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09/05/2017 | FRANCE | N°16VE00160

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 mai 2017, 16VE00160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BHC a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1203730 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2016 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BHC a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1203730 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2016 et le 16 janvier 2017, la SARL BHC, représentée par Me Piro, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que sa comptabilité a été rejetée comme irrégulière et non probante, faute de comporter un détail journalier des recettes ; en effet, au vu du " journal des TVA " et du " journal des transactions " produits au vérificateur, qui retracent mensuellement mais de façon détaillée l'ensemble des transactions effectuées, la sincérité des recettes comptabilisées était établie, et l'absence de production des bons de commande ou des notes de table est sans incidence ; par ailleurs, des bandes de contrôles, retraçant l'intégralité des commandes et tous les détails afférents à celles-ci, avec une numérotation ininterrompue, ont pu finalement être éditées avec l'aide d'un informaticien à partir du logiciel de la caisse enregistreuse utilisée sur la période concernée, et sont produites à la Cour, qui devra constater que ces pièces, comportant la chronologique intégrale des ventes et tickets de caisse, corroborent entièrement les chiffres d'affaires déclarés, ainsi que les ventes figurant sur le " journal des TVA " et le journal mensuel des ventes déjà produits au vérificateur ; la comptabilité doit ainsi être regardée comme régulière, et les rappels contestés ne peuvent qu'être déchargés en tant qu'ils reposent sur la reconstitution de recettes opérée par l'administration ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration, à partir de la détermination d'un pourcentage du chiffre d'affaires constitué par les seules ventes de liquides, est imprécise, voire excessivement sommaire, et conduit à une exagération du chiffre d'affaires reconstitué, ce que révèle le résultat de la reconstitution proposée à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, selon la même méthode mais après rectification des erreurs commises par le vérificateur, aboutit à des chiffres très proches de ceux déclarés ; à cet égard, le coefficient de marge retenu par le vérificateur est erroné du fait de plusieurs erreurs ou imprécisions : le ratio de " liquides " de 28 %, établi à partir de relevés faits sur une période trop courte et non représentative, doit être remplacé par un taux de 29,35 %, des erreurs ont été commises dans le recensement des achats du fait d'erreurs de volumétrie pour certains liquides, de confusion de marques, d'erreurs dans la reprise d'informations collectées sur les achats, des erreurs ont été commises sur la contenance des verres de vins servis, sur la répartition des différentes consommations de calvados, de champagne ou de sirop entre les services aux verres, à la bouteille ou au sein de cocktails, le coefficient de 2 % retenu pour les produits perdus ou offerts est trop faible, le vérificateur a omis de tenir compte des fermetures du restaurant le mardi midi et le dimanche soir, les jours d'ouverture devant ainsi être fixés à 232 jours sur l'année 2007 au lieu de 283, et, enfin, il a arbitrairement fixé à 10 % le coefficient de vente à emporter, alors que du fait d'une politique commerciale en ce sens, la vente à emporter correspondait à 37 % du chiffre d'affaires ;

- le résultat de la reconstitution opérée par le vérificateur, aboutissant à une omission de déclaration de 50 % des recettes en 2007, et 43 % en 2008, supposant un tiers de paiements en espèces, n'est pas crédible dès lors que les paiements des clients, dans la restauration, étaient très majoritairement effectués par carte bancaire ou par chèque ;

- les rappels contestés, à hauteur du profit sur le trésor constaté par l'administration, sont infondés en conséquence de ce qui précède ;

- le local d'habitation situé au-dessus du restaurant ayant été mis à disposition du gérant dans le cadre du bail commercial, sans " location complémentaire ", c'est à tort que l'administration y a vu un avantage en nature accordé par la SARL BHC à son gérant et associé ;

- les indemnités kilométriques déduites par la société sont justifiées, par les éléments qu'elle a produits au vérificateur sur sa demande.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL BHC, qui exploite à Chevreuse un établissement de restauration traditionnelle sous l'enseigne " Le Normand ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur ses exercices clos les 31 décembre 2007 et 2008, à l'issue de laquelle lui ont été assignés des rehaussements de cotisations d'impôt sur les sociétés sur ces deux exercices et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période correspondante ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 15 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge de ces impositions supplémentaires ainsi que des pénalités correspondantes ;

