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09/05/2017 | FRANCE | N°16VE00662

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 mai 2017, 16VE00662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution, à hauteur de 156 011 euros, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à des frais exposés lors de la cession de biens immobiliers au cours de la période correspondant à l'année 2007, augmenté des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1409001 du 31 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémo

ire en réplique, enregistrés respectivement le 29 février 2016 et le 31 août 2016, la SA LE PRINTEM...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution, à hauteur de 156 011 euros, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à des frais exposés lors de la cession de biens immobiliers au cours de la période correspondant à l'année 2007, augmenté des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1409001 du 31 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 29 février 2016 et le 31 août 2016, la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER, représentée par Me Daniel-Mayeur, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée, outre intérêts moratoires afférents ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 8 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'opération de cession d'actifs immobiliers ayant donné lieu aux frais litigieux a été réalisée en 2007 par la SA France Printemps, aux droits de laquelle elle vient, non pas en tant que " consommateur final " cédant un patrimoine privé, mais en tant qu'assujetti au sens des articles 256 A et 271 du code général des impôts, interprétés à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du

17 mai 1977, dès lors que cette opération, portant sur des biens indispensables à son activité économique intégralement taxable, s'inscrivait strictement dans le cadre de cette activité économique ;

- il n'est pas contesté que les frais engagés à cette occasion, pour la partie de ceux-ci donnant lieu au crédit de taxe en litige, sont inhérents à la cession, au sens de la jurisprudence du Conseil d'État (23 décembre 2010, Pfizer Holding, n° 307698) ; s'ils sont ainsi présumés entretenir un lien direct avec l'opération de cession, excluant tout droit à déduction de la taxe afférente, l'assujetti peut cependant apporter la preuve contraire, en démontrant qu'ils n'ont pas été intégrés au prix de cession ; en l'espèce, cette preuve est apportée par les modalités de la cession, et notamment par le fait qu'elle a donné lieu à la mise en oeuvre d'une procédure " d'open bid ", laquelle, par sa nature même, exclut que le prix de cession puisse intégrer les frais exposés par le vendeur ; dès lors, ces frais, dépourvus de " lien direct et immédiat " au sens de la jurisprudence avec l'opération de cession, et restés à charge du vendeur, sont nécessairement rattachables aux frais généraux de l'activité économique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, et la taxe afférente à l'opération de cession est ainsi déductible ;

- l'administration n'est pas fondée à refuser cette déductibilité en tentant de démontrer que les cessions ayant donné lieu aux frais litigieux relevaient d'une opération patrimoniale ; les cessions réalisées en 2007, qui portaient sur des immeubles qui sont restés, au moyen de contrats de bail, directement affectés à l'activité économique, s'inscrivaient, en effet, dans une stratégie de développement économique, comprenant un programme d'investissements de 280 millions d'euros, qui a été rendu possible par une partie des liquidités ainsi dégagées ; si des dividendes ont été ultérieurement distribués, pour près de 160 millions d'euros, ce montant ne représente qu'environ 80 % du produit total des opérations de cessions immobilières de l'année 2007, ce qui ne suffit pas pour une qualification d'opération " patrimoniale " ; cette distribution partielle, au demeurant, était conforme aux obligations bancaires contractées par elle, en lien avec sa société mère, en vertu desquelles le remboursement des avances de fonds obtenues devait être opéré prioritairement au moyen du produit des éventuelles ventes immobilières ; ces circonstances établissent que les cessions s'inscrivaient dans une logique économique, et non dans une logique patrimoniale, et confirment que les frais afférents, pour la partie concernée par le présent litige, sont rattachables aux frais généraux grevant l'activité économique taxable, la taxe afférente à ces frais restant ainsi déductible.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Daniel-Mayeur, pour la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER.

