considérant, en premier lieu, que le principe de sécurité juridique exige, notamment, qu'une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence ; que, contrairement à ce que soutient la SA CHEVAL QUANCARD, la convention conclue avec FranceAgriMer le 17 novembre 2010 ainsi que ses annexes, et notamment les annexes 4 et 5, indiquaient avec une clarté et une précision suffisantes quelles étaient les conditions, tenant notamment aux conditions de comptabilisation et de paiement des dépenses éligibles, auxquelles était subordonnée l'appréhension définitive, après contrôle, des aides en cause, y compris dans le cadre de leur liquidation par acomptes annuels ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe doit donc être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont doit connaître le juge administratif français est régie par ce droit ; que tel est le cas en l'espèce, dès lors que la décision attaquée a notamment pour objet d'assurer en droit interne la mise en oeuvre des règles du droit de l'Union applicables en matière d'aides à l'agriculture ;
10. Considérant que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l'Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées ; que constituent notamment de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants ; que, toutefois, lorsqu'un opérateur économique est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est finalement adoptée ;
11. Considérant que la SA CHEVAL QUANCARD ne pouvait ignorer qu'en application des dispositions précitées des règlements (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 et
n° 796/2004 du 21 avril 2004 ainsi que de celles de l'arrêté du 16 février 2009 susvisé, FranceAgriMer pouvait procéder, même après le paiement des acomptes d'aides versés annuellement en exécution de la convention conclue avec cet établissement, au contrôle de l'utilisation des aides ainsi versées et, le cas échéant, à leur recouvrement en cas d'indu ; que, dans ces conditions, la société requérante était en mesure de prévoir que la décision du directeur général de FranceAgriMer du 6 décembre 2012 relative au paiement de l'acompte correspondant à l'exécution de la première année du programme d'aide triennal, compte tenu de la possibilité d'une procédure de répétition du trop-versé d'aides qui pouvait être constaté à l'issue du contrôle de ses documents comptables, n'avait pas pour effet de lui accorder un droit définitivement acquis à l'appréhension de ces sommes ; que le comportement de FranceAgriMer, qui a engagé le contrôle sur pièces des dépenses ayant donné lieu à la liquidation de cet acompte dès le mois de décembre 2012, n'a pas davantage pu faire naître chez la société requérante une espérance suffisamment fondée d'acquisition définitive des sommes en cause : que la SA CHEVAL QUANCARD n'est donc pas fondée à invoquer le principe de protection de la confiance légitime afin de faire échec à la répétition de tout ou partie des montants d'aide litigieux ;
12. Considérant, en troisième lieu, que la SA CHEVAL QUANCARD soutient que le titre de recette litigieux emporte retrait de la décision du 6 décembre 2012 précitée ; que cette dernière a eu pour effet de lui conférer, fût-ce illégalement, un droit à la perception de l'acompte versé à cette occasion ; que ce titre de recette est, ainsi, intervenu après l'expiration du délai de quatre mois au-delà duquel une décision individuelle créatrice de droits illégale peut être retirée ;
13. Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'est en cause la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte du droit de l'Union européenne, de vérifier si une disposition de ce droit définit les modalités de récupération de cette aide et, dans l'affirmative, d'en faire application, en écartant le cas échéant les règles nationales relatives aux modalités de retrait des décisions créatrices de droits, pour assurer la pleine effectivité des règles du droit de l'Union ;
14. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 et de l'article 73 de du règlement (CE) n° 796/2004 du
21 avril 2004 que les montants d'aides à la promotion des produits vitivinicoles dans les pays tiers à l'Union européenne versés à tort peuvent faire l'objet d'une action en répétition, lorsque le bénéficiaire est de bonne foi, dans le délai de quatre ans à compter du jour de la mise en paiement des sommes litigieuses et, lorsque la bonne foi du bénéficiaire est écartée, dans le délai de dix ans à compter de cette même date ; que ces dispositions trouvent donc à s'appliquer aux modalités de récupération de l'aide indûment perçue, que cet indu résulte du fait du bénéficiaire ou de celui de l'organisme ayant procédé à son versement, à l'exclusion des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droit ; que le moyen tiré de l'illégalité du retrait de la décision de versement d'un acompte du 6 décembre 2012, en particulier, au regard des règles de droit interne régissant le retrait des actes administratifs créateurs de droit, doit donc être écarté comme inopérant ;