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant du rejet de la comptabilité et de la reconstitution de recettes :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxées d'office : (...) à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration (...) " ; qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que les impositions contestées d'impôt sur les sociétés ont été régulièrement taxées d'office en application de ces dispositions ; qu'ainsi, par application de l'article L. 193 du même livre, la SARL BHC supporte la charge de prouver l'absence de

bien-fondé des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés qu'elle conteste ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ; qu'en l'espèce, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, rectifiés selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ont été établis conformément à l'avis émis le 26 mai 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que la SARL BHC supporte donc également la charge de prouver l'absence de bien-fondé de ces rappels de taxe dès lors que sa comptabilité présentait de graves irrégularités en l'absence de document susceptible de justifier du détail des recettes journalières pour les motifs exposés au point 3 ci-après ; que, par ailleurs, selon l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour justifier de ses recettes, la SARL BHC a présenté au vérificateur un " journal des transactions " faisant apparaitre, sur les deux exercices clôturés en 2007 et 2008, le montant de chaque encaissement, son mode et sa date de paiement, et un " journal des TVA " retraçant, selon le taux de taxe applicable, les ventes par produits et catégories ; que toutefois, ces documents, édités par la caisse enregistreuse, se bornent à retracer les éléments qui y ont été saisis sans permettre, en l'absence de bons de commande, de factures ou de notes de tables datés et numérotés chronologiquement, de justifier du détail des recettes journalières ; que cette comptabilité, au vu des seuls documents présentés au cours du contrôle, n'étant pas probante, l'administration établit que le vérificateur était en droit de l'écarter ; que, toutefois, la SARL BHC produit, pour la première fois devant la Cour, des " bandes de contrôles ", dont elle indique qu'elles ont pu être éditées tardivement grâce à l'exploitation du logiciel de la caisse enregistreuse qu'elle avait utilisée jusqu'en 2009, retraçant le détail de chacune des opérations, leur date et heure, avec une numérotation ininterrompue, corroborant les numéros de commande et les montants figurant sur le " journal des transactions " ; que si le ministre met en doute l'authenticité de cette pièce effectivement produite tardivement, dont il ressort que les opérations qui y sont retracées correspondent globalement aux déclarations de la société, il ne le démontre pas ; que ce document doit donc être regardé comme permettant une reconstitution des recettes de la SARL BHC avec une meilleure précision que celle à laquelle a procédé le vérificateur, qui a appliqué au chiffre d'affaires des ventes de liquides, reconstitué à partir des achats corrigés des variations de stocks, un ratio de 28 %, ultérieurement porté à 29,35 % ; que, dans ces conditions, la SARL BHC doit être regardée comme établissant l'absence de bien-fondé des impositions supplémentaires résultant des minorations de recettes constatées au vu de la reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à la SARL BHC la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, y compris celles résultant de la constatation d'un profit sur le trésor en découlant ;

S'agissant des rappels résultant de la constatation d'un avantage en nature et du rejet des charges représentées par le remboursement de frais kilométriques :

4. Considérant, d'une part, que pour demander la décharge de ces impositions supplémentaires, la SARL BHC se borne, d'une part, à faire valoir que le local d'habitation situé au-dessus du restaurant a été mis à disposition de son gérant dans le cadre du bail commercial souscrit par la société, sans " location complémentaire ", et qu'en l'absence d'une telle mise à disposition, les loyers et charges payés par la société auraient été identiques ; que, toutefois, cette seule circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, s'agissant tout au moins des charges payées par la société, n'est de nature à remettre en cause ni la réalité ni le montant de l'avantage en nature consenti au gérant, et, par suite, n'est pas de nature à priver de base légale les impositions et pénalités qui en sont résultées, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal ;

5. Considérant, d'autre part, que la SARL BHC se borne à faire valoir que le montant des frais kilométriques a été dûment justifié, sur demande du vérificateur, ce qui ne saurait davantage, dès lors que le rejet de ces charges reposait sur la seule circonstance qu'elles avaient été déduites sur un autre exercice que celui au cours duquel elles avaient été exposées, priver de base légale les rappels en résultant ;

6. Considérant que les conclusions en décharge de ces impositions supplémentaires doivent donc être écartées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre ;

S'agissant des rappels résultant du rejet de charges correspondant à des dépenses personnelles du dirigeant et d'amortissements pratiqués sur un bien non affecté à l'exploitation :

7. Considérant que les conclusions d'appel relatives à ces rappels ne sont pas assorties de moyens de nature à mettre la Cour à même d'y statuer utilement ; qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée sur ces points par le ministre ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BHC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, en tant seulement qu'elle portait sur les impositions supplémentaires et pénalités correspondantes résultant des minorations de recettes constatées au vu de la reconstitution de ses recettes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL BHC et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL BHC est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée définis ci-dessus au point 3., ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions aux fins de décharge présentées par la SARL BHC est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1203730 du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera une somme de 2 000 euros à la SARL BHC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE00160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00160
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP BERSAGOL, PIRO et PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-09;16ve00160 ?
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