Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée pour l'HOPITAL GERONTOLOGIQUE ET MEDICO-SOCIAL (HGMS) DE PLAISIR-GRIGNON, dont le siège est 220 rue Mansart BP19 à Plaisir Cedex (78375), par Mes Bazin et Cazelles, avocats associés ;
L'HOPITAL GERONTOLOGIQUE ET MEDICO-SOCIAL (HGMS) DE
PLAISIR-GRIGNON demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1105377 du 26 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser aux consorts C...la somme de 37 000 euros en réparation du préjudice moral subi par eux à l'occasion du décès de M. B...C... ;
2° d'enjoindre aux consorts C...de verser au dossier l'intégralité des pièces figurant dans le dossier d'instruction de la plainte qu'ils avaient déposée lors du décès de M. B...C... ;
3° de rejeter la demande présentée par les consorts C...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Il soutient que :
- le Tribunal administratif de Versailles aurait dû, en application des dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, faire usage de son pouvoir d'instruction afin que l'intégralité des pièces figurant dans le dossier d'instruction de la plainte que les consorts C...avait déposée lors du décès de M. B...C...soit versée au dossier afin de lui permettre de se défendre ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que la prescription quadriennale ne s'appliquait pas à la créance des consorts C...dès lors que M. B...C...n'est pas décédé des suites d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soin mais d'un incendie accidentel ;
- n'ayant pu accéder au dossier d'instruction de la plainte déposée par les consortsC..., il n'est pas en mesure de se défendre utilement ;
- M. B...C...a contribué à la survenance de l'incendie qui a conduit à son décès ce qui justifie que le montant des sommes accordées en première instance aux consorts C...soit revu à la baisse ;
- en tout état de cause il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2015 :
- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- les observations de Me J...pour le HGMS,
- et les observations de Me M...pour les consortsC... ;
1. Considérant que M. B...C...a été victime en 1994 d'un accident de la circulation qui l'a laissé lourdement handicapé ; qu'il a perdu l'usage de ses jambes et utilisait difficilement ses bras et ses mains ; que son état nécessitait l'assistance permanente d'une tierce personne ce qui a conduit à son placement, à compter du 23 février 19998, au sein de l'HOPITAL GERONTOLOGIQUE ET MEDICO-SOCIAL DE PLAISIR-GRIGNON (HGMS) ; qu'étant sorti sans autorisation de l'établissement, M. C...a été privé de son fauteuil roulant ; qu'à la suite d'une altercation avec le personnel du service, il a été enfermé dans sa chambre et entravé sur son lit le 29 avril 2005 après avoir été placé sous sédation ; qu'un incendie s'est déclaré dans la chambre de l'intéressé alors que son briquet avait été laissé à sa portée ; que M. C...est décédé le 1er mai 2005 des suites de ses brulures à l'âge de trente-quatre ans ; que les consorts C... ont porté plainte et se sont constitués partie civile ; qu'une enquête pour recherche des causes de la mort a été ouverte et a conduit le juge d'instruction à classer sans suite la plainte des consorts C...le 10 septembre 2010 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article R. 611-10 du code de justice administrative dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. (...) " ; que la mise en oeuvre de ce pouvoir d'instruction, qui constitue un pouvoir propre du juge, ne saurait avoir pour objet de permettre à une partie d'accéder aux pièces d'une procédure pénale dans laquelle elle avait décidé de ne pas intervenir ; que lorsqu'il estime être suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier pour statuer sur l'existence d'une faute du service public de nature à engager sa responsabilité, le juge administratif n'a pas à faire usage de son pouvoir d'instruction pour permettre à une partie d'accéder à d'éventuels document susceptibles de lui permettre d'établir le bien-fondé de ses allégations ; qu'en ne demandant pas aux consorts C...la communication de pièces au demeurant non identifiées qui auraient pu figurer dans la procédure diligentée par le juge d'instruction dans le cadre de l'enquête sur les causes de la mort de M. B...C...alors que figuraient, dans le dossier qui lui était soumis, des éléments suffisants lui permettant de forger sa conviction quant à la responsabilité du HGMS dans le décès de l'intéressé, le Tribunal administratif de Versailles n'a pas méconnu son office ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance des consortsC... :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme K...C..., mère du défunt, est elle-même décédée le 4 juillet 2011 ; que les conclusions indemnitaires présentées en son nom devant le Tribunal administratif de Versailles et enregistrées au greffe de cette juridiction le