15. Considérant en outre, qu'il ne résulte pas de l'instruction que FranceAgriMer aurait retenu l'absence de bonne foi de la SA CHEVAL QUANCARD et n'aurait pas appliqué, pour procéder à la répétition de l'indu en cause, le délai de quatre ans à compter de la date de mise en paiement prévu, lorsque le bénéficiaire est de bonne foi, par les dispositions précitées de l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 ; qu'il n'y a donc pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne, comme le demande la société requérante, une question préjudicielle sur la validité de cet article 73, en ce qu'il institue un délai de répétition de dix ans, au regard des exigences de l'article 3, paragraphe 1 du règlement n° 2998/95 du 18 décembre 1995 qui prévoit un délai de principe de quatre ans et des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de proportionnalité, principes généraux du droit de l'Union européenne, dès lors que FranceAgriMer n'a pas recouru, en l'espèce, à ce délai spécial de répétition ;
16. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 5-3 de la convention conclue le
17 novembre 2010 par la SA CHEVAL QUANCARD et FranceAgriMer en application des dispositions précitées, intitulé " Contenu des demandes de paiement ", stipule : " Le contenu, la forme et les modalités de transmission des demandes de paiement sont détaillés en Annexe 4 (...) Les demandes comportent notamment un état récapitulatif des dépenses et un compte-rendu de réalisations(...) Les justificatifs indiquent de façon détaillée à quelles actions et à quel type de dépenses elles correspondent. Le cas échéant, l'opérateur peut suppléer l'information manquante sur les factures par des éléments tirés de la préparation des actions concernées, notamment : les devis ; les contrats " ; que l'annexe 4 à cette convention précise " Les factures sont obligatoirement rédigées ou traduites en français ou en anglais. Elles indiquent de façon détaillée à quelles actions et à quel type de dépenses elles correspondent. Le cas échéant, l'opérateur peut suppléer l'information manquante sur les factures par des éléments tirés de la préparation des actions concernées, notamment les devis. Dans la mesure du possible, l'opérateur garde trace des réalisations correspondantes par tout moyen approprié, notamment photographique, et utilise ces traces pour étayer le compte-rendu de réalisations " ;
17. Considérant, d'une part, que les sommes facturées par la société MAIF Wine VIP Club à la SA CHEVAL QUANCARD au titre des opérations promotionnelles réalisées en Russie par la société MAIF Wine VIP Club pour le compte de la société requérante et ayant donné lieu au versement des aides en cause ont été payées, non à la société MAIF Wine VIP Club, mais à la société chypriote Yiastex Commercial Ltd et à la société bélizienne Fragaria Limited ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les factures émises par la société MAIF Wine Club VIP indiquaient explicitement que le paiement des prestations réalisées devait intervenir dans les mains de l'une ou l'autre de ces sociétés ; que la SA CHEVAL QUANCARD établit avoir effectivement procédé au versement des sommes correspondantes au profit de ces sociétés dont elle justifie également, par une attestation signée de la représentante légale de la société MAIF Wine VIP Club dont FranceAgriMer ne remet pas sérieusement en cause la valeur probante, qu'il s'agit de filiales de son prestataire russe dont le rôle principal est d'encaisser les revenus perçus par leur société-mère à des fins d'optimisation fiscale ; que, dans ces conditions, la société requérante justifie du paiement effectif des prestations facturées par son importateur russe pour le montant inscrit dans sa comptabilité ; que FranceAgrimer ne pouvait donc opposer ce premier motif à la SA CHEVAL QUANCARD pour remettre en cause le versement des aides correspondant à ces dépenses ;
18. Considérant, d'autre part, que les deux factures n° A00167 et 02012048 ainsi que l'avoir émis le 8 juin 2011 et réglé par la SA CHEVAL QUANCARD le 20 juin suivant, qui sont les seuls documents comptables relatifs aux opérations en cause dont elle était le destinataire direct et qu'elle pouvait, ainsi, enregistrer dans sa comptabilité, ont été régulièrement inscrits dans les comptes de la société requérante et visés par son commissaire aux comptes, comme celui-ci en atteste ; que, s'il est exact que le libellé imprécis de ces pièces et l'absence d'individualisation du coût unitaire de chacune des prestations de promotion commerciale dont elles retraçaient le coût total ne permettaient pas au service vérificateur de contrôler de manière détaillée à quelles actions et à quel type de dépenses elles correspondaient, la SA CHEVAL QUANCARD a toutefois produit, notamment à l'occasion des observations qu'elle a présentées le 2 avril 2014 dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à l'émission du titre de recette litigieux, un tableau récapitulatif détaillé et assorti des factures reçues par la société MAIF Wine VIP Club de ses fournisseurs russes, permettant de s'assurer du coût de chaque prestation de promotion et de rattacher l'ensemble de ces dernières à l'une des deux factures ou à l'avoir enregistrés dans sa comptabilité par la SA CHEVAL QUANCARD ; qu'un tel document récapitulatif, comme le prévoit l'annexe 4 à la convention du 17 novembre 2010 précitée, est de nature à suppléer, par les précisions qu'il apporte, à l'information manquante sur les