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19/09/2017 | FRANCE | N°16VE00339

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 septembre 2017, 16VE00339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CARAPELLI FIRENZE SPA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, pour un montant global de 2 133 565 euros.

Par un jugement n° 1400374 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

t un mémoire, enregistrés les 3 février et 30 novembre 2016, la société CARAPELLI FIRENZE SPA, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CARAPELLI FIRENZE SPA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, pour un montant global de 2 133 565 euros.

Par un jugement n° 1400374 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 30 novembre 2016, la société CARAPELLI FIRENZE SPA, représentée par Me Mario Celaya, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine mises à sa charge ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal s'est borné à reproduire les motifs de la décision n° 359541 du Conseil d'État du 12 avril 2013 sans prendre en compte son argumentation et les éléments de preuve produits, tenant notamment au caractère erroné du procédé de production de l'huile d'olive retenu par la Haute Juridiction dans la décision précitée ;

- la taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine visée à l'article 1609 vicies du code général des impôts est contraire à l'article 110, alinéa 1er, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors les huiles d'olive, de colza et de tournesol sont similaires tant par leur mode de production, par pression en amont, par raffinage en aval, que leur texture, leur goût et leurs propriétés culinaires ;

- l'institution de cette taxe participe d'un régime d'aide d'État en faveur des agriculteurs non salariés qui, en tant qu'elle n'a pas été notifiée à la Commission européenne, contrevient aux articles 107 §1er et 108 §3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; en effet, le produit de la taxe, qui est affecté à la Mutualité Sociale Agricole, contribue à abaisser les charges sociales des agriculteurs non salariés ;

- la décision précitée du Conseil d'État n'a pas autorité absolue de la chose jugée et ne fait donc pas obstacle à ce que ces questions de droit soient à nouveau jugées alors que, de surcroît, cette décision comporte des inexactitudes matérielles et factuelles susceptibles d'invalider l'analyse qui y est tenue.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 107, 108 et 110 ;

- le règlement (CEE) 136/66 du Conseil du 22 septembre 1966 ;

- le règlement (CEE) 865/2004 du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Mario Celaya pour la société CARAPELLI FIRENZE SPA.

1. Considérant que la société de droit italien CARAPELLI FIRENZE SPA, qui exerce une activité de commerce de gros d'huile et de matières grasses comestibles, a vainement demandé à l'administration fiscale le dégrèvement des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine prévue à l'article 1609 vicies du code général des impôts auxquelles elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ; que, par un jugement du 1er décembre 2015, dont la société CARAPELLI FIRENZE SPA relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont précisé les textes dont ils ont fait application, ainsi que les éléments de fait propres à l'affaire qui ont concouru à former leur conviction ; que, par suite, alors même que le libellé de ce jugement serait proche de celui de la décision n° 359541, 359550, 359551 rendue, le 12 avril 2013, dans un autre litige par le Conseil d'État et que le juge de l'impôt n'est pas tenu répondre à l'ensemble des arguments, ni de statuer sur la valeur probante de chacun des documents qui lui sont présentés, le Tribunal administratif de Montreuil ne peut être regardé comme ayant insuffisamment motivé son jugement eu égard aux conclusions et moyens dont il avait été saisi par la société CARAPELLI FIRENZE SPA ; que, par suite, le jugement déféré n'est pas irrégulier pour ce motif ;

Sur le bien-fondé des cotisations de taxe en litige :

3. Considérant que l'article 1609 vicies du code général des impôts a créé une taxe spéciale sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l'alimentation humaine ; que cette taxe est due par les producteurs sur toutes les ventes ou livraisons à soi-même de ces huiles pour les huiles fabriquées en France continentale et en Corse, lors de l'importation pour les huiles importées en France continentale et en Corse et lors de l'acquisition pour les huiles qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire ; que cette taxe, établie et recouvrée selon les mêmes modalités ainsi que les mêmes sûretés, garanties et sanctions que les taxes sur le chiffre d'affaires, bénéficie, depuis le 1er janvier 2009 - après avoir été instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, puis à celui du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles - à la Mutualité sociale agricole en charge de ces prestations ; qu'en vertu de l'article 159 ter A de l'annexe IV au code général des impôts, cette taxe est perçue en fonction du poids net des huiles ; qu'il résulte des tarifs fixés en euro par kilogramme et en vigueur pour les périodes en litige que, pour les huiles végétales, le tarif le plus élevé de la taxe n'est applicable qu'à l'huile d'olive tandis que les huiles de colza et de tournesol bénéficient de tarifs plus faibles ;

