Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2012, présentée pour la société CGI FRANCE qui, ayant absorbé la société Logica It Services France, vient aux droits de la société LogicaCMG France dont le siège est 17 place des Reflets à Paris-la-Défense (92097), par Mes A... et Celestin-Urbain, avocats ; la Société CGI FRANCE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1004410, 1004411 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de cotisation minimale de taxe professionnelle et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006, ainsi que du prélèvement exceptionnel de 25 % mis à sa charge au titre de l'année 2005 ;
2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
Elle soutient que :
1. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
- l'administration, dans le cadre de son contrôle, pas davantage le tribunal en première instance, ne sont parvenus à caractériser l'existence d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire faute d'en établir l'origine, la méthode et le circuit ni, par voie de conséquence, les montants prétendument dissimulés ; l'administration ne saurait simplement présumer l'existence d'une fraude de type " carrousel " mais doit en rapporter la preuve avant d'établir la participation consciente du contribuable au circuit frauduleux ; une telle démonstration nécessite d'expliciter le schéma commercial, ses participants et les modalités opératoires utilisées, notamment à quel stade du circuit, et par quels acteurs - clients ou fournisseurs - la taxe sur la valeur ajoutée a été fraudée, et à hauteur de quel montant ;
- a fortiori, le service n'établit pas qu'elle ne pouvait ignorer à la fois l'existence d'un tel circuit de fraude et sa participation à celui-ci ; en effet, le faisceau d'indices réuni par l'administration n'est pas pertinent en ce qu'il ne satisfait pas aux critères de preuve objectifs exigés par la jurisprudence communautaire et recensés dans la doctrine administrative référencée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007 dont elle est fondée à se prévaloir, au nombre desquels figurent l'existence de liens juridiques entre participants, la facturation de prix anormalement bas, la fréquence des défaillances des fournisseurs successifs, leur adresse de domiciliation, leur absence de personnels et de moyens techniques d'exploitation et l'absence de documents attestant de la livraison des marchandises ;
- l'administration méconnaît les principes de proportionnalité et de sécurité juridique dès lors qu'elle s'abstient de démontrer que les informations dont elle était raisonnablement en mesure de disposer auraient dû la conduire à reconnaître l'existence d'un circuit commercial frauduleux et sa participation consciente à celui-ci ; en la circonstance, le service n'établit ni que ses clients européens étaient sans activité ni moyens, ni a fortiori qu'elle avait connaissance de cette réalité ; à cet égard, elle ne dispose pas des mêmes moyens d'enquête que l'administration, laquelle a mis en oeuvre l'assistance administrative mutuelle ; elle a accompli toutes les diligences normales qu'elle était en mesure d'accomplir pour s'assurer du sérieux de ses clients et sécuriser ses transactions ; il ne peut, dans cette mesure, lui être fait grief d'avoir méconnu que les sièges des sociétés clientes Amankila et Green Mile correspondaient à de simples adresses de domiciliation, alors que cette circonstance ne prouve pas par elle-même leur absence d'activité en Belgique où elles avaient indiqué des adresses de livraison des marchandises ; en outre, l'adresse bruxelloise comportait un local commercial permettant de réceptionner les composants électroniques livrés à la société Amankila et quant à celle d'Ottignies, en Belgique, ces livraisons étaient réceptionnées par la société DVT pour son compte, ce dont attestent les lettres CMR tamponnées par cette dernière entreprise ; les livraisons au profit de la société Green Mile, également en Belgique étaient réceptionnées à Sint Peters Leeuw par la société Vette Services, dont l'administration n'a contesté ni l'activité, ni le fait qu'elle disposait de locaux commerciaux à cette adresse ; si les informations transmises le 12 juin 2006, dans le cadre de l'assistance administrative internationale, font état de locaux vides, les relations commerciales avec cette cliente avaient, à cette date, cessé depuis le mois d'avril précédent ; pour les mêmes motifs, il ne peut lui être opposé que l'adresse italienne de livraison des marchandises au profit de la société Ziroco Tech était différente de celle du siège ; enfin, l'administration ne démontre pas qu'elle aurait eu connaissance de ce que la société Saint-Charles Consulting achetait ces biens informatiques auprès d'un intermédiaire, qui était également son fournisseur ;
- outre que le tribunal ne critique pas utilement les transactions effectuées avec les sociétés Kilmeston et Eddy Spring, il commet, dans le jugement attaqué, une série d'erreurs de fait : c'est à tort qu'il a estimé que son activité de vente de composants électroniques était nouvelle alors que, comme l'administration le relève dans la proposition de rectification, le groupe LogicaCMG est un acteur de premier plan dans le domaine des services informatiques ; il est également inexact de prétendre qu'elle a eu recours à un fournisseur unique pour chaque client dès lors que, par exemple, les biens vendus aux sociétés Amankila et Green Mile provenaient du même fournisseur monégasque, la société Teckworld ; de même, les transactions intracommunautaires n'ont pas fait intervenir un même collaborateur, ses autres personnels administratifs et financiers étant mobilisés pour la réception et le suivi des commandes ; par ailleurs, ni la célérité des paiements, ni la perception d'une marge uniforme de 3 % sur les transactions ne sauraient révéler l'existence d'un schéma commercial frauduleux ; il ne lui appartenait pas de vérifier l'expédition ni l'arrivée à destination des biens, mais seulement de s'assurer de leur sortie effective du territoire français, la réalisation d'opérations intercalaires dans le cadre de transactions triangulaires n'empêchant pas, en tout état de cause, l'exonération de taxe sur ces opérations comme en dispose l'article 141 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; la législation ne requiert pas davantage qu'elle se déplace chez ses clientes pour s'assurer de leur existence ; le tribunal n'a pas mis en oeuvre les critères de la doctrine précitée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007 alors qu'elle avait produit de nombreux documents à l'administration, qui établissent la réalité de ses livraisons intracommunautaires ; les sociétés transitaires Kamino et Sertransit la comptaient parmi ses clientes, ainsi qu'en atteste le responsable " transport " au sein de celles-ci ; s'agissant des indices de nature à révéler
" un automatisme " révélateur d'un système de fraude, il y a lieu de préciser qu'elle a cessé son activité de négoce inaugurée en 2002, lors du rachat, en 2006, de la société Unilog, dont l'activité de fournitures de services informatiques était plus importante que la sienne ; l'arrêt de cette activité de négoce n'est donc en aucun cas révélateur d'un circuit de fraude ;