1. Considérant que la société France Printemps, qui a été ultérieurement absorbée par la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2006 au 30 mars 2008 ; que, par propositions de rectification du 18 décembre 2009 et du 11 février 2010, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée lui a été notifié au titre de la période correspondant à l'année 2007, découlant du refus de l'administration d'admettre en déduction la taxe ayant grevé les honoraires versés à des intermédiaires lors de la cession d'immeubles à Rennes et Marseille ainsi que de la cession d'un crédit-bail afférent à un immeuble situé à Vélizy ; que la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER, qui s'est acquittée de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 156 011 euros, relève appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette taxe, augmentée des intérêts moratoires ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et est d'ailleurs constant, que les opérations de cessions pour lesquelles la société France Printemps a exposé les dépenses grevées de la taxe sur la valeur ajoutée objet du présent litige étaient hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée, ou exonérées de celle-ci ; qu'en application du principe ci-dessus énoncé, elle conserve, toutefois, la possibilité, contrairement à ce que soutient en défense le ministre de l'économie et des finances, d'établir qu'elle dispose néanmoins d'un droit à déduction au regard du lien direct et immédiat que ces opérations d'amont présenteraient avec l'ensemble de son activité économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, pour ce faire, conformément aux principes énoncés par la décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2010, Pfizer Holding France, n° 307968, faisant application de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 octobre 2009, AB SKF, aff. 29/08, dès lors qu'il est constant que les dépenses en cause sont, au moins pour partie, inhérentes aux opérations de cession immobilières, et, par suite, présumées entretenir un lien direct et immédiat avec ces opérations n'ouvrant pas droit à déduction, il incombe à la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER d'établir, par tous éléments probants, que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans le prix de cession, qu'elles peuvent donc être regardées comme faisant partie de ses frais généraux, et qu'ainsi, la taxe litigieuse est en définitive déductible comme ayant grevé des dépenses en lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique, dont il n'est pas contesté qu'elle est elle-même intégralement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, dans l'hypothèse où cette preuve serait apportée, l'administration peut tenter d'établir que, le produit des opérations de cessions ayant été distribué, ces opérations ont revêtu un caractère " patrimonial " qui fait obstacle à ce que les dépenses exposées à cette occasion soient regardées comme en lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique taxable, et, par suite, à la déductibilité de la taxe ayant grevé ces dépenses ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté en défense, que du fait de l'utilisation d'une procédure de type " open bid ", par laquelle la cédante a recherché les meilleurs offres d'intérêts pour l'acquisition des biens immobiliers cédés, les dépenses engagées par celle-ci pour ces opérations de cessions n'ont pas été intégrées dans les prix de vente ; que cette circonstance est confirmée par les termes des actes de vente, versés au dossier, dont il résulte que chaque partie à l'acte supporte ses propres coûts, frais et dépenses ; qu'ainsi, les dépenses en cause, bien qu'en partie inhérentes aux opérations de cession, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER, donnant lieu à une taxe déductible, sauf démonstration par l'administration du caractère " patrimonial " des opérations de cession ;

5. Considérant, à cet égard, qu'il est constant que la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER a procédé, dans les mois ayant suivi les opérations de cessions, à des distributions de dividendes à hauteur de 160,8 millions d'euros, correspondant à environ 80 % du produit des cessions de biens immobiliers, d'un montant total de 200,8 millions d'euros ; que, cependant, la conservation du produit de la cession, pour environ 40 millions d'euros, est de nature à établir, en l'espèce, que les opérations de cession immobilière ne répondaient pas à un but " patrimonial " ; que la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER indique, de surcroît, sur ce point, sans être contredite, que les immeubles concernés, pris à bail à l'issue des opérations de cessions, sont restés affectés à son activité commerciale, et que la trésorerie ainsi dégagée a contribué à la réalisation d'un important programme d'investissement, de 280 millions d'euros, auquel sa maison-mère, grâce au désendettement dont elle a bénéficié en raison de la distribution de dividendes, a pu largement participer par l'effet de l'affectation du produit de ces distributions au remboursement de prêts bancaires, ce qui a rendu possible, du fait de l'amélioration du ratio général d'endettement du groupe, la réalisation de nouveaux emprunts bancaires par la filiale pour le financement de ses besoins d'investissement ; que, l'administration, dans ces conditions, ne peut être regardée comme établissant, comme il le lui incombe, que les opérations de cession de biens immobiliers auraient revêtu un caractère " patrimonial " qui s'opposerait à la déductibilité de la taxe ayant grevé les dépenses exposées en amont pour leur réalisation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions accessoires :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du

livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés " ; qu'en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 208-1 du même livre, les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 précité sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; que, pour ce motif et en l'absence de litige né et actuel sur ces intérêts avec l'administration, les conclusions de la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER tendant au paiement de ces intérêts ne sont pas recevables ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé restitution à la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 156 011 euros acquis au titre de l'année 2007.

Article 2 : Le jugement n° 1409001 du 31 décembre 2015 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA LE PRINTEMPS IMMOBILIER est rejeté.

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N° 16VE00662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00662
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Fiscalité - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-09;16ve00662 ?
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