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07/02/2017 | FRANCE | N°16VE01388

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 février 2017, 16VE01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1307614 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de

Versailles, après avoir réduit les bases imposables des époux D...aux sommes de 18 044 euros, 20 108 euros et 19 991 euros et prononcé, à due concurrence, un

e décharge partielle, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu qui le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1307614 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de

Versailles, après avoir réduit les bases imposables des époux D...aux sommes de 18 044 euros, 20 108 euros et 19 991 euros et prononcé, à due concurrence, une décharge partielle, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu qui leur avaient été assignés au titre des années 2008 à 2010, a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2016 et le 16 janvier 2017, M. et MmeD..., représentés par Me Le Sergent, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires et pénalités correspondantes maintenues à leur charge au titre des années 2008 à 2010 ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- aucun des documents saisis ou présentés par l'administration fiscale ne démontre que Mme D...a perçu une rémunération en contrepartie de l'aide qu'elle apportait à la société de droit hongkongais Fashion Club pour l'achat et l'expédition de marchandises textiles qu'elle effectuait pour le compte de cette dernière ; dès lors, Mme D...ne saurait être regardée comme ayant été bénéficiaire de bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'exercice d'une activité commerciale occulte ;

- la méthode retenue par le service pour reconstituer le chiffre d'affaires de Mme D...à partir d'un panel de huit intermédiaires de commerce est radicalement viciée ou excessivement sommaire ; en effet, l'administration s'est illégalement appuyée sur la marge nette d'exploitation obtenue par rapprochement entre le chiffre d'affaires des entités du panel et leur résultat d'exploitation pour obtenir un coefficient de marge de 25,9 % au titre des années 2008 et 2009 et 25 % au titre de l'année 2010 ; d'ailleurs, le tribunal a lui-même constaté que le procédé utilisé était sommaire et aboutissait à des résultats exagérés ; il a ainsi ramené le taux de commission de 25 % à 12 % du montant des achats ; la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration n'est pas justifiée, même après corrections, et que, par sa totale imprécision, elle aboutit à la détermination d'un taux de commission d'intermédiaire préposé à l'achat de marchandises pour le compte d'un tiers, excessif ; la substitution du taux de 12 % à ceux de 25,9 % et 25 %, est sans justification et demeure exagérée eu égard aux taux de 5 ou 6 % habituellement en usage dans la profession d'acheteur pour le compte de tiers ;

- la majoration de 25 % des bases imposables mentionnée à l'article 158-7 du code général des impôts ne leur est pas applicable dès lors que l'activité commerciale imputée à Mme D...relève du régime des micro-entreprises.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, M. et Mme D...ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2010, à raison de bénéfices industriels et commerciaux non déclarés, évalués d'office par l'administration sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, que MmeD..., néeA..., avait, selon le service, retirés de l'exercice d'une activité occulte d'intermédiaire de commerce dans le domaine de l'achat de vêtements " prêt-à-porter ", réalisée pour le compte de la société hongkongaise Fashion Club, dont MmeB..., ressortissante chinoise, était la fondatrice ; que, pour établir l'existence de cette activité et arrêter le montant des bénéfices en résultant, l'administration a utilisé les documents et informations obtenus lors de la procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et par l'exercice des droits de communication et d'enquête qu'elle tient des articles L. 81 et L. 80 F du même livre ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 8 mars 2016 en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir réduit le montant des bénéfices industriels et commerciaux évalués d'office et prononcé, à due concurrence, une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre des années 2008 à 2010, a rejeté le surplus de leur demande ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " et qu'aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " La loi répute actes de commerce : (...) 5° Toute entreprise (...) de commission (...) " ;

En ce qui concerne l'existence d'une activité occulte d'intermédiaire de commerce :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction - en particulier de l'exploitation des documents saisis dans le cadre du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et des informations et témoignages recueillis lors de l'exercice des droits de communication et d'enquête auprès de la société France Telecom, des fournisseurs français et du transitaire en douane de la société de droit hongkongais Fashion Club - que MmeD..., néeA..., était connue des fournisseurs et était désignée, la plupart du temps sous son seul prénom, en qualité d'acheteur, de représentant ou responsable français de la société hongkongaise dans les états du compte client " Fashion Club " ou sur les factures que ces fournisseurs français délivraient à cette société cliente, ; que les relations de travail de MmeD..., pour l'essentiel téléphoniques, comme l'ont révélé près de trois cents appels recensés en direction des fournisseurs ou du transitaire en douane, passés à partir de lignes ouvertes à son nom, celle de son époux ou encore de MmeB..., consistaient dans la prise des commandes, leur expédition et leur paiement à partir de la transmission des données bancaires de la société Fashion Club dont elle possédait la copie des cartes de crédit et une carte bancaire au nom de cette société délivrée par la banque HSBC ; que, par ailleurs, la carte de visite retrouvée à son domicile mentionnait, outre deux des lignes téléphoniques utilisées par MmeD..., sa qualité " d'acheteur buyer " ; qu'enfin, la clé USB saisie répertoriait, dans différents fichiers, la nature et le montant des achats effectués pour le compte de la société Fashion Club, entre juillet et novembre 2009, auprès d'une quinzaine de fournisseurs pour une somme globale de 252 950 euros ;

