La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2017 | FRANCE | N°17VE00176

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 juillet 2017, 17VE00176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Commerzbank a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour la somme de 574 037 euros au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement n° 1509628 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à la demande de la société, a prononcé la restitution de cette imposition.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémo

ires, enregistrés les 16 janvier 2017, 12 avril 2017, 18 et 30 mai 2017 le MINISTRE DE L'ECONOMIE...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Commerzbank a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie pour la somme de 574 037 euros au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement n° 1509628 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à la demande de la société, a prononcé la restitution de cette imposition.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 16 janvier 2017, 12 avril 2017, 18 et 30 mai 2017 le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de remettre à la charge de la société Commerzbank l'imposition en litige.

Il soutient que :

- l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, en désignant comme redevable de la contribution exceptionnelle, les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, fait référence, non seulement aux sociétés françaises imposables en France, mais également aux sociétés étrangères redevables de cet impôt par l'intermédiaire de leur établissement stable ; il s'ensuit nécessairement que le chiffre d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation de ce seuil d'assujettissement est le chiffre d'affaires total de la société étrangère ;

- les dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts fixent les règles d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés selon le principe de territorialité au terme duquel seul le bénéfice réalisé en France, soit directement par une société, que celle-ci soit française ou étrangère, soit par l'intermédiaire de son établissement stable français, est imposable en France ; toutefois, ces dispositions n'ont pas pour effet de faire obstacle à la prise en compte du chiffre d'affaires global réalisé par cette société pour l'appréciation du seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle ; à ce titre, les sociétés françaises sont soumises à la contribution exceptionnelle si et seulement si leur chiffre d'affaires global, en ce compris celui qu'elles réalisent par l'intermédiaire de leurs établissements stables à l'étranger, est supérieur 250 millions d'euros ; réciproquement, les sociétés étrangères qui sont imposables en France à raison des bénéfices qu'elles y réalisent par le truchement d'un établissement stable seront soumises à cette même contribution si et seulement si leur chiffre d'affaires dans leur État de résidence, en France et à l'étranger, est également supérieur à ce seuil ; en ce qu'il fait référence au redevable de l'impôt sur les sociétés pour apprécier la condition de chiffre d'affaires, l'article 235 ter ZAA n'a ainsi pas pour objet de le limiter au seul chiffre d'affaires réalisé par l'établissement stable français d'une société étrangère ;

- dans sa décision n° 395015 du 9 décembre 2016, le Conseil d'État juge en ce sens que " l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France " ;

- l'article 235 ter ZAA ne contrevient pas davantage au principe de la liberté d'établissement dès lors que, conformément aux termes de la décision précitée du Conseil d'État " au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre " ; par ailleurs, dans l'affaire C-68/15 dite de la Fairness tax, l'avocat général J. Kokott a soutenu dans ses conclusions prononcées le 17 novembre 2016 que " le libre choix de la forme juridique ne doit pas être compris comme une exigence autonome (...) En conséquence, la différence de traitement fiscal qui résulte pour les sociétés étrangères de l'exercice de leur activité dans un État membre d'accueil selon qu'elles opèrent par l'intermédiaire d'un établissement stable ou d'une filiale ne peut en soi suffire pour conclure à une restriction de la liberté d'établissement. A cet effet, il faut encore que la situation transfrontalière fasse l'objet d'un traitement défavorable par rapport à une situation purement interne ".

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société de droit allemand Commerzbank, qui exerce une activité bancaire, a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Commerzbank tendant à la restitution de cette imposition ;

Sur le recours du ministre :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à

250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) " ;

3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins

250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, dès lors, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir jugé que, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, il y avait lieu de ne retenir que le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés, a prononcé la restitution de cette contribution ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Commerzbank devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'établissement découlant de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un État membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;

6. Considérant que la société Commerzbank soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère ;

7. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre implique seulement, pour l'État membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non discrimination prévu au paragraphe 4 de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande :

8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande : " L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité " ;

9. Considérant, d'une part, qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie en Allemagne disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment en Allemagne, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ;

10. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable que celle qui serait la sienne si son activité était exercée en France par l'intermédiaire d'une filiale, et non d'une succursale, dès lors que le principe de non-discrimination n'implique pas que les différentes structures susceptibles d'être choisies par les opérateurs pour exercer leurs activités économiques soient soumises à un seul et même traitement fiscal alors, de surcroît, que la filiale et la succursale françaises d'une société résidente ne sont pas elles-mêmes l'objet d'un traitement similaire ;

11. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les modalités d'application de la contribution exceptionnelle, telles que précisées ci-dessus, méconnaîtraient la clause de non-discrimination prévue à l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que l'administration ne peut faire application de sa propre doctrine reprise dans la base Bofip-Impôt sous la référence BOI-IS-AUT-20 :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3., que la société Commerzbank a été imposée sur le fondement de la loi fiscale, et non sur celui de la doctrine de l'administration, notamment reprise dans la base Bofip-Impôt sous la référence BOI-IS-AUT-20 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, pour l'imposer à la contribution exceptionnelle, l'administration aurait opposé à la contribuable sa propre doctrine ne peut qu'être rejeté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle la société Commerzbank a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 doit être remise à sa charge ;

Sur les conclusions de la société Commerzbank tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que la société défenderesse sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1509628 du Tribunal administratif de Montreuil, en date du 1er décembre 2016, est annulé.

Article 2 : La contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés à laquelle la société Commerzbank a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 est remise à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Commerzbank sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE00176 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00176
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SELARL MD.LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-04;17ve00176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award