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19/07/2016 | FRANCE | N°14VE01462

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 19 juillet 2016, 14VE01462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société VOLVO HOLDING FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, à concurrence d'une somme globale de 344 342 euros, des rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt ainsi que des intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009, résultant du rehaussement du résultat de la société Renault Trucks Grand Lyon au titre des mêmes exercices.

Par un jugement n° 1209992 en date du 17 mars 2014, le Tribunal adm

inistratif de Montreuil a réduit les bases d'imposition de la société VOLVO HOLDING FR...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société VOLVO HOLDING FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, à concurrence d'une somme globale de 344 342 euros, des rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt ainsi que des intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009, résultant du rehaussement du résultat de la société Renault Trucks Grand Lyon au titre des mêmes exercices.

Par un jugement n° 1209992 en date du 17 mars 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a réduit les bases d'imposition de la société VOLVO HOLDING FRANCE du montant des provisions pour contrat d'entretien constituées par sa filiale, la société Renault Trucks Grand Lyon, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, à concurrence des sommes de 493 926 euros et de 569 857 euros, a déchargé la société des droits d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt et des intérêts de retard correspondant à cette réduction en base, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 16 mai 2014, 30 décembre 2014 et 29 décembre 2015, présentés par Me Dury, avocat, la société VOLVO HOLDING FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1209992 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 17 mars 2014, en tant qu'il n'a fait que partiellement fait droit à sa demande et a rejeté les conclusions de sa requête tendant à la décharge des rehaussements prononcés au titre des aides perçues du constructeur et des provisions pour engagement de reprise ;

2° de la décharger des impositions en litige.

La société VOLVO HOLDING FRANCE soutient que:

- s'agissant des aides perçues de la part du constructeur au titre de la vente de certains véhicules, les produits correspondant à ces aides doivent être pris en compte dans le résultat de la société au même titre que les produits principaux et non, comme le soutient l'administration, à l'exercice au cours duquel la commande de véhicule est passée, faute de quoi, le principe comptable de rattachement des produits et des charges est méconnu ; qu'en effet, le client peut se désister avant la livraison, ce qui entraîne le remboursement de l'aide versée par le constructeur ; il convient donc de rattacher les produits correspondant aux aides à l'exercice au cours duquel le produit de la vente est constaté, une fois la livraison intervenue ;

- s'agissant des provisions correspondant aux engagements de reprise, les principes comptables de prudence et de non compensation des pertes et profits ne permettent pas d'opérer une compensation entre des pertes probables et des gains potentiels pour déterminer une provision ; la détermination de l'assiette de l'impôt est une compétence appartenant au législateur et non à la jurisprudence ; en outre, les opérations en cause n'ont pas le caractère d'opérations suffisamment homogènes au sens des arrêts du Conseil d'État du 28 juin 1991 et du 13 juillet 2007 dont se prévaut l'administration, dès lors que les contrats d'engagement de reprise de véhicules concernent des entreprises dont les activités sont très différentes, et que les prix et les engagements de reprise souscrits diffèrent d'un contrat à l'autre ; l'administration ne peut opposer de son propre chef au contribuable une compensation applicable en matière de provision pour créance douteuse ;

- la provision correspondant aux engagements de reprise revêt le caractère d'une provision pour charges, dans la mesure où la charge potentielle impliquée par la revente du véhicule à un prix inférieur à sa valeur de rachat se rattache à la vente initiale de ce même véhicule par un lien suffisamment direct pour justifier qu'elle fasse l'objet d'une provision déductible à la clôture de l'exercice au cours duquel cette vente initiale a été enregistrée ; qu'au regard du caractère irrévocable de l'engagement de reprise, l'opération de revente se traduit par une minoration de la recette de la vente initiale.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Errera, premier conseiller,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société VOLVO HOLDING FRANCE.