4. Considérant que si les requérants soutiennent que les documents retrouvés à leur domicile dans un sac entreposé dans la buanderie, appartiennent à Mme B...et qu'en tout état de cause, l'administration n'a jamais établi la perception, par MmeD..., d'une quelconque rémunération pour l'exercice d'une prétendue activité occulte d'intermédiaire de commerce, il résulte de l'instruction que d'autres éléments de preuve, tels que des instruments de paiement de l'entreprise Fashion Club, ou leur copie, ont été saisis dans le salon et la chambre parentale du domicile ; que, de surcroît, la clé " USB ", également retrouvée au domicile des requérants, mentionnait, en plus des états de frais, une somme de 2800 euros sous le libellé " SLY ", abréviation anglaise généralement usitée pour " salaire " ;

5. Considérant que l'ensemble de ces éléments, pris ensemble et confrontés à la critique peu étayée de M. et MmeD..., est de nature à constituer un faisceau d'indices précis et concordants susceptible de révéler l'exercice, à titre habituel et onéreux, par MmeD..., d'une activité occulte d'intermédiaire de commerce, que l'administration, en l'absence de déclaration, était fondée à évaluer d'office sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; que, suivant l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ; que M. et MmeD..., dont les bénéfices industriels et commerciaux non déclarés ont régulièrement été évalués d'office ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, ne peuvent, en application des articles L. 193 et R. 193 précités, obtenir la décharge ou la réduction des impositions supplémentaires qu'ils contestent qu'en rapportant la preuve de leur exagération ; qu'à cette fin, et dès lors qu'ils ne sont pas en mesure d'établir le montant exact du chiffre d'affaires et des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par Mme D...en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, ils peuvent, soit critiquer la méthode de reconstitution que l'administration a mise en oeuvre en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une méthode d'évaluation alternative aboutissant à des résultats plus satisfaisants ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices imposables :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de l'activité occulte d'acheteur de vêtements " prêt-à-porter " pour le compte de la société Fashion Club exercée par MmeD..., le vérificateur, faute de pouvoir déterminer le taux de commission réellement pratiqué à partir d'éléments précis et propres à cette activité, en raison du défaut de présentation d'une comptabilité ou de tous autres éléments de justifications, était fondé à recourir à un coefficient de marge issu d'un panel de huit intermédiaires de commerce exerçant dans le domaine du textile ; qu'une telle méthode n'est donc ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire ; que, par ailleurs, en se bornant à affirmer, d'une part, que le coefficient de marge évalué par le rapport moyen entre les résultats d'exploitation et le chiffre d'affaires des entreprises du panel est sans lien avec un taux de commission et, d'autre part, que le taux de commission d'un intermédiaire de commerce à l'achat n'excèderait pas, en règle générale, 5 à 6 % du montant des achats, M. et Mme D...n'établissent par ces seules affirmations non étayées, ainsi qu'ils en ont la charge, l'exagération des rectifications dont leurs revenus imposables ont été l'objet ;

En ce qui concerne l'application de la majoration de 25 % prévue au 7° de l'article 158 du code général des impôts :

8. Considérant qu'aux termes du 7. de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (...) réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé (...) " ; que, toutefois, selon les dispositions du i. du 2. de l'article 50-0 du même code, introduites par l'article 18 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, applicables, en vertu du IX de cet article, à compter de l'imposition des revenus afférents à l'année 2009, sont exclus du régime forfaitaire d'imposition des entreprises commerciales dont le chiffre d'affaires hors taxe n'excédait pas la somme de 80 000 euros au titre des années d'imposition en litige, " Les contribuables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales " ;

9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que les titulaires de revenus occultes imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n'ont été exclus du bénéfice du régime forfaitaire d'imposition des micro-entreprises qu'à compter de l'imposition des revenus réalisés au titre de l'année 2009 ; qu'il suit de là que si l'administration fiscale a, à bon droit, appliqué la majoration précitée aux bases imposables rectifiées par le service au titre des années 2009 et 2010, dès lors que les époux D...devaient être réputés soumis à un régime réel d'imposition en raison même de l'exclusion des bénéfices industriels et commerciaux résultant de l'activité occulte de Mme D...du régime forfaitaire d'imposition des micro-entreprises, en revanche, les requérants sont fondés à soutenir que cette majoration n'était pas applicable aux mêmes bénéfices occultes que Mme D...avait réalisés au titre de l'année 2008 dès lors que l'administration ayant fixé le chiffre d'affaires reconstitué à la somme de 54 659 euros au titre de cette même année, ces bénéfices étaient passibles du régime d'imposition forfaitaire des micro- entreprises ; que, toutefois, et compte tenu de ce que le tribunal a réduit, pour 2008, le taux de commission de 25.9 % à 12 %, ramenant ainsi le chiffre d'affaires reconstitué à la somme de 25 325 euros, a conservé à l'identique le taux de charges déductibles, de 43 %, admis par le service, celles-ci se montant par suite à la somme de 10 890 euros, il y aura lieu, en conséquence, d'imposer M. et Mme D...sur une base, non majorée, d'un montant de 14 435 euros, en lieu et place de celle majorée, de 18 044 euros, retenue par le Tribunal administratif de Versailles au titre de l'année 2008, et, dès lors, de prononcer une réduction de base imposable complémentaire de 3609 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a refusé de leur accorder une réduction complémentaire, de 3 609 euros en base de leurs revenus imposables au titre de l'année 2008 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme que M. et Mme D...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux de M. et Mme D...est réduite de la somme de 3 609 euros au titre de l'année 2008.

Article 2 : Il est accordé à M. et Mme D...la décharge de la différence entre le montant des droits et pénalités maintenus à leur charge au titre de l'année 2008 et celui qui résulte de l'application de l'article précédent.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles, en date du 8 mars 2016, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D...est rejeté.

3

N° 16VE01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01388
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : S.C.P. LE SERGENT-ROUMIER-FAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-02-07;16ve01388 ?
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