factures en cause dont une traduction a été produite devant le juge, au sens des stipulations précitées de la convention du 17 novembre 2010, sans qu'y fasse obstacle le fait que les justificatifs des dépenses supportées par la société MAIF Wine VIP Club pour le compte de la société requérante soient en langue russe, dans la mesure où l'annexe 4 n'impose qu'aux seules factures acquittées par le bénéficiaire des aides, l'obligation d'une rédaction ou d'une traduction en français ou en anglais ; qu'ainsi, ce second motif n'était pas davantage de nature à justifier le reversement de la subvention accordée ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer ne pouvait fonder la répétition des sommes versées à la SA CHEVAL QUANCARD en opposant à cette dernière les deux motifs précités ; qu'en revanche, la SA CHEVAL QUANCARD n'invoque aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé des motifs subsidiaires de la répétition des aides litigieuses, à due concurrence de la somme de 375,86 euros ; qu'elle n'est, ainsi, fondée à demander l'annulation du titre de recette litigieux et la décharge de l'obligation de rembourser les aides perçues correspondantes, qu'à hauteur de la somme de 32 127,78 euros ;
En ce qui concerne l'application de la sanction :
20. Considérant qu'aux termes de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du
27 juin 2008 : " Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) no 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l'application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l'égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) no 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés " ; qu'aux termes de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009, dans sa rédaction applicable : " En application des dispositions de l'article 98 du règlement (CE)
n° 555/2008, des sanctions sont appliquées par l'établissement créé en application de l'article
L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime selon les modalités décrites ci-après : Lorsque le montant d'aide calculé sur la base d'un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l'aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d'aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l'instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d'anomalie calculé à partir de l'écart ainsi constaté (montant écart/ montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes :
- lorsque le taux d'anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l'aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place (...) au-delà de 50 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 50 % du montant de l'écart constaté, le montant de la diminution est plafonné au montant de l'aide calculé après contrôle sur place... " ;
21. Considérant qu'ainsi qu'il est dit précédemment, le montant des aides indument perçues par la SA CHEVAL QUANCARD et dont FranceAgriMer est fondée à poursuivre le recouvrement doit être limité à la somme de 375,86 euros ; que, dès lors que le taux d'anomalie calculé à partir des sommes restant ainsi à la charge de la société requérante est inférieur à 5 % du montant total des subventions versées, il n'est pas susceptible, en application des dispositions précitées de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009, de donner lieu à l'application d'une sanction ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point, d'accorder à la SA CHEVAL QUANCARD la décharge de l'obligation de payer la somme de 16 251,82 euros mise à sa charge à titre de sanction par le titre de recette litigieux ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA CHEVAL QUANCARD est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recette émis le
5 mars 2015, qu'en tant qu'il met à sa charge le remboursement des aides en litige à concurrence de la somme de 32 127,78 euros ainsi que le paiement de la sanction pécuniaire d'un montant de
16 251,82 euros, et à la décharge de l'obligation de payer ces sommes, dont le total s'élève à 48 379,60 euros ; que, pour le surplus, la requête de la SA CHEVAL QUANCARD doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA CHEVAL QUANCARD, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme dont FranceAgriMer demande le paiement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement à la SA CHEVAL QUANCARD de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre de recette émis le 5 mars 2015 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) est annulé, en tant qu'il met à la charge de la SA CHEVAL QUANCARD le remboursement d'aides à la promotion vitivinicole dans les pays tiers à l'Union européenne à concurrence de la somme de 32 127,78 euros ainsi que le paiement d'une sanction pécuniaire d'un montant de 16 251,82 euros.
Article 2 : La SA CHEVAL QUANCARD est déchargée de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par le titre de recette mentionné à l'article 1er à hauteur de la somme totale
de 48 379,60 euros.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1503960 du 3 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) versera à la SA CHEVAL QUANCARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA CHEVAL QUANCARD est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 16VE01317 4