1. Considérant que la société VOLVO HOLDING FRANCE est la société mère d'un groupe intégré dont la filiale, la société Renault Trucks Grand Lyon, exerce une activité de commercialisation et de maintenance de véhicules lourds de la marque Renault Trucks, en qualité de distributeur et de réparateur ; que la société Renault Trucks Grand Lyon a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a remis en cause la provision constituée à la clôture des exercices clos en 2008 et 2009 en vue de faire face aux charges futures liées à l'exécution des contrats d'entretien conclus avec certains de ses clients, la provision pour engagement de reprise de véhicules, engagement dit de " buy back ", et l'absence de prise en compte, dans le résultat imposable, de primes versées par le constructeur à l'occasion de la commercialisation de certains modèles de véhicules par la société Renault Trucks Grand Lyon ; que, par un jugement n° 1209992 en date du 17 mars 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a réduit les bases d'imposition de la société VOLVO HOLDING FRANCE du montant des provisions pour contrat d'entretien constituées par la société Renault Trucks Grand Lyon, au titre des exercices clos respectivement en 2008 et 2009, à concurrence des sommes de 493 926 euros et de 569 857 euros, a déchargé la société VOLVO HOLDING FRANCE des droits d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt et des intérêts de retard correspondants, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que la société VOLVO HOLDING FRANCE relève appel de ce jugement et demande à la Cour de le réformer en ce qu'il a rejeté ses conclusions relatives, d'une part, à la provision pour engagement de reprise de véhicules et, d'autre part, aux primes versées par le constructeur ;

Sur les primes versées par le constructeur et comptabilisées comme des produits constatés d'avance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (réservés jusqu'en fin d'instance) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Renault Trucks, constructeur de véhicules industriels, a versé à la société Renault Trucks Grand Lyon, au titre des exercice clos en 2008 et 2009, des primes, qualifiées d' " aides du constructeur " ; que ces primes rémunéraient la société Renault Trucks Grand Lyon des ventes qu'elle avait réussi à réaliser de certains types de véhicules considérés comme difficiles à commercialiser, afin d'inciter le concessionnaire à faire bénéficier ces véhicules d'un effort commercial particulier ; qu'elles ont été accordées et versées par la société Renault Trucks à la société Renault Trucks Grand Lyon dès la commande des véhicules par les clients, et non lors de la livraison effective à ces derniers, étant observé que la livraison est susceptible d'intervenir au cours d'un exercice distinct de celui au cours duquel la commande a été effectuée ; que le service a réintégré dans les bases d'imposition de la société Renault Trucks Grand Lyon à l'impôt sur les sociétés le montant de ces primes, dans la mesure où il a considéré qu'elles constituaient des créances acquises à la clôture de l'exercice au cours duquel elles ont été versées ; que la société requérante conteste, par la même argumentation qu'elle a développée devant le tribunal administratif, ce rattachement des primes à l'exercice au cours duquel elles ont été versées ;

4. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante fait valoir que les dispositions citées au point 2 impliquent que les créances en cause doivent être rattachées à l'exercice au cours duquel intervient la livraison effective aux clients des véhicules commandés par ces derniers, il ressort des termes mêmes du 2 bis de l'article 38 qu'il ne mentionne que les créances sur la clientèle d'une part, et les versements reçus à l'avance en paiement du prix d'autre part ; que les primes en cause, versées à la société Renault Trucks Grand Lyon par le constructeur, qui est vis-à-vis d'elle un fournisseur et non un client, n'entrent dans aucune de ces deux catégories, le client étant étranger à ce flux financier qui n'affecte en rien le montant dû par lui à la société Renault Trucks Grand Lyon ; que ces primes ne peuvent donc être assimilées ni à des créances sur la clientèle, ni à des versements reçus à l'avance en paiement du prix ;

5. Considérant, en second lieu, que la société requérante fait état d'un aléa lié à la possibilité, pour les clients, d'annuler leur commande, circonstance conduisant à l'annulation de la vente et à la nécessité, pour la société Renault Trucks Grand Lyon, de rembourser les primes au constructeur ; que la société requérante peut, à cet égard, être regardée comme se prévalant de l'existence de clauses résolutoires qui confèrent un caractère incertain aux créances nées lors de l'acceptation de la commande ; que, toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société requérante se borne à faire état de cet aléa sans produire aucun élément de nature à en établir la réalité ; qu'ainsi, ces créances de la société Renault Trucks Grand Lyon doivent être regardées comme certaines tant dans leur principe que dans leur montant dès la prise de commande, et devaient, à ce titre, être rattachées à l'exercice au cours duquel elles ont été versées ; que les conclusions de la société requérante ne peuvent, à cet égard, qu'être rejetées ; qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté, sur ce point, sa demande tendant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt ainsi que des intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et résultant du rehaussement du résultat de la société Renault Trucks Grand Lyon au titre des mêmes exercices ;

