La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2016 | FRANCE | N°15VE02725

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 12 avril 2016, 15VE02725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 janvier 2015 qui lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501106 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement les 14 août

et 12 octobre 2015, M.A..., représenté par Me Sicakyuz, avocat, demande à la Cour :

1° d'enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 janvier 2015 qui lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501106 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement les 14 août et 12 octobre 2015, M.A..., représenté par Me Sicakyuz, avocat, demande à la Cour :

1° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de verser au dossier l'ensemble de son dossier administratif ;

2° d'annuler ce jugement ;

3° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

4° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas respecté le principe du contradictoire et les droits de la défense, en refusant de faire droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire son dossier administratif, alors qu'il s'agissait d'un élément nécessaire pour rendre un jugement éclairé, et en statuant sur le moyen d'incompétence sans qu'ait été versé au dossier l'arrêté de délégation sur lequel il se fondait pour écarter ce moyen ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait, qui révèle, au surplus, un examen incomplet de sa demande ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circulaire du ministre de l'intérieur du

28 novembre 2012, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit habituellement en France depuis douze ans, qu'il est parfaitement intégré en France au regard de sa vie privée et de sa vie professionnelle, qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, qu'il dispose de ressources du fait de son travail de serveur, et qu'il justifie d'un logement stable ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en sa qualité de Kurde alevi, dont toute la famille a été persécutée et est réfugiée en Europe, il encourt des risques graves en cas de retour en Turquie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bergeret,

- et les observations de Me Sicakyuz, pour M.A....

1. Considérant que M.A..., ressortissant turc né le 10 janvier 1974 relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 janvier 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au juge administratif de faire droit à une demande d'une partie tendant à ce que l'autre partie soit enjointe de verser des pièces au dossier ; qu'il n'apparaît pas, en l'espèce, qu'en n'enjoignant pas au préfet, comme le demandait M.A..., de verser au dossier l'intégralité des pièces composant son dossier administratif, les premiers juges, qui se sont estimés suffisamment informés au vu des nombreuses pièces produites par le requérant et soumises au débat contradictoire, auraient méconnu les droits de la défense ou le principe du contradictoire, et par suite entaché leur jugement d'irrégularité ;

3. Considérant, d'autre part, que dès lors que l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis avait donné délégation à MmeC..., signataire de l'arrêté contesté, a été régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives, la circonstance que cet acte à caractère règlementaire n'a pas été versé au dossier de première instance n'entache pas d'irrégularité, au regard du principe du contradictoire, le jugement attaqué qui écarte le moyen tiré de l'incompétence de Mme C...au vu de l'existence, du contenu et de la publication régulière de cet acte règlementaire ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'incompétence, dès lors que sa signataire bénéficiait à cette fin d'une délégation de signature régulière, en vertu d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis

n° 14-0206 du 31 janvier 2014, acte règlementaire opposable aux tiers à la suite de sa publication, le même jour, au bulletin d'informations administratives de la préfecture et dont aucun texte n'imposait qu'il soit explicitement visé par l'arrêté contesté ou joint en annexe à celui-ci ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant que M. A..." n'a pas effectué de démarches administratives et n'a donc pas démontré sa volonté de régulariser sa situation ", l'arrêté contesté portant obligation de quitter le territoire français se borne à constater l'absence de telles démarches au cours de la période précédant la prise de cet arrêté ; que dès lors, la circonstance que M. A...avait, en 2004, soit plus de dix ans auparavant, contesté la décision lui refusant le séjour au titre de l'asile à la suite du rejet de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, et aurait, par la suite, tenté des démarches dont il ne précise pas la nature et la date, et présenté en février 2007 une requête dont la nature n'est pas davantage précisée, n'établit pas, contrairement à ce que soutient M.A..., que cet arrêté serait entaché d'erreur de fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et des termes mêmes de l'arrêté contesté, que celui-ci n'aurait pas été pris après un examen personnalisé et complet de la situation propre de l'intéressé ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. A...soutient qu'après son entrée en France en 2003 et le rejet de sa demande d'asile en 2004, il s'est constamment maintenu sur le territoire, dans un logement stable, qu'il a régulièrement travaillé en qualité de serveur, métier pour lequel il produit une promesse d'embauche, qu'il est parfaitement intégré en France, où il poursuivrait une relation amoureuse stable, et que tous les membres de sa famille sont réfugiés en Europe, du fait des graves persécutions menées contre la minorité kurde alevi ; que, toutefois, les pièces qu'il verse au dossier, s'agissant des années 2005 à 2012, constituées presque exclusivement de quittances de loyers et factures d'électricité portant sur un logement loué à son nom, n'établissent pas sa résidence habituelle sur le territoire au cours de ces années ; qu'aucune pièce, hormis la promesse d'embauche précitée, n'établit l'exercice effectif d'un travail au cours des années de présence alléguée sur le territoire, même si des déclarations de revenus ont été déposées au titre des années 2012 et suivantes ; qu'aucune précision n'est donnée quant à la relation affective évoquée, ni sur la présence alléguée en France ou en Europe, en qualité de réfugiés, de tous les membres de la famille de l'intéressé, qui, s'il affirme qu'il maîtrise la langue française, a néanmoins eu recours à un interprète lors de la notification de l'arrêté contesté ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, et, par suite, comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement obliger un ressortissant étranger à quitter le territoire français que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

10. Considérant que pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés ci-dessus au point 5., M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait disposé d'un droit au séjour en application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, en tout état de cause, de celles de l'article L. 313-14 du même code, et que, par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pu décider de prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ; qu'il invoque, par ailleurs, en tout état de cause en vain les termes, dépourvus de valeur règlementaire, de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

11. Considérant, enfin, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que l'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prévoyant son éloignement à destination de son pays d'origine, M.A..., dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié qu'il avait formée en 2003 a été rejetée, soutient néanmoins devant la Cour qu'il serait exposé à des graves risques en cas de retour en Turquie, du fait de son appartenance à la communauté kurde alévi et à une famille dont tous les membres auraient été persécutés et contraints à la fuite en raison de leurs activités militantes ; qu'il ne produit, toutefois, aucune précision, document ou détail, ni sur les activités militantes ainsi invoquées, ni sur aucun des membres de sa famille ; qu'ainsi, il n'établit ni le caractère actuel, à la date de l'arrêté contesté, des risques qu'il encourrait en cas de retour en Turquie, ni la méconnaissance alléguée des textes cités ci-dessus ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction sollicitée par M.A..., qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

''

''

''

''

N° 15VE02725 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02725
Date de la décision : 12/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SICAKYUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-04-12;15ve02725 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award