20 septembre 2011 étaient par conséquent irrecevables ; que le jugement attaqué doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il a accordé à Mme K...C...la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Sur la prescription de la créance des consortsC... :
4. Considérant que l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dispose que : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. " ; que M. C...a été admis au sein du HGMS à compter du 23 février 1998 pour y bénéficier des soins dont il avait besoin à raison de son état de santé ; que l'incendie qui a provoqué son décès est par conséquent intervenu dans un établissement public de santé à l'occasion d'actes de soin ; que c'est par conséquent à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a écarté l'application à la créance des consorts C...des règles de la prescription quadriennale ;
Sur la responsabilité du HGMS :
5. Considérant que si le HGMS soutient que M. C...aurait contribué au départ de l'incendie qui a provoqué son décès, il ne contredit pas utilement le jugement attaqué qui a retenu que le fait d'avoir laissé M.C..., sous sédation et entravé dans un lit aux barreaux relevés sans vérifier qu'aucun objet dangereux n'était à sa portée, était constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cette vérification ne nécessitait pas qu'une fouille des affaires de M. C...fut réalisée mais simplement que le sac dans lequel l'intéressé avait l'habitude de ranger ses affaires, et notamment son briquet, fut mis hors de sa portée ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sonneries du système d'alarme incendie n'étaient pas suffisamment puissantes pour alerter le personnel qui n'est intervenu dans la chambre de M. C...que plusieurs minutes après leur déclenchement ; que la circonstance que cette alarme, qui se déclenchait régulièrement de manière intempestive, a pu être confondue par le personnel avec des alarmes de réfrigérateur ou de four suffit à établir son caractère défaillant ; que le retard ainsi induit dans l'intervention du personnel a été déterminant dans la gravité des blessures de M. C...et révèle un défaut dans l'organisation du service public hospitalier qui est, contrairement à ce que soutient le HGMS, de nature à engager sa responsabilité au même titre qu'une faute médicale ;
7. Considérant qu'ainsi, et même si c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que le HGMS avait porté atteinte à la dignité de M.C..., le HGMS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a jugé que sa responsabilité était engagée dans la survenance de l'accident qui a conduit au décès de M.C... ;
Sur l'évaluation des préjudices :
8. Considérant que compte tenu des conditions dans lesquelles le décès de M. B...C...est intervenu, en évaluant à 10 000 euros la somme due aux époux C...en réparation de la douleur morale née de ce décès, le Tribunal administratif de Versailles a fait une juste appréciation de ce préjudice ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions en appel incident des époux C...doivent être rejetées ;
9. Considérant en revanche que les consorts C...sont fondés à soutenir que la réparation qui a été accordée par les premiers juges aux frères et soeurs du défunt est insuffisante ; qu'il y a lieu de porter à la somme de 5 000 euros la somme due à chacun des frères et soeurs de M. B...C...au titre de la réparation de leur préjudice moral, à l'exception de
Mme G...C..., qui était tutrice du défunt et à laquelle le HGMS sera condamné à verser la somme de 6 500 euros en réparation de ce même préjudice ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation à raison du caractère abusif de l'appel :
10. Considérant que l'appel interjeté par cet établissement public n'avait pas pour seul objet de nuire aux consorts C...et n'est par conséquent pas constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que les conclusions aux fins de condamnation du HGMS à réparer le préjudice né pour les consorts C...du caractère abusif de son recours en appel doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées tant par le HGMS que par les consorts C...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral de Mme K...C...sont rejetées.
Article 2 : Le HGMS versera à MmesL..., F...et CemileC..., à Mme N...C...épouse A...et à MM.H..., Cemilet CelalC...la somme de 5 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.
Article 3 : Le HGMS versera à Mme G...C...la somme de 6 500 euros en réparation de son préjudice moral.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le jugement n° 1105377 rendu le 26 novembre 2013 par le Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 14VE00366