- elle a effectué des diligences, qui traduisent sa bonne foi ; les informations qu'elle a collectées ont été versées au dossier ; il s'agit notamment de certificats officiels, de type fiscal, bancaire et commercial, des numéros d'immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée de ses clientes, qu'elle a vérifiés, notamment dans le cadre de réunions organisées avec les dirigeants espagnols, connus des autorités de ce pays et en consultant le site internet " VIES ", comme en atteste une copie écran de la société Ziroco Tech datant de 2004, et, alors qu'elle n'était pas tenue à cette vérification comme le confirme la décision du Conseil d'Etat " Société Abacus Equipement Electronique " n° 312290 du 25 février 2011, d'autant que la Cour des comptes européenne a également relevé dans son rapport spécial de 2007 que la base " VIES " est peu fiable et ne permet pas de détecter les fraudes, ce qui rend difficile les vérifications de validité des numéros de taxe sur la valeur ajoutée des clients européens ; de plus, ses clientes émettaient des documents commerciaux et comptables conformes aux usages de la profession ; si elle s'est abstenue de produire les pièces justificatives de transport en première instance, c'est uniquement parce que celles-ci avaient d'ores et déjà été présentées à l'administration ; elle verse au dossier d'appel ces nombreuses pièces, qui sont probantes et établissent son droit à exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les transactions intracommunautaires par application de l'article 262 ter I du code général des impôts ; ces pièces incluent des lettres de voiture CMR, des bons de commande, des avis de règlement à partir d'un établissement bancaire étranger, des doubles de factures, des correspondances commerciales, des factures de transport revêtues du cachet de l'entreprise cliente, numérisées sur CD Rom, étant relevé qu'un échantillon de ces documents est également fourni en version papier pour la société Amankila ; dans sa doctrine du
20 octobre 1999, l'administration reconnaît expressément que la preuve de l'existence du transport peut être apportée par tous moyens, et pas uniquement par la production de lettres CMR ; la lettre CMR tamponnée par les autorités douanières belges sur laquelle figurent les mentions " matériel informatique - un colis ouvert pour contrôle " rapporte la preuve d'une expédition effective de composants informatiques vers la Belgique ; de même, les attestations des responsables des sociétés commissionnaires établissent que les transports ont été effectués sans rupture de charge exclusivement pour ses besoins ; elle n'est pas responsable de l'absence de désignation des marchandises sur les documents CMR, l'établissement de ces documents incombant aux sociétés Kamino et Sertransit, en leur qualité d'expéditeur et à la société Axtex, en sa qualité de transporteur ; alors que ces documents comportaient les mêmes imperfections formelles, la Cour de céans a estimé, dans un arrêt Sté Magna France n° 04VE3355 du
11 juillet 2006, qu'il n'était pas établi que la société avait connaissance de l'existence d'un schéma de fraude ; en outre, le transporteur n'est pas obligé de vérifier d'office le poids de la marchandise indiqué par l'expéditeur, qui est de peu d'intérêt pour ce dernier, la facturation du transport dépendant essentiellement du volume transporté, ce qui peut par suite expliquer l'incohérence des informations relatives au poids portées sur les lettres CMR, ce dont elle ne saurait être tenue pour responsable ; mais ces imperfections de forme ne permettent certainement pas de rapporter la preuve de l'inexistence des livraisons hors de France ; à cet égard, l'administration manque de cohérence lorsqu'elle met en recouvrement une pénalité pour retard de déclaration des échanges de biens au titre de chacune des années vérifiées ;
- en rejetant sa demande sur le simple doute que les livraisons n'avaient pas eu lieu, le tribunal a méconnu le principe de sécurité juridique, ce alors que l'administration supporte la charge d'établir le défaut de livraison ; d'autre part, en exigeant qu'elle communique la totalité des documents CMR, il est allé au-delà de ce qui est nécessaire et a par suite méconnu le principe de proportionnalité ;
2. En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
- l'administration fiscale a outrepassé ses pouvoirs d'enquête qu'elle tient des articles L. 80 F, qui a trait aux recherches des manquements aux règles de facturations, et L. 80 H du livre des procédures fiscales ; les questions posées lors des auditions des 27 juillet et
20 septembre 2006, de par leur nature, ont implicitement mais nécessairement impliqué la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité sans bénéfice des garanties prévues à l'article L. 47 du même livre ; à compter du 13 septembre 2007, l'administration a en fait initié un second contrôle portant sur les mêmes années et la même imposition, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 51 de ce livre ;
- la proposition de rectification du 18 avril 2008 est insuffisamment motivée ; en droit d'abord, en ce que le fondement invoqué de l'article 262 ter du code général des impôts, dans sa version en vigueur avant sa modification par l'article 93 de la loi n° 2006-1771 du
30 décembre 2006, n'était pas applicable dès lors qu'il prévoyait seulement l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre sans autre considération, notamment relative au fournisseur suivant que
celui-ci " savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle " ; elle est insuffisamment motivée en fait ensuite, en ce qu'elle se borne à rappeler la taxe globalement, sans détailler les rehaussements transaction par transaction ; à cet égard, le tableau récapitulatif des documents de transport regardés comme non probants n'est pas exhaustif de l'ensemble des rectifications ; pour le client Saint-Charles Consulting par exemple, les documents de transport font défaut pour la somme de 31 649 618 euros de transactions, mais l'administration rappelle la taxe sur un montant de 31 933 668 euros ; pour les autres clients, la liste des documents de transport ne reprend pas le montant des transactions réalisées, de sorte qu'elle a été privée de présenter des observations utiles, transaction par transaction ; plus généralement, la proposition de rectification n'établit pas l'existence d'un circuit de fraude tandis que les informations fournies pas les autorités fiscales étrangères ne démontrent pas la défaillance ou l'inactivité des clients, pris un à un ; il n'est pas fait état de ce que les sociétés Ziroco et Saint-Charles Consulting ne déclaraient pas de livraisons intracommunautaires ; enfin, l'administration fait une lecture erronée des informations étrangères transmises en confondant absence de livraisons intracommunautaires et défaut de déclaration des acquisitions réalisées par les clientes Amalika et Green Mile, avant de conclure à leur défaillance ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en s'abstenant de porter à sa connaissance une information complète sur l'origine et la teneur des renseignements obtenus dans le cadre de la procédure d'assistance administrative internationale ; de même, en ne précisant pas la nature des documents ayant supporté ces informations, elle a méconnu sa propre doctrine qui, référencée 13 L-6-06 en date du