En ce qui concerne la compatibilité de la taxe avec les stipulations du premier alinéa de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires " ; que des produits sont similaires au sens de ces stipulations lorsqu'ils présentent, au regard des consommateurs, des propriétés analogues ou répondent aux mêmes besoins ; que, pour l'appréciation du caractère de similitude de deux catégories de produits, il y a lieu de prendre en considération, d'une part, un ensemble de caractéristiques objectives, telles que leur origine, leurs procédés de fabrication, leurs qualités organoleptiques, notamment leur gout et leur texture, et, d'autre part, le fait que ces catégories de produits sont susceptibles ou non de répondre à des besoins identiques des consommateurs, cette identité s'appréciant non pas en fonction des habitudes de consommation existantes, mais au vu des possibilités d'évolution de ces habitudes et, essentiellement, sur la base des caractéristiques objectives qui font qu'un produit est susceptible de répondre, au regard de certaines catégories de consommateurs, aux mêmes besoins qu'un autre ;

5. Considérant qu'en admettant même que les huiles d'olive, d'une part, de colza et de tournesol, d'autre part, puissent être regardées comme produites selon les mêmes procédés de fabrication, que sont les procédés mécanique et/ou par raffinage, l'huile d'olive, en ce qu'elle provient d'un fruit et non d'une graine, a un goût et des propriétés culinaires spécifiques, présente des caractéristiques objectives qui, au regard des consommateurs, la distinguent des huiles de colza et de tournesol, ce dont atteste, au surplus, l'écart de prix important auquel ces différentes catégories d'huiles sont vendues et que n'explique pas le différentiel de coût incorporé de la taxe ; que, dans la mesure où l'huile d'olive et les huiles de colza et de tournesol ne constituent pas des produits similaires, la société CARAPELLI FIRENZE SPA n'est pas fondée à soutenir que la taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine, en tant qu'elle applique son tarif le plus élevé aux seules huiles d'olive, méconnaît les stipulations précitées de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

En ce qui la compatibilité de la taxe avec les stipulations de l'article 107 paragraphe 1er du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions." ; qu'aux termes de l'article 108 du même traité : " 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur. / 2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259. (...) " ;

7. Considérant que la société CAPARELLI FIRENZE SPA soutient que la taxe spéciale sur les huiles prévue par l'article 1609 vicies du code général des impôts, en raison du lien d'affectation contraignant de l'intégralité de son produit au financement de l'aide d'État constituée par les aides sociales accordées aux non-salariés agricoles, qui ont pour objet de diminuer les charges sociales qu'ils auraient dû normalement supporter, fait partie intégrante de ces aides et est elle-même une aide d'État instituée en contravention avec les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

8. Considérant, toutefois, que si cette taxe a été affectée, à l'exception de la période allant du 19 décembre au 31 décembre 2008, au financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, il ne résulte pas de l'instruction que les non-salariés agricoles, affiliés à un régime de base de sécurité sociale distinct du régime général de sécurité sociale et dont le financement, pour des raisons essentiellement démographiques, est assuré non seulement par des cotisations à la charge des intéressés mais aussi par des recettes exprimant le choix du législateur de financer ce régime selon un principe de solidarité nationale, bénéficieraient, dans ce cadre, de mesures sélectives et, dès lors, susceptibles d'être regardées comme des aides d'Etat ; qu'ainsi, et alors même que le lien d'affectation serait contraignant, la taxe ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'un mécanisme d'aide d'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la taxe attaquée au regard des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CAPARELLI FIRENZE SPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CAPARELLI FIRENZE SPA est rejetée.

N°16VE00339 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00339
Date de la décision : 19/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales.

Contributions et taxes - Parafiscalité - redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CELAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-09-19;16ve00339 ?
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