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09/05/2017 | FRANCE | N°16VE00594

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 mai 2017, 16VE00594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1204868 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2016 et le 2

8 février 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Piro, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1204868 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2016 et le 28 février 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Piro, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière du fait de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification, qui ne détaille pas les motifs de l'imposition des revenus distribués, et ne comportait pas en annexe la proposition de rectification de la SARL BHC, dont M. A...est l'associé et le gérant, à l'origine de ces revenus distribués ; la réponse faite par l'administration le 5 mars 2015 au supplément d'instruction ordonné par le Tribunal confirme l'absence de pièce annexée à la proposition de rectification du 6 octobre 2010 ;

- la charge de la preuve repose sur l'administration, s'agissant d'un rappel d'impôt sur le revenu et de contributions sociales imposé selon la procédure contradictoire et contesté en temps utile ;

- c'est à tort que la comptabilité de la SARL BHC a été rejetée comme irrégulière, faute de comporter un détail journalier des recettes ; en effet, au vu du journal de taxe sur la valeur ajoutée et du journal de caisse produits au vérificateur, qui retracent mensuellement mais de façon détaillée l'ensemble des transactions effectuées, la sincérité des recettes comptabilisées était établie, et l'absence de production des bons de commande est sans incidence ; par ailleurs, des bandes de contrôles, retraçant l'intégralité des commandes et tous les détails afférents à celles-ci, avec une numérotation ininterrompue, ont pu finalement être éditées avec l'aide d'un informaticien à partir du logiciel de la caisse enregistreuse utilisée sur la période concernée, et sont produites à la Cour, qui devra constater que ces pièces, comportant la chronologique intégrale des tickets de caisse, corroborent entièrement les chiffres d'affaires déclarés par la SARL BHC et ceux figurant sur le journal de taxe sur la valeur ajoutée et le journal mensuel des ventes déjà produits au vérificateur ; la comptabilité doit ainsi être regardée comme régulière ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration, à partir de la détermination d'un pourcentage du chiffre d'affaires constitué par les seules ventes de liquides, est imprécise, voire excessivement sommaire, et conduit à une exagération du chiffre d'affaires reconstitué, ce que révèle le résultat de la reconstitution proposée à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, selon la même méthode mais après rectification des erreurs commises par le vérificateur, aboutit à des chiffres très proches de ceux déclarés ; à cet égard, le coefficient de marge retenu par le vérificateur est erroné, le taux de " liquides " de 28 %, établi à partir de relevés faits sur une période trop courte et non représentative, doit être remplacé par un taux de 29,35 %, des erreurs ont été commises dans le recensement des achats du fait d'erreurs de volumétrie pour certains liquides, de confusion de marques, d'erreurs dans la reprise d'informations collectées sur les achats, des erreurs ont été commises sur la contenance des verres de vins servis, sur la répartition des différentes consommations de calvados, de champagne ou de sirop entre les services aux verres, à la bouteille ou au sein de cocktails, le coefficient de 2 % retenu pour les produits perdus ou offerts est trop faible, le vérificateur a omis de tenir compte des fermetures du restaurant le mardi midi et le dimanche soir, les jours d'ouverture devant ainsi être fixés à 232 jours sur l'année 2007 au lieu de 283, et, enfin, il a arbitrairement fixé à 10 % le coefficient de vente à emporter, alors que du fait d'une politique commerciale en ce sens, la vente à emporter correspondait à

37 % du chiffre d'affaires ;

- le résultat de la reconstitution opérée par le vérificateur, aboutissant à une omission de déclaration de 50 % des recettes en 2007, et 43 % en 2008, supposant un tiers de paiements en espèces, n'est pas crédible dès lors que les paiements des clients, dans la restauration, étaient très majoritairement effectués par carte bancaire ou par chèque ;

- le local d'habitation situé au-dessus du restaurant ayant été mis à disposition du gérant dans le cadre du bail commercial, sans " location complémentaire ", c'est à tort que l'administration y a vu un avantage en nature accordé par la SARL BHC à son gérant et associé ;

- les indemnités kilométriques déduites par la société sont justifiées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité réalisée sur les exercices correspondant aux années civiles 2007 et 2008 de la SARL BHC, qui exerce à Chevreuse une activité de restauration et dont M. A...est gérant statutaire et associé, M. et Mme A...ont été assujettis, au titre de l'impôt sur le revenu de ces deux années, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assises sur les revenus distribués que l'administration a estimé provenir de la SARL BHC ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ; que s'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé ;