21 septembre 2006, lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- par voie de conséquence de ce qui précède, le vérificateur n'a également pas satisfait aux exigences du débat oral et contradictoire ;
3. En ce qui concerne le bien-fondé des autres impositions :
- la remise commerciale consentie à la société Logica UK Ltd n'est pas constitutive d'une renonciation anormale à recettes constitutive d'un transfert de bénéfices à l'étranger au sens de l'article 57 du code général des impôts dès lors que le partage de la marge de 3 % entre elle et cette société rémunère sa gestion des commandes et du recouvrement des
créances-clients ; de plus, l'administration ne soutient pas que la rémunération de cette gestion aurait été excessive ;
- la refacturation, par la société Logica International Holding Ltd, d'une fraction du coût de la police d'assurance groupe, à proportion du chiffre d'affaires prévisionnel de chaque filiale dans le chiffre d'affaires total du groupe, ne saurait être regardée comme une charge non déductible par principe, ou encore partiellement excessive en l'absence de toute critique portant sur cette clef de répartition, ou encore sur l'étendue disproportionnée de la police d'assurance souscrite ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'application du prélèvement exceptionnel de 25 % était irrégulière au titre de l'année 2005, en l'absence de revenus distribués ; dans l'hypothèse où l'exigibilité du prélèvement serait confirmée, elle sollicite de la Cour qu'elle ordonne sa restitution par tiers, au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;
- en l'absence de revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts, et faute d'être applicable à des revenus autres que des dividendes régulièrement versés par une société française, la retenue à la source plafonnée à 5 % stipulée à l'article 9 de la convention franco-britannique ne pouvait pas davantage lui être appliquée ;
- la valeur ajoutée servant d'assiette pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle doit être déterminée, sauf dispositions fiscales contraires, par référence au résultat comptable, et non par rapport au résultat fiscal ; les charges concernées, déductibles par nature, ne pouvaient donc y être réintégrées, encore moins les recettes auxquelles elle aurait renoncé, fut-ce irrégulièrement, dès lors que celles-ci n'ont jamais été perçues ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu la convention entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus du 22 mai 1968 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2015 :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., pour la société CGI FRANCE ;
1. Considérant qu'après avoir diligenté une enquête pour rechercher d'éventuels manquements aux règles de facturation et procédé à une vérification de comptabilité de la société LogicaCMG, au titre des années 2004 à 2006, et, d'autre part, avoir mis en oeuvre une procédure d'assistance administrative auprès des autorités fiscales espagnole, belge, britannique et luxembourgeoise, l'administration, estimant que la société LogicaCMG avait consciemment participé à des opérations de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre d'un négoce européen de composants électroniques, a remis en cause l'exonération de taxe que la société avait appliquée sur ses transactions intracommunautaires ; qu'elle a également réintégré les dépenses afférentes au coût de la police d'assurance souscrite pour couvrir ces transactions que lui avaient refacturées la société Logica International Holding, ainsi que l'abandon, regardé comme anormal, à la société LogicaCMG UK, du tiers de la marge commerciale réalisée sur ces ventes ; que le service lui a notifié les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation minimale de taxe professionnelle en résultant au titre de ces trois années et a également assorti les revenus réputés distribués en 2005 du prélèvement exceptionnel de 25 % ; que la société CGI France, qui, après avoir absorbé la société It Service France, vient aux droits de la société LogicaCMG, relève appel du jugement du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de la société It Service France tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour demander la décharge du prélèvement exceptionnel de 25 % auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 2005, la société Logica It Service France avait soutenu qu'en l'absence de revenus distribués, un tel prélèvement n'était pas applicable ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montreuil, ces conclusions étaient donc assorties d'un moyen ; que c'est ainsi à tort qu'il les a rejetées comme irrecevables dans le jugement attaqué, qui doit par suite être annulé sur ce point ;
3. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de la requête de la société CGI FRANCE dirigées contre les autres impositions ;
Sur la régularité de la procédure portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (...) / Ils peuvent obtenir ou prendre copie, par tous moyens et sur tous supports, des pièces se rapportant aux opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation. / Ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications. Ces auditions donnent lieu à l'établissement de comptes rendus d'audition. / L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. (...) Les constatations du
procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti, au regard d'impositions de toute nature, que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, qu'elles permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives ; que l'administration peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des auditions des 27 juillet et 20 septembre 2006, les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales ont interrogé la société LogicaCMG sur ses rencontres avec certains de ses clients et fournisseurs, la nature de ses contacts avec eux, l'identité des transporteurs et les raisons des différences constatées entre les lieux de facturation et les lieux de livraison des marchandises vendues, ainsi que sur certaines modalités de paiement internationales des transactions intracommunautaires revendiquées ; que, dès lors que l'objet de ces interrogations n'était pas étranger à la recherche d'éventuels manquements aux règles de facturation, jusqu'à et y compris l'existence de factures fictives, l'administration ne peut être regardée comme ayant, en la circonstance, excédé les prérogatives qu'elle tenait du droit d'enquête institué à l'article L. 80 F précité ; que, dans ces conditions, la société CGI FRANCE n'est pas fondée à soutenir que le service aurait mis en oeuvre, dans l'exercice de ce droit, une vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 47, dès lors qu'il n'a pas contrôlé la sincérité des déclarations fiscales de la société LogicaCMG en les comparant avec ses écritures comptables ; que, de même, et a fortiori, la société CGI FRANCE n'est pas fondée à soutenir que le service aurait procédé, à compter du 13 septembre 2007, à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impositions, et pour la même période, dans des conditions non conformes à l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en notifiant les 24 décembre 2007 et 18 avril 2008 à la société LogicaCMG, les rectifications qu'elle se proposait d'apporter, selon la procédure contradictoire, aux bases de la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a suffisamment informé la société de la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis dans le cadre de la procédure d'assistance administrative auprès des autorités fiscales espagnole, belge britannique et luxembourgeoise, afin que la contribuable soit mise à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, la communication des documents contenant ces informations ; qu'en l'absence de toute demande en ce sens, que la société a eu la possibilité d'adresser en temps utile, le service des impôts n'était pas tenu de les lui communiquer de sa propre initiative ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait ; qu'en tout état de cause, la société CGI FRANCE n'est par ailleurs pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée 13 L-6-06 du 21 septembre 2006 dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité dont procèdent les impositions en litige, le vérificateur s'est rendu à trois reprises au moins dans les locaux de l'entreprise ; que si la société soutient qu'aucun débat oral et contradictoire n'a pu avoir lieu avec lui, elle n'établit pas, par cette seule allégation, que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues avec elle et qu'il l'aurait dès lors privée de la possibilité de nouer un débat oral et contradictoire ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R*. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
10. Considérant qu'il résulte de l'examen des propositions de rectification des 24 décembre 2007 et 18 avril 2008 qu'elles mentionnent l'article 262 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige et détaillent les conditions d'exonération des livraisons intracommunautaires qui y sont visées ; qu'elles précisent également, pour chaque société cliente, les motifs de leur défaillance, et pour chaque transaction, le type d'anomalies ayant conduit le vérificateur à remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération sur celles-ci après qu'il a estimé que la société LogicaCMG ne pouvait être regardée comme ayant ignoré ces anomalies ; que ces éléments étaient suffisants pour permettre à la société de présenter utilement ses observations, sans qu'elle puisse valablement opposer le fait que l'administration n'aurait pas fait une correcte application de la version en vigueur de l'article 262 ter, ne serait pas parvenue à démontrer l'existence d'un circuit de fraude et la défaillance de ses clients, la régularité de la motivation ne dépendant pas du bien-fondé des motifs ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société CGI FRANCE, les propositions de rectification en cause étaient suffisamment motivées, tant en droit qu'en fait ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que la société CGI FRANCE soutient que, faute d'avoir mis en place un dispositif de prévention et d'information suffisant contre le risque de fraude, à l'exemple du système de prévention et d'alerte britannique, les autorités fiscales françaises ont manqué à leurs obligations à l'égard des contribuables assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et méconnu, par voie de conséquence, le droit à une bonne administration garanti à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, entrée en vigueur le 1er décembre 2009 ;
12. Considérant que les stipulations de cet article, qui prévoient notamment que " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable (...) " et, en son paragraphe 2, que " (...) ce droit comporte notamment (...) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ne trouvent à s'appliquer qu'aux seules mesures individuelles prises par les institutions, organes et organismes de l'Union, et non par les Etats membres, même lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union européenne ; que, par suite, elles ne peuvent être utilement invoquées pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, étant observé que la société CGI FRANCE ne s'est pas prévalue du droit d'être entendu, en tant qu'il participe du principe général des droits de la défense reconnu par le droit de l'Union européenne ;
13. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; que si la société CGI FRANCE soutient que, en fondant exclusivement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux sur les éléments recueillis dans le cadre des procédures d'assistance administrative internationale, l'administration a méconnu les principes du contradictoire, de l'égalité des armes et de la présomption d'innocence garantis par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen ne peut être accueilli pour la partie du litige tranchant une contestation relative aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société et aux intérêts de retard dont ces droits ont été assortis, qui, dénués du caractère de sanction, n'impliquent donc pas de décider d'une contestation de caractère civil, ni du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de ces stipulations ; qu'il en va toutefois différemment des pénalités pour manquement délibéré dont ces rappels ont également été assortis ;
14. Considérant, enfin, que la société CGI FRANCE ne peut utilement invoquer, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le droit à un recours effectif ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aujourd'hui repris à l'article 138 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : " A. Exonération des livraisons de biens. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : a) les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) " ; que, si, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à cette taxe de l'acquéreur, doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataires présumés des personnes dépourvues d'activité réelle ; que le droit à exonération de cet assujetti ne peut toutefois être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;
16. Considérant que la société LogicaCMG a placé sous le régime d'exonération de l'article 262 ter l'intégralité des expéditions vers la Belgique, le Luxembourg et l'Italie de ses ventes de composants électroniques aux sociétés de droit espagnol Amankila, Green Mile, Ziroco Tech et Eddy Spring, et aux sociétés luxembourgeoise et britannique Saint-Charles Consulting et Kilmeston, au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; qu'ayant présenté une série de pièces justificatives de l'expédition de biens à destination d'autres Etats membres de l'Union européenne, telles que, notamment, des bons de commande, des factures, des bons de livraisons et des lettres de voiture internationale, ainsi que des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des acquéreurs désignés comme tels, la société LogicaCMG doit être présumée avoir effectué des livraisons intracommunautaires de composants électroniques exonérées de cette taxe ;
17. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les résultats des procédures d'assistance administrative internationale, initiées par le vérificateur auprès des pays de destination des livraisons de composants électroniques, ont fait état de ce que les sociétés clientes ou les lieux de livraison des marchandises, lorsqu'ils différaient du lieu du siège de celles-ci, étaient dépourvus de moyens humains et matériels permettant la réception et l'entreposage de ces biens, soit qu'ils correspondaient à des immeubles d'habitation, à des domiciles privés ou encore à des immeubles désaffectés depuis plusieurs mois, soit que l'objet social des sociétés était étranger à la revente de composants électroniques, tandis que le nom du destinataire final pouvait même être inconnu des services fiscaux, à l'instar de la société " Sunny Blue " ; que l'administration met également en évidence que bon nombre de copies de factures et de bons de livraison délivrés par les fournisseurs étaient sans cachet, ni signature ; que des factures émises par la société LogicaCMG à ses clients européens, de simples correspondances commerciales ou confirmations de règlements bancaires ne sauraient en outre justifier la réalité des livraisons intracommunautaires revendiquées, en 2004, au client Amankila, pour 33 760 672 euros de marchandises sur un volume global de transactions facturées s'élevant à 79 865 172 euros toutes taxes comprises, aux clients Kimelston, Ziroco Tech et Eddy Spring, pour l'intégralité des transactions facturées pour respectivement 520 758 euros, 292 667 euros et 192 813 euros toutes taxes comprises, en 2005, pour les prestations de ventes facturées à la société Ziroco Tech pour 1 347 738 euros, à la société Amankila pour les transactions facturées les 1er et 24 janvier 2005, et, enfin, en 2006, pour celles réputées livrées au client Saint-Charles Consulting pour une valeur de 31 649 918 euros ; que, si pour le solde des autres transactions, la société LogicaCMG a produit des bons de livraison et/ou des lettres de voiture internationale " CMR ", datés et signés, l'administration fait toutefois valoir que ces documents, entachés d'incohérences, n'étaient pas probants ; que, par exemple, bien que comportant les cachets et signatures de l'expéditeur, du transporteur et du destinataire final, les lettres " CMR " ne justifiaient pas la nature des biens transportés se bornant à mentionner des colis ou des cartons, sans autre référence que le poids, souvent en nombre égal alors que les quantités et les montants des marchandises pouvaient varier significativement ; que, de même, les mentions portées sur les bons de livraison signés étaient soit incomplètes, soit peu cohérentes, notamment quant aux poids des marchandises, une plus grande quantité de biens, similaires selon les factures, pouvant peser moins lourd qu'une quantité plus faible de ces mêmes biens ; que les adresses de livraison manquaient également de précision, voire étaient différentes de celles portées sur les bons de commandes ou les factures, sans que la société LogicaCMG n'avance d'explication plausible, ni n'établisse avoir complété ses informations pour s'assurer de la qualité et de la fiabilité de ses partenaires ;
18. Considérant que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et considérations, l'administration établit, comme il le lui incombe, que les expéditions intracommunautaires revendiquées par la société requérante, qui étaient nombreuses, répétées, et portaient sur des montants importants et en forte croissance, n'ont, dans leur ensemble, pas eu lieu ; que doivent en conséquence être regardés comme sans portée, d'abord l'argument de la société selon lequel l'administration n'a pas spécifiquement critiqué les transactions effectuées par la société LogicaCMG avec les clients Eddy Spring et Kilmeston dès lors qu'au vu des éléments réunis, elle démontre le défaut de substance réelle de l'ensemble des clients, du moins s'agissant du commerce déclaré, ensuite la circonstance que le vérificateur a relevé, de façon détaillée, l'absence de justification des expéditions effectuées au profit de la société Saint-Charles Consulting pour seulement 31 649 918 euros, alors que le rehaussement a porté sur une assiette supérieure de 31 933 668 euros toutes taxes comprises, soit la totalité des livraisons facturées, dans la mesure où cette société s'est révélée sans substance, enfin, le fait que le vérificateur n'a émis aucun grief à l'encontre du client Eddy Spring au titre de l'année 2005 dès lors que les rappels de taxe notifiés ont seulement porté sur l'année 2004, au titre de laquelle la proposition de rectification du 24 septembre 2007 indique que la société LogicaCMG ne produisait aucune pièce justificative du transport des marchandises facturées pour un montant global de 192 813 euros ;
19. Considérant toutefois, que, nonobstant le renversement, par l'administration, de la présomption favorable de livraisons intracommunautaires, la société CGI France ne saurait perdre son droit à déduction de la taxe que s'il peut être établi, au vu des éléments dont elle avait connaissance, qu'elle savait ou aurait dû savoir en effectuant les diligences nécessaires, que les livraisons en cause la conduisait à participer à une fraude fiscale, ainsi qu'il a été dit au point 15. ;
20. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société LogicaCMG, contrairement à ce qu'elle soutient, ne disposait que d'informations sommaires sur ses clients et fournisseurs, notamment leur qualité d'assujetti, sans qu'elle n'établisse avoir été dans l'impossibilité de procéder à des vérifications plus approfondies et systématiques ; qu'elle n'a en effet présenté que des informations imprécises ou ne couvrant pas la période des transactions litigieuses alors que l'activité de vente de composants électroniques, en forte croissance, avait fini par représenter 40 % de son chiffre d'affaires total au titre de l'année 2004, contre seulement 15 % l'année précédente ; que les ventes de composants électroniques étaient en outre réglées dès la commande, de surcroît passée par simple courriel sans que la société LogicaCMG ne s'interrogeât sur les motifs d'une telle pratique qui, si elle lui était très favorable, demeurait pour le moins inhabituelle, et dont il reste à démontrer qu'elle était conforme aux usages commerciaux de la profession de négoce de matériels informatiques ; que, de surcroît, la société ne disposait d'aucun renseignement sur les banques étrangères procédant aux règlements des ventes, alors même que la même banque étrangère pouvait intervenir au service tant de son fournisseur que de son client et qu'ainsi, une telle coïncidence n'aurait pas dû manquer d'alerter, en sa qualité d'intermédiaire, la société LogicaCMG ; que, de plus, la personne en charge du suivi de ces commandes a déclaré aux agents de l'administration lors de l'enquête effectuée dans les locaux de l'entreprise sur le fondement de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales qu'elle ne connaissait pas la nature exacte, ni l'origine et la destination des marchandises vendues, pas davantage la qualité de ses interlocuteurs étrangers avec lesquels il correspondait exclusivement par courrier électronique ; qu'enfin, la société LogicaCMG ne souscrivait aucune déclaration, pourtant obligatoire, d'échanges de biens en temps utile, au titre de transactions réalisées sur une courte durée avec le même client avant qu'un autre client lui soit substitué puis un autre ; qu'il résulte en effet de l'instruction que ces déclarations ont seulement été régularisées à compter du 21 décembre 2006, soit postérieurement au droit d'enquête ;