Sur la provision correspondant aux engagements de reprise de véhicules :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (réservés jusqu'en fin d'instance) notamment : (réservés jusqu'en fin d'instance) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (réservés jusqu'en fin d'instance) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et qu'en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogène, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une partie des contrats par lesquels la société Renault Trucks Grand Lyon vend des véhicules lourds à ses clients sont assortis d'un engagement de rachat, dit de " buy-back ", par lequel la société s'engage irrévocablement à reprendre ces véhicules, entre le vingt-quatrième et le soixante-douzième mois suivant la vente, à un prix déterminé à l'avance et figurant sur la facture ; que la société Renault Trucks Grand Lyon a rapproché ce prix de rachat, déterminé à l'avance ainsi qu'il vient d'être dit, de celui attendu de la revente ultérieure des véhicules concernés, et qui est fonction de la valeur Argus, des réparations à prévoir et de données historiques de l'entreprise relatives aux transactions portant sur des modèles similaires ; que la société Renault Trucks Grand Lyon, lorsqu'elle a constaté un écart négatif entre ces deux prix, a constitué, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, des provisions d'un montant égal à cet écart négatif ; que le service a remis en cause ces provisions, au motif que la société Renault Trucks Grand Lyon aurait dû procéder à un bilan prévisionnel entre les gains et les pertes escomptés pour l'ensemble des contrats décrits plus haut, contrats que le service a regardés comme constituant un ensemble d'opérations revêtant un caractère homogène, et a procédé à la réintégration de ces provisions dans le résultat imposable de la société requérante ;

8. Considérant qu'une entreprise peut déduire des résultats de l'exercice au cours duquel est intervenue une vente, une provision représentant une estimation de l'ensemble des coûts ou pertes qu'elle devra probablement supporter en conséquence de cette vente, tels que ceux que peut impliquer la promesse faite au client de lui racheter, à un prix s'avérant supérieur à la valeur de revente, un bien qu'elle lui a vendu ;

9. Mais considérant qu'il incombe à la Cour de connaître quels étaient l'objet et la qualification de la provision constituée par la société Renault Trucks Grand Lyon ; qu'en effet, si les parties ont, tant devant le tribunal administratif que dans le cadre de la présente instance, débattu de la question de savoir si les contrats de vente assortis d'engagement de reprise conclus par la société Renault Trucks Grand Lyon constituaient un ensemble homogène du point de vue des droits et obligations qui les caractérisent, ce n'est qu'au stade de son dernier mémoire, enregistré le 29 décembre 2015 et auquel le ministre n'a pas répondu, que la société VOLVO HOLDING FRANCE a fait porter le débat sur le terrain de la qualification de la provision, soutenant qu'il s'agissait d'une provision pour charges et demandant à la Cour de la qualifier comme telle ; que ni l'objet, ni la qualification initiale de la provision litigieuse ne ressortent clairement des pièces du dossier ; qu'il y a lieu, dans ces conditions et pour déterminer l'objet et la qualification de la provision litigieuse, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire aux fins de permettre à la société VOLVO HOLDING FRANCE et au ministre des finances et des comptes publics, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de fournir tous éléments de nature à éclairer la Cour à cet égard et à la mettre à même d'apprécier la nature de la provision litigieuse ; que la société VOLVO HOLDING FRANCE est notamment invitée à produire le tableau des provisions joint aux déclarations de résultats souscrites au titre des exercices en litige, permettant de déterminer si la provision litigieuse a été initialement déduite en tant que provision pour perte ou en tant que provision pour charges ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société VOLVO HOLDING FRANCE tendant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt ainsi que des intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et résultant du rehaussement du résultat de la société Renault Trucks Grand Lyon au titre des mêmes exercices par suite de la réintégration des aides du constructeur dans son résultat sont rejetées.

Article 2 : Avant-dire droit sur le surplus des conclusions de la requête de la société VOLVO HOLDING FRANCE, il sera procédé à un supplément d'instruction contradictoire aux fins et aux conditions précisées au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt demeurent.réservés jusqu'en fin d'instance

N° 14VE01462 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01462
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Antoine ERRERA
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : SELARL COLBERT LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-07-19;14ve01462 ?
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