Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2012, présentée pour la COMMUNE D'ARGENTEUIL, par Me de Castelnau, avocat ;
La COMMUNE D'ARGENTEUIL demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1008981 du 22 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de la société B and B Le Royal et de MM. D...C...et A...B..., la décision du 22 décembre 2009 par laquelle son maire a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune à l'occasion de la vente des lots de copropriété nos 1, 3 et 101 de l'immeuble situé 6 boulevard Jean Allemane à Argenteuil, ensemble la décision du 9 septembre 2010 par laquelle son maire a rejeté le recours gracieux formé par la société B and B Le Royal et MM. C...et B...;
2° de rejeter la demande de la société B and B Le Royal et de
MM. D...C...et A...B...;
3° de mettre à la charge des défendeurs la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE D'ARGENTEUIL soutient que :
- la décision de préemption précise l'objet de la préemption et la nature du projet envisagé ;
- la commune justifie de la réalité du projet envisagé dans la décision de préemption ; l'antériorité du projet résulte des échanges avec le propriétaire voisin du bien préempté aux fins de réalisation d'habitations en accession sociale ; elle a également préempté les lots nos 4, 5 et 6 en janvier 2010, soit seulement quelques semaines après la décision attaquée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Frema, propriétaire à Argenteuil d'un bien immobilier situé 6 boulevard Jean Allemane, a promis la vente des lots de copropriété nos 1, à usage de local commercial, 3 et 101, à usage d'habitation, dudit immeuble à MM. D...C...et A...B..., par acte notarié en date du 29 juillet 2009, pour le prix de 212 000 euros ; qu'au vu de la déclaration d'intention d'aliéner reçue en mairie le
27 octobre 2009, le maire de la COMMUNE D'ARGENTEUIL a, par un arrêté en date du
22 décembre 2009, préempté ce bien au prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner ; que, par jugement en date du 22 mai 2012, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur la demande des acquéreurs évincés et du preneur à bail du local à usage commercial objet de la décision de préemption litigieuse, la société B et B Le Royal, a annulé cet arrêté, de même que la décision de rejet du recours gracieux formé par les intéressés, au motif qu'ils avaient été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, la COMMUNE D'ARGENTEUIL ne justifiant pas de l'existence d'un projet tendant à réaliser une opération d'habitat à la place de l'immeuble en litige ou que l'instauration du dispositif dénommé
" pass foncier " par la communauté d'agglomération d'Argenteuil-Bezons par délibération du
30 septembre 2009 se serait accompagnée d'une opération d'aménagement définie pour le secteur dans lequel se situe l'immeuble en cause à laquelle la préemption en litige serait venue participer ; que la COMMUNE D'ARGENTEUIL relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;
3. Considérant que la décision de préemption en litige, après avoir visé la délibération n° 2009-68 de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons portant institution du dispositif dénommé " pass foncier " sur le territoire intercommunal, précise, d'une part, que le " programme local de l'habitat en cours d'élaboration à l'échelle intercommunale réaffirme la nécessité de favoriser la mixité sociale et la diversification du parcours résidentiel ", d'autre part, que " dans le cadre de sa politique de l'habitat la communauté d'agglomération
Argenteuil-Bezons fait bénéficier ses habitants du " pass foncier ", aide à l'accession sociale et à l'accession à prix maîtrisé de logements neufs, notamment pour les ménages à revenus modestes " et, enfin, que " la ville envisage la réalisation d'un projet répondant à ces critères sur le bien objet de la préemption ", considération prise de la " situation des biens vendus, sur la porte de Sannois ", laquelle constitue " l'entrée du coeur de ville et un emplacement idéal pour l'implantation d'un tel projet " ;
4. Considérant que la commune soutient qu'elle justifiait, à la date à laquelle son maire a exercé le droit de préemption urbain sur le bien en litige, d'un projet de réalisation de logements en accession sociale ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a entrepris de contacter, par un courrier en date du 10 décembre 2009, le propriétaire du terrain sis à l'arrière de l'immeuble en litige, ledit courrier, qui se borne à faire état, de manière générale, de la " réflexion sur le devenir de la porte de Sannois et du début du boulevard Jean Allemane, aujourd'hui dans un état malheureusement peu satisfaisant " que la commune aurait décidé d'engager dans le cadre de sa " politique volontariste en matière de requalification et d'aménagement " et de son souhait de rencontrer " les propriétaires fonciers éventuellement concernés par ce projet ", ne suffit pas pour établir l'existence d'un projet répondant à l'objet désigné dans la décision de préemption à la date de celle-ci ; que la commune, qui ne justifie