21. Considérant, à cet égard, que la circonstance que la France n'aurait pas mis en oeuvre un système de prévention suffisamment performant, sur le mode de celui mis en place par les autorités fiscales britanniques, susceptible d'alerter et d'informer les contribuables des risques de participation à un circuit de fraude, un tel fait, à le supposer avéré, ne pouvait dispenser la contribuable de compléter et de vérifier les informations par trop sommaires, parcellaires, incohérentes, voire suspectes, qui lui étaient adressées par ses clients et fournisseurs, et qui risquaient, en cas de contrôle, d'être regardées comme insuffisantes pour justifier de l'expédition effective des marchandises dans un autre Etat membre ; que cette obligation de justification, qui incombe au contribuable souhaitant bénéficier de l'exonération prévue à l'article 262 ter, laquelle est de droit pour autant qu'il justifie en remplir effectivement les conditions, ne saurait, en tant que telle, être transférée ou déléguée à l'Etat, une telle responsabilité ressortissant en propre à l'assujetti ; que cette obligation est compatible avec les objectifs européens, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, dont les modalités de mise en oeuvre relèvent des Etats membres ;
22. Considérant, par ailleurs, que l'administration n'a pas regardé les lettres de voiture " CMR " comme seul élément de preuve acceptable en contrariété avec sa propre doctrine, ni n'a incompétemment vérifié leur conformité à la convention de Genève relative aux règles du contrat de transport international de marchandises par route, mais a seulement estimé que l'ensemble des pièces qui lui étaient présentées - ou leur absence de production - ne constituait pas un faisceau d'indices probants et, par suite, ne justifiait pas de l'expédition effective des marchandises à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne ; que, par suite, doit être écarté comme manquant en fait, le moyen tiré de ce que l'administration aurait indûment refusé d'examiner les pièces qui n'avaient pas la nature de lettres CMR en méconnaissance de sa propre doctrine, référencée dans les documentations administratives de base 3-A-3 -97 du 8 avril 1997 et 3-A-32 du 20 octobre 1999 ; que, de même, l'administration ne saurait se voir opposer la documentation administrative de base référencée 3-A-7-07 du 30 novembre 2007, dans la mesure où, d'une part, elle ne comporte aucune liste limitative des indices susceptibles d'être retenus pour établir une présomption de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et où, d'autre part, et en tout état de cause, cette doctrine est postérieure aux années d'imposition en litige ;
23. Considérant que les diligences de vérification complémentaires, dont il pouvait être attendu, eu égard au contexte dans lequel sont intervenues les livraisons intracommunautaires litigieuses, qu'elles fussent mises en oeuvre par la société LogicaCMG, ne sont pas, en la circonstance, incompatibles avec le droit de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 21 juin 2012 Mahageben kft et Dávid (aff. 80/11 et 142/11) ; que, dans cet arrêt, la Cour de justice dit notamment pour droit que, si la détermination des mesures pouvant raisonnablement être exigées d'un assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour s'assurer que ses opérations ne sont pas impliquées dans une fraude dépend essentiellement de circonstances d'espèce, lorsqu'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'irrégularités ou de fraude, un opérateur avisé pourrait, selon ces circonstances, se voir obliger de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel, dans l'affaire à juger, il envisage d'acheter des biens ou des services afin de s'assurer de la fiabilité de celui-ci ; que ce n'est que lorsque l'administration fiscale exige, de manière générale, c'est-dire indépendamment de tout contexte particulier, une obligation de vérification systématique et approfondie de la fiabilité de son fournisseur par l'assujetti - mais il ne saurait en aller différemment d'un client avec lequel le contribuable envisage de commercer - que la Cour de justice estime qu'une telle obligation excède les diligences normales qui peuvent être attendues d'un opérateur économique ;
24. Considérant qu'eu égard aux circonstances particulières de l'espèce rappelées au point 20., l'administration a pu, à bon droit, sans méconnaître les principes de sécurité juridique et de proportionnalité ni, par voie de conséquence, s'enrichir indûment, remettre en cause le bénéfice de l'exonération que la société avait appliquée à l'ensemble de ses livraisons intracommunautaires dès lors qu'au vu des informations qui avaient été portées à sa connaissance par ses clients, et de son abstention déraisonnable à procéder aux vérifications d'usage que ces informations, à la fois imprécises, parcellaires ou contradictoires, auraient pourtant dû lui inspirer, la société LogicaCMG, si elle avait effectué ces diligences, aurait dû savoir que les expéditions intracommunautaires qu'elle facturait la conduisaient à participer à une fraude fiscale à la taxe sur la valeur ajoutée ;
25. Considérant, enfin, que, si les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoient notamment que : " Toute personne a droit au respect de ses biens et de jouir de leur propriété légalement acquise ", ces stipulations ne sauraient faire obstacle, par elles-mêmes, à la possibilité pour l'administration de contrôler la bonne application de la loi fiscale, et en particulier qu'une entreprise est en droit de bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de biens qu'elle soutient avoir expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre ; qu'à défaut que le contribuable ait accompli les diligences normales de nature à en justifier, le rappel, par l'administration, de la taxe indûment exonérée et, par suite, légalement due, ne peut, par hypothèse, être à l'origine d'aucune créance de ce contribuable sur l'Etat, constitutive d'un bien de ce dernier auquel il serait porté atteinte au sens et pour l'application des stipulations précitées ;
