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28/02/2017 | FRANCE | N°15VE00460

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 février 2017, 15VE00460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA CARMA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations de taxe sur les salaires versées au titre des années 2010 et 2011 à concurrence, respectivement, de 472 603 euros et 224 390 euros.

Par jugement n° 1300718 du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, la SA CARMA, représentée par

Me Espasa-Mattei, avocat, demande à la C

our :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de lui accorder la restitution des cotisations de taxe sur l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA CARMA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations de taxe sur les salaires versées au titre des années 2010 et 2011 à concurrence, respectivement, de 472 603 euros et 224 390 euros.

Par jugement n° 1300718 du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, la SA CARMA, représentée par

Me Espasa-Mattei, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de lui accorder la restitution des cotisations de taxe sur les salaires contestées ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 231 du code général des impôts violent le principe d'égalité devant l'impôt, en méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, dès lors que, en l'absence des décrets d'application prévus par le 3 de cet article, les employeurs du secteur agricole ne sont, de fait, pas tous soumis à la taxe sur les salaires, créant ainsi une différence de traitement non justifiée, entre ces agriculteurs et les autres contribuables se trouvant dans une situation analogue ;

- ces dispositions, s'agissant de l'application du barème progressif de taxe sur les salaires aux redevables partiels, dont la complexité est à la fois excessive et non justifiée par un motif d'intérêt général suffisant au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaissent l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, tel que reconnu par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; la circonstance que le Conseil d'État, par un avis du 23 novembre 1998, Société d'exploitation clinique Ker-Lena, n° 19783, en a interprété les modalités d'application, est sans incidence dès lors qu'un tel avis ne s'impose pas aux juridictions subordonnées et ne peut suppléer une législation inintelligible ;

- l'inconventionnalité de ces dispositions, en ce qu'elles emportent une discrimination injustifiée au regard de la taxe sur les salaires, doit conduire à l'exonération de tous les contribuables ayant supporté cette taxe.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 231 du code général des impôts conforme à la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la SA CARMA relève appel du jugement du 15 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de restitution des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2010 et 2011, à hauteur, respectivement, de 472 603 euros et 224 390 euros ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) / 3. a) Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment celles qui relèvent du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale (...) " ; qu'en l'absence de texte réglementaire précisant les conditions et modalités d'application de ces dernières dispositions aux salaires versés par les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale, cette taxe doit être regardée comme n'étant pas applicable aux salaires versés par ces employeurs lorsqu'ils ne relèvent pas des dispositions de l'article 231 du code général des impôts et de celles, prises pour son application, des articles 53 bis et 53 ter de l'annexe III au même code ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en relation avec la loi ;

4. Considérant, en premier lieu, que la SA CARMA soutient que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts violent le principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques et portent atteinte aux principes résultant des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention en ce qu'à défaut d'édiction des décrets d'application nécessaires, les professions agricoles, pour la plupart, bénéficient d'une exonération de fait de la taxe sur les salaires ; que, toutefois, d'une part, les dispositions du 3 de l'article 231 ne prévoient par elles-mêmes aucune exonération au profit des professions relevant du secteur agricole ; que, d'autre part, le caractère discriminatoire d'une disposition de nature législative ne saurait résulter de l'absence de prise des mesures règlementaires nécessaires à son application ; qu'il suit de là que le législateur ne peut être regardé comme ayant édicté une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; qu'enfin, si la SA CARMA fait valoir que la méconnaissance qu'elle invoque du principe d'égalité devant l'impôt résulte de la carence persistante du pouvoir règlementaire à prendre les décrets d'application nécessaires, la circonstance qu'elle exerce son activité d'assurance dans un secteur d'activité distinct des professions qui relèvent du régime agricole, et se trouve ainsi dans une situation différente au regard de la taxe sur les salaires, est de nature à justifier la différence de traitement dont elle se prévaut à cet égard ; qu'ainsi, la SA CARMA n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait être exonérée de toute taxe sur les salaires du fait qu'elle aurait été assujettie à cette taxe en méconnaissance des stipulations conventionnelles précitées ;

5. Considérant, en second lieu, que la SA CARMA soutient que l'article 231 du code général des impôts, en raison de sa complexité, méconnaît le principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme résultant des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, cependant, les dispositions de cet article ne sont pas d'une complexité telle qu'elles seraient contraires à ce principe ou objectif conventionnel, dès lors notamment que le Conseil d'État, par un avis du 23 novembre 1998 n° 197839 Société d'exploitation de la clinique de Ker-Lena publié au Journal officiel de la République Française, a clarifié et précisé les conditions de sa mise en oeuvre, s'agissant de la taxe sur les salaires due par les personnes partiellement soumises à la taxe à la valeur ajoutée, en indiquant que la taxe doit être calculée en opérant d'abord la répartition du montant total de chaque rémunération individuelle entre les tranches du barème progressif, puis en appliquant les taux d'imposition à la fraction correspondante des tranches résultant de l'application du rapport d'assujettissement ; qu'ainsi, dès lors que la clarté et l'accessibilité de la loi s'apprécient tant au regard de la loi elle-même que de la jurisprudence qui l'interprète, laquelle comprend, eu égard à leur portée, les avis contentieux rendus par le Conseil d'État, et que, au demeurant, le contenu de l'avis ci-dessus a été repris dans une décision n° 288453 du 6 août 2008 du Conseil d'État statuant au contentieux, le moyen ci-dessus analysé doit en tout état de cause être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA CARMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA CARMA est rejetée.

4

N°15VE00460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00460
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : DE PARDIEU BROCAS MAFFEI A.A.R.P.I.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-02-28;15ve00460 ?
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