3. Considérant que la proposition de rectification adressée le 6 octobre 2010 à

M. et Mme A...précise le montant des impositions supplémentaires qui leur sont notifiées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur les deux années 2007 et 2008 ; qu'elle ne mentionne pas les motifs ayant conduit l'administration à ces rehaussements d'imposition, sur la base des revenus regardés comme distribués par la SARL BHC, à la suite de la vérification de comptabilité de celle-ci, et se borne, en sa page 3, à inviter les contribuables à se reporter aux termes de la proposition de rectification " ci-jointe ", adressée le 26 juillet 2010 à la SARL BHC ; que cette dernière proposition de rectification comportant les motifs pour lesquels l'administration avait qualifié de revenus distribués les sommes sur lesquelles sont fondées les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales contestées par M. et MmeA..., la proposition de rectification du 6 octobre 2010 doit être regardée comme répondant, du fait de cette motivation par référence à un document joint, aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que si M. et Mme A...soutiennent, en se bornant à indiquer que la proposition de rectification qui leur a été adressée le 6 octobre 2010 précise qu'elle ne comporte que 9 pages, qu'elle ne comportait aucune pièce jointe, il leur incombait dans ce cas, au vu des termes clairs de cette proposition de rectification, de faire diligence pour obtenir la pièce jointe prétendument absente ; que, dans ces conditions, M. et MmeA..., qui doivent être regardés comme ayant disposé des informations leur permettant de présenter toute observation utile à la réception de la proposition de rectification du 6 octobre 2010, ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition aurait été irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant des revenus distribués provenant des minorations de recettes de la SARL BHC :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ; que l'administration supporte la charge de la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués et de leur appréhension par le contribuable, dès lors que ce dernier n'a pas accepté les redressements, notifiés selon la procédure contradictoire ; que, cependant, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour justifier de ses recettes, la SARL BHC a présenté au vérificateur un " journal des transactions " faisant apparaître, sur les deux exercices clôturés en 2007 et 2008, le montant de chaque encaissement, son mode et sa date de paiement et un " journal des TVA " retraçant, selon le taux de taxe applicable, les ventes par produits et catégories ; que toutefois, ces documents, édités par la caisse enregistreuse, se bornent à retracer les éléments qui y ont été saisis sans permettre, en l'absence de bons de commande, de factures ou de notes de tables datés et numérotés chronologiquement, de justifier du détail des recettes journalières ; que cette comptabilité, au vu des seuls documents ainsi présentés au cours du contrôle, n'étant pas probante, le vérificateur était en droit de l'écarter ; que, toutefois, M. et Mme A...produisent, pour la première fois devant la Cour, des " bandes de contrôles ", dont ils indiquent qu'elles ont pu être éditées tardivement grâce à l'exploitation du logiciel de la caisse enregistreuse utilisée jusqu'en 2009, retraçant le détail de chacune des opérations, leur date et heure, avec une numérotation ininterrompue, corroborant les numéros de commande et les montants figurant sur le " journal des transactions " ; que si le ministre met en doute l'authenticité de cette pièce effectivement produite tardivement, il ne le démontre pas ; que ce document doit donc être regardé comme permettant une reconstitution des recettes de la SARL BHC avec une meilleure précision que celle à laquelle a procédé le vérificateur, qui a appliqué au chiffre d'affaires des ventes de liquides, reconstitué à partir des achats corrigés des variations de stocks, un ratio de 28 %, ultérieurement porté à 29,35 % ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme établissant le bien-fondé des impositions supplémentaires constituées par les revenus distribués correspondant aux minorations de recettes ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à M. et Mme A...la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;

S'agissant des autres revenus distribués :

6. Considérant, d'une part, que si M. et Mme A...demandent la décharge des revenus distribués et pénalités mis à leur charge, correspondant à la réévaluation de l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un logement par la SARL BHC au profit de son gérant, pour 3 222 euros en 2007 et 2 698 euros en 2008, ils se bornent, devant la Cour, à faire valoir que le local d'habitation situé au-dessus du restaurant a été mis à disposition du gérant dans le cadre du bail commercial souscrit par la société, sans " location complémentaire ", et qu'en l'absence d'une telle mise à disposition, les loyers et charges payés par la société auraient été identiques ; que cette circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, s'agissant tout au moins des charges payées par la société, ne remet en cause ni la réalité ni le montant de l'avantage en nature consenti au gérant, et, par suite, n'est pas de nature à priver de base légale les impositions et pénalités qui en sont résultées ;

7. Considérant, d'autre part, que si M. et Mme A...peuvent être regardés comme demandant la décharge des autres revenus distribués et pénalités mis à leur charge, correspondant notamment aux indemnités kilométriques dont la déduction en charge par la SARL BHC a été refusée, ils ne présentent en tout état de cause à la Cour aucun moyen à l'appui de ces demandes, qui doivent donc être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande, en tant seulement qu'elle portait sur les impositions supplémentaires résultant des minorations de recettes de la SARL BHC et pénalités correspondantes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été mises à leur charge au titre des années 2007 et 2008, et des pénalités correspondantes, dans la mesure précisée ci-dessus au point 5.

Article 2 : Le surplus des conclusions aux fins de décharge présentées par M. et Mme A...est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1204868 du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera une somme de 2 000 euros à M. et Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16VE00594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00594
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP BERSAGOL, PIRO et PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-09;16ve00594 ?
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