En ce qui concerne le rehaussement des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles assises sur cet impôt :
26. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) " ; que ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour
celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ;
27. Considérant qu'en faisant valoir, en premier lieu, que la société Logica CMG était sans intérêt, à compter du mois de novembre 2004, à abandonner à la société Logica UK, toutes deux détenues intégralement par la société de droit britannique LogicaCMG Plc, dont les liens de dépendance ne sont pas contestés, le tiers de sa marge, de 3 %, réalisée sur ses ventes, l'administration établit, comme il le lui incombe, l'existence d'une pratique laissant présumer que des bénéfices ont été transférés à l'étranger en la forme de renonciations anormales à recettes ; que, si, pour combattre cette présomption, la société CGI FRANCE soutient que les remises litigieuses rémunéraient la prise en charge, par la société soeur britannique, du coût de gestion des ventes et des opérations de recouvrement engagées auprès des clients finaux, elle n'assortit ses allégations d'aucun commencement de preuve susceptible d'étayer sa thèse ; qu'ainsi, faute que la société CGI FRANCE rapporte la preuve d'une contrepartie réelle à l'octroi de cet avantage qui aurait été dans l'intérêt de l'exploitation de la société LogicaCMG, l'administration a pu, à bon droit, réintégrer les montants de marge indûment abandonnés dans les résultats de cette dernière et les regarder comme constitutifs, à due proportion, de transferts de bénéfices à l'étranger, au sens et pour l'application de l'article 57 précité ;
28. Considérant que la société LogicaCMG a déduit en second lieu de ses résultats, la partie du coût de la police d'assurance " groupe " souscrite par la société LogicaCMG International Holding que celle-ci lui avait refacturée pour les montants de 322 653 euros en 2005 et 402 721 euros en 2006 ; qu'il n'est pas contesté que ces sociétés, intégralement et indirectement détenues par la société LogicaCMG Plc, entretiennent entre elles un lien de dépendance ; que si la société LogicaCMG a présenté au service les factures correspondantes, l'administration fait toutefois valoir, sans être sérieusement contredite sur ce point, que la société requérante n'a pas justifié la nature des risques couverts par cette police d'assurance et, en conséquence, l'intérêt qu'aurait eu la société LogicaCMG à en supporter une partie du coût ; qu'en outre, et en tout état de cause, dès lors que la preuve de l'expédition effective de composants électroniques en direction de la Belgique, de l'Italie et du Luxembourg doit être regardée, comme il a été dit ci-dessus, comme non apportée, l'exposition de frais d'assurance aux fins de couvrir le risque d'expédition de ces marchandises ne peut être tenue pour justifiée ; qu'ainsi, en l'absence de contrepartie réelle à l'engagement de ces dépenses, les charges d'assurance refacturées n'étaient pas déductibles des résultats de l'entreprise ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration les y a réintégrées et regardées comme constituant, à due proportion, des bénéfices transférés à l'étranger sur le fondement de l'article 57 précité ;
En ce qui concerne l'assujettissement à la retenue à la source des revenus distribués à l'étranger :
29. Considérant, en premier lieu, d'une part, que, selon l'article 111 du code général des impôts sont considérés comme revenus distribués : " (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; que les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'une rectification ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire ;
30. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 119 bis de ce code, dans sa version alors en vigueur : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) " ;
31. Considérant que les transferts de bénéfices à l'étranger visés à l'article 57 du code général des impôts doivent, en application des dispositions de l'article 111 du même code, être regardés comme des revenus distribués qui, dès lors que leur bénéficiaire a son siège hors de France, sont, en vertu des dispositions du 2 de l'article 119 bis de ce code, passibles de la retenue à la source au taux prévu au 1 de l'article 187 de ce code ;
32. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société LogicaCMG a renoncé de façon anormale à percevoir une partie des recettes issues de ses ventes et a exposé des dépenses d'assurances sans intérêt démontré pour l'exploitation ; que ces sommes, qui ont été appréhendées par les sociétés Logica UK et LogicaCMG International Holding, dont les sièges étaient situés hors de France, doivent dès lors être regardées comme ayant la nature de revenus distribués à l'étranger passibles de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en l'absence de revenus distribués, l'administration ne pouvait faire application de ces retenues sur le fondement des dispositions de droit interne précitées doit être écarté comme manquant en fait ;
33. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 9 de la convention signée le 22 mai 1968 entre la République française et le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 6. Les dividendes payés par une société qui est un résident de France à un résident du Royaume-Uni sont imposables au Royaume-Uni. Ces dividendes sont aussi imposables en France mais, lorsque le bénéficiaire effectif de ces dividendes est un résident du Royaume-Uni, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société qui contrôle la société qui paie ces dividendes (...) / Le terme " dividende" employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est un résident " ; qu'aux termes de l'article 22 de cette convention : " 1. Les éléments du revenu bénéficiant effectivement à un résident d'un Etat contractant, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente convention ne sont imposables que dans cet Etat " ;
34. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 9 de la convention fiscale franco-britannique que le dividende inclut les revenus regardés comme distribués par la législation fiscale française dont la société distributrice, LogicaCMG, est résidente ; que, par suite, la société CGI FRANCE n'est pas fondée à soutenir que l'article 22 de la convention fait obstacle à l'assujettissement des distributions en litige à la retenue à la source plafonnée à 5 % de leur montant par application du a) du paragraphe 6 de l'article 9 à la convention ;
En ce qui concerne l'assujettissement de ces distributions au prélèvement exceptionnel de 25 % au titre de l'année 2005 :
35. Considérant qu'aux termes de l'article 95 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003 visée ci-dessus : " I. - (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du même code, cette société est tenue d'acquitter un prélèvement égal à 25 % du montant net des produits distribués (...) IV. - La société mère d'un groupe fiscal au sens de l'article 223 A du code général des impôts est redevable du prélèvement prévu au présent article qui est dû par les sociétés du groupe (...)
