Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, par deux demandes distinctes :
1° la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, à hauteur de 2 138 735 euros ;
2° la réduction, à hauteur de 442 142 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.
Par un jugement nos 1204823 et 1408544 du 18 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a joint ces deux demandes, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de réduction des cotisations de contributions sociales à hauteur de 244 472 euros au titre de l'année 2011, et a rejeté le surplus des conclusions de MmeA....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique, et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 5 février 2016, le 15 mars 2017 et le 16 mai 2017, MmeA..., représentée par Me Ohana, avocat, demande à la Cour :
1° de réformer ce jugement ;
2° de prononcer la décharge du surplus des impositions contestées ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué des documents sur lesquels elle a fondé les rappels de taxe contestés, relatifs aux conditions de dépôt, d'exploitation et de rétribution des brevets en cause, déterminant la qualification " d'invention hors mission attribuable " retenue pour fonder les rappels contestés, qui ne peuvent être regardés comme reposant uniquement sur la décision d'admission de sa réclamation prise le 15 mars 2005 en matière d'impôt sur le revenu ;
- les primes d'intéressement qu'elle a reçues en 2005, 2006 et 2007 de son employeur, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), constituées par un pourcentage des redevances versées à ce dernier pour l'exploitation des brevets de deux médicaments dont elle a été co-inventeur dans le cadre de son activité salariée, constituaient un supplément de rémunération, et non le produit d'une activité économique indépendante, même après son départ à la retraite, en application notamment des articles L. 611-7 et R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle ; c'est donc à tort que l'administration a regardé les sommes ainsi perçues comme assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces revenus, en application des articles 256 et 256 A du code général des impôts, ainsi d'ailleurs que cela a été reconnu pour d'autres chercheurs placés dans la même situation ; le faisceau de présomption que l'administration avance pour fonder sa position, en conséquence d'une qualification " d'inventions hors mission attribuables ", repose sur des pièces, jamais communiquées, qui ne sont pas probantes, et qui contredisent la position argumentée du CNRS qui soutient à raison qu'il s'agit " d'inventions de mission " ; c'est, par ailleurs, à tort que le tribunal a fondé son jugement sur le fait qu'elle pourrait refacturer la taxe litigieuse à son employeur, dès lors que par un arrêt du 30 janvier 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'une telle demande serait irrecevable ;
S'agissant des contributions sociales :
- les sommes perçues au cours de l'année 2011 ayant déjà été soumises aux prélèvements sociaux grevant ces compléments de salaire, pour un montant de 448 937 euros, elles ne peuvent, à due concurrence, faire l'objet d'une nouvelle imposition aux mêmes prélèvements sociaux du seul fait d'une requalification de ces revenus et de leur imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au taux de 16 % applicable aux plus-values à long terme, en conséquence de la qualification " d'inventions hors mission attribuables " dès lors que les primes d'intéressement versées sont, comme le CNRS l'a toujours estimé, des compléments de salaire ; si un dégrèvement de 244 472 euros a été prononcé, il reste ainsi à dégrever une somme de 197 670 euros, pour éviter une double imposition illégale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de Me Ohana, avocat de MmeA....
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a notifié à MmeA..., par proposition de rectification en date du 17 décembre 2008, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, assis sur les redevances qu'elle avait perçues annuellement de son employeur, le centre national de la recherche scientifique (CNRS), en sa qualité de co-inventrice de deux médicaments contre le cancer, exploités respectivement depuis 1982 et 1994 par des laboratoires pharmaceutiques à qui l'exploitation des brevets correspondants avait été concédée par le CNRS ; qu'elle relève appel du jugement du 18 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, rejeté le surplus de la demande par laquelle elle avait, par ailleurs, sollicité la réduction des cotisations de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie sur les bénéfices non commerciaux correspondant à la redevance perçue au cours de l'année 2011 ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : / - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle : " Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après : / 1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail. / (...) / 2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié. / (...) / 3. Le salarié auteur d'une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire. / (...) 5. Les dispositions du présent article sont également applicables aux agents de l'Etat, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public, selon des modalités qui sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 611-12 du même code : " 1. Les inventions faites par le fonctionnaire ou l'agent public dans l'exécution soit des tâches comportant une mission inventive correspondant à ses attributions, soit d'études ou de recherches qui lui sont explicitement confiées appartiennent à la personne publique pour le compte de laquelle il effectue lesdites tâches, études ou recherches. Toutefois, si la personne publique décide de ne pas procéder à la valorisation de l'invention, le fonctionnaire ou agent public qui en est l'auteur peut disposer des droits patrimoniaux attachés à celle-ci, dans les conditions prévues par une convention conclue avec la personne publique. / 2. Toutes les autres inventions appartiennent au fonctionnaire ou à l'agent. / Toutefois, la personne publique employeur a le droit (...) de se faire attribuer tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention lorsque celle-ci est faite par un fonctionnaire ou agent : / Soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions ; / Soit dans le domaine des activités de l'organisme public concerné ; / Soit par la connaissance ou l'utilisation de techniques, de moyens spécifiques à cet organisme ou de données procurées par lui " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 611-14-1 du même code : " I. - Pour les fonctionnaires ou agents publics de l'Etat et de ses établissements publics relevant des catégories définies dans l'annexe au présent article et qui sont les auteurs d'une invention mentionnée au 1 de l'article R. 611-12, la rémunération supplémentaire prévue par