IX. - Les dispositions mentionnées au présent article sont applicables aux distributions de bénéfices mises en paiement en 2005 " ;
36. Considérant que les sommes qualifiées de revenus distribués au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts constituent l'assiette du prélèvement exceptionnel de 25 % prévu par l'article 95 de la loi de finances pour 2004 du
30 décembre 2003 ; que, dans la mesure où il est constant que ces sommes n'ont pas été soumises à l'impôt sur les sociétés avant d'être distribuées, c'est à bon droit que l'administration fiscale les a assujetties à ce prélèvement ;
37. Considérant que la société CGI FRANCE soutient à titre subsidiaire que, dans le cas où la Cour estimerait ce prélèvement fondé, il conviendrait que l'administration le lui rembourse par tiers sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; que, toutefois, ces conclusions, qui sont présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ; qu'il y a par suite lieu de les rejeter pour ce motif ;
En ce qui concerne les suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle :
38. Considérant qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) " ; qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...) / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; et d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks en début de l'exercice. Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion " ;
39. Considérant que la circonstance que le calcul de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, au sens de l'article 1647 B sexies précité du code général des impôts, s'effectue par référence aux normes comptables en vigueur lors de l'année d'imposition concernée et aux éléments de la comptabilité de l'entreprise, ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés en tant que produits et charges d'exploitation, remettre en cause, le cas échéant, le bien-fondé d'une écriture comptable et, par voie de conséquence, exclure du calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise les sommes qui ne peuvent être regardées comme des consommations de biens et services, ou encore y inclure celles qui concourent à la production de l'exercice ;
40. Considérant que, après avoir remis en cause la comptabilisation, en charges d'exploitation, des frais d'assurance refacturés que la société LogicaCMG avait déduits de ses résultats, et regardé comme anormal l'abandon d'une partie de sa marge commerciale à la société britannique Logica UK, en se fondant sur leur absence de contrepartie, l'administration a qualifié les sommes en litige de libéralités distribuées à l'étranger ; qu'ainsi, les charges déduites à tort ne pouvaient être regardées comme des consommations de biens et de services en provenance de tiers, tandis que les produits indûment remisés avaient le caractère de recettes d'exploitation concourant à la production de l'exercice, au sens et pour l'application de l'article 1647 B sexies ; qu'il s'ensuit qu'en estimant que ces charges ne pouvaient venir en déduction du montant de la valeur ajoutée à prendre en compte pour le calcul des cotisations minimales de taxe professionnelle en litige, et que ces produits devaient y être incorporés, l'administration n'a pas fait, contrairement à ce que soutient la société requérante, une application erronée des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ;
Sur l'application de la pénalité pour manquement délibéré :
41. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : 40 % en cas de manquement délibéré ", et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L 80 D du LPF applicable aux sanctions mises en recouvrement à compter du 1er janvier 2001 : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ;
42. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " et qu'aux termes du paragraphe 3 du même article : " Tout accusé a droit notamment à : (...) c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (...) " ;
43. Considérant que l'amende fiscale prévue à l'article 1729 du code général des impôts est au nombre des sanctions administratives constituant des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et qu'il résulte des dispositions précitées de cet article et de l'article L 80 D du livre des procédures fiscales que l'administration doit faire connaître au redevable, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de la pénalité, les motifs de la sanction envisagée et la possibilité de présenter ses observations ;
44. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, dans les propositions de rectification des 24 décembre 2007 et 18 avril 2008, fait connaître à la société LogicaCMG sa volonté d'appliquer la pénalité pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux en précisant qu'eu égard à la part importante des livraisons intracommunautaires dans le chiffre d'affaires total, la société LogicaCMG ne pouvait ignorer les précautions à prendre, ce qui lui aurait permis d'appréhender, d'abord que ses clients ne détenaient pas les moyens d'exploitation nécessaires à l'exercice d'une activité d'achat revente de matériels informatiques faute d'existence réelle, ou du fait de l'exercice d'une activité dans un domaine autre que celui de ce négoce, ensuite que les modalités de transport ne permettaient pas à la société, au vu des documents fournis par eux, de s'assurer de la destination finale des marchandises et, enfin, que les règlements des transactions provenaient d'établissements financiers étrangers, sans lien apparent avec celles-ci ; qu'en outre, la réponse de l'administration du 17 juillet 2008 aux observations de la société LogicaCMG sur les propositions de rectification précédentes rappelle notamment que, en dépit du caractère contradictoire, voire sommaire ou inactuel des informations portées à la connaissance de la société par ses clients, celle-ci s'est abstenue de s'interroger sur les manquements ou contradictions des documents fournis et, a fortiori, a omis de demander leur mise à jour, ce qui lui aurait notamment permis de s'apercevoir que le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de ses clients était invalide ou n'avait pas été communiqué au titre des années vérifiées ; que l'administration y précisait également, entre autres, que la société LogicaCMG ne s'est pas davantage interrogée sur l'absence d'informations relatives aux établissements bancaires asiatiques procédant aux règlements, ni sur la coïncidence qu'une même banque puisse intervenir pour le compte de son fournisseur Emisfer et de son client Saint-Charles Consulting ; qu'il suit de là que les propositions de rectification et la réponse de l'administration aux observations de la société étaient suffisamment motivées sur l'application de la pénalité envisagée ; que, dès lors, la société CGI FRANCE n'est pas fondée à soutenir que la société LogicaCMG a été privée du droit de se défendre valablement, de la garantie d'équité énoncée par le c du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme ou encore que le principe de l'égalité des armes et de la présomption d'innocence également protégés à l'article 6 de cette convention ont, en la circonstance, été méconnus ;
45. Considérant, en second lieu, qu'en mentionnant, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'eu égard à l'importance de la part, dans le chiffre d'affaire total, prise par les livraisons intracommunautaires, la société LogicaCMG ne pouvait se dispenser de prendre les précautions qui lui auraient permis d'appréhender que ses clients ne disposaient pas des moyens nécessaires à l'exercice d'une activité de négoce de composants électroniques, et en indiquant d'autre part que, tant les modalités que les documents de transport ne rapportaient pas la preuve de la sortie effective du territoire français des marchandises vendues, l'administration établit la volonté délibérée de la contribuable d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;
46. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que la Société CGI FRANCE n'est pas fondée, d'une part, à demander la décharge du prélèvement exceptionnel de 25 % auquel la société LogicaCMG a été assujettie au titre de l'année 2005 et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1004410, 1004411 en date du 29 mars 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives aux cotisations de prélèvement exceptionnel auxquelles la société LogicaCMG a été soumise au titre de l'année 2005.
Article 2 : Les conclusions de la demande tendant à la décharge, au titre de l'année 2005, du prélèvement exceptionnel de 25 % présentée par la société Logica It Services France, ainsi que le surplus des conclusions de la requête de la société CGI FRANCE sont rejetés.
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N° 12VE02023