l'article L. 611-7 est constituée par une prime d'intéressement aux produits tirés de l'invention par la personne publique qui en est bénéficiaire et par une prime au brevet d'invention (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort de l'instruction que les médicaments anticancéreux, dont l'exploitation commerciale, sous le nom de C...et Taxotere, a donné lieu au versement à Mme A...des primes d'intéressement sur la base desquelles est assise la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, ont été inventés, conformément à la mission qui leur avait été confiée, par les membres d'une équipe de chercheurs du CNRS, dirigée par le professeur Potier, dont l'intéressée faisait partie ; qu'il en résulte que ces primes d'intéressement ont été versées au cours des années 2005 à 2007 à une salariée du CNRS du fait de sa participation à une " invention de mission ", telle que définie par les dispositions précitées du 1. de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ; que si l'administration soutient que le CNRS s'était désintéressé de ces inventions, et que la commercialisation des médicaments n'avait été rendue possible que par diverses démarches, faites notamment par MmeA..., afin de breveter les molécules à partir desquelles ces médicaments ont été élaborés, une telle circonstance, que le CNRS n'a jamais reconnue, ne résulte pas de l'instruction, qui notamment ne fait pas apparaître qu'aurait été conclue la convention prévue par les dispositions précitées de l'article R. 611-12 du code de la propriété intellectuelle au cas où la personne publique décide de ne pas procéder à la valorisation de l'invention, conférant ainsi des droits patrimoniaux à l'agent public qui en est l'auteur ; qu'ainsi, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que les brevets, déposés en toute hypothèse au nom du CNRS, étaient la propriété de celui-ci et n'ont à aucun moment fait l'objet d'un transfert de droits patrimoniaux au profit de Mme A...ou d'autres membres de l'équipe de chercheurs, les primes d'intéressement versées à celle-ci, qui avaient nécessairement le caractère de complément de rémunération salariale, ne pouvaient être regardées comme versées en contrepartie d'une activité économique indépendante, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 256 A du code général des impôts ; qu'à cet égard, la circonstance que l'administration ait cru devoir, par décision du 15 mars 2005, faisant droit à la réclamation de l'intéressée, imposer ces revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, au taux de 16 % résultant de l'application des dispositions de l'article 93 quater I de ce code, est sans incidence sur l'assujettissement de l'intéressée à la taxe sur la valeur ajoutée, qui n'est déterminée que par les dispositions légales propres à cette taxe ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir qu'elle a été, à tort, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant des primes d'intéressement perçues par elle au cours des années 2005 à 2007 ;
En ce qui concerne les contributions sociales :
Sur l'étendue du litige :
6. Considérant que par décision prise au cours de la présente instance d'appel, le 3 juin 2016, le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a prononcé un dégrèvement des contributions sociales contestées, à hauteur d'une somme de 33 426 euros ; que la requête de Mme A...est ainsi devenue sans objet, à due concurrence ;
Sur la recevabilité des conclusions :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a formulé le 6 novembre 2012 une réclamation aux fins de décharge partielle, à hauteur de 284 936,20 euros, des contributions sociales qui lui avaient été réclamées au titre de l'année 2011 à hauteur de 448 937 euros par avis de mise en recouvrement du 27 septembre 2012, dès lors qu'elle estimait s'être déjà acquittée de ces contributions sociales pour le surplus, le CNRS ayant prélevé celles-ci lors du versement annuel de sa prime d'intéressement ; qu'en l'absence de réponse de l'administration, elle a saisi le Tribunal administratif de Versailles de cette demande ; que par décision du 9 juin 2015, un dégrèvement de 244 472 euros lui a été accordé en cours d'instance, dont le tribunal a pris acte par son jugement du 18 décembre 2015, prononçant un non-lieu à statuer à due concurrence et rejetant le surplus des conclusions de la requérante, celles-ci portant donc sur la somme de 40 464,20 euros ; que, dans le dernier état de ses écritures d'appel, Mme A...demande la décharge d'une somme de 197 670 euros ; qu'il en résulte, eu égard aux dispositions de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles un contribuable ne peut contester devant le juge une imposition pour un montant supérieur à celui visé dans sa réclamation préalable, que ces conclusions d'appel ne sont recevables qu'à hauteur de la somme de 40 462,20 euros ; que compte tenu du dégrèvement mentionné ci-dessus, intervenu en cours d'instance de 33 426 euros, le montant des contributions sociales que Mme A...reste recevable à contester se monte à la somme de 7 039,20 euros ;
Au fond :
8. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les primes d'intéressement versées à Mme A...constituaient des compléments de rémunération salariale, alors même que l'administration fiscale, sur demande de l'intéressée, avait accepté de les taxer, au taux de 16 %, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que si, par les deux décisions précitées, l'administration fiscale lui a accordé le dégrèvement partiel, à hauteur d'une somme totale de 277 898 euros, des contributions sociales prélevées sur le bulletin de salaire lui versant la prime d'intéressement de l'année 2011, il reste, en toute hypothèse, que Mme A...est fondée à soutenir que les contributions sociales qui lui ont été réclamées par l'avis de mise en recouvrement du 27 septembre 2012 manquent de base légale dès lors qu'elles sont assises sur des sommes qualifiées à tort de bénéfices non commerciaux et de revenus du patrimoine ; qu'il en résulte qu'elle est fondée à en demander la décharge, à concurrence toutefois d'un montant limité à 7 039,20 euros, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 7 ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, et, d'autre part, a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, pour le montant n'excédant pas le montant précité, soit 7 039,20 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de MmeA..., en ce qu'elle porte sur les contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2011, à hauteur de la somme de 33 426 euros.
Article 2 : Mme A...est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007.
Article 3 : Mme A...est déchargée, à hauteur d'une somme totale de 7 039,20 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles nos 1204823 et 1408544 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à Mme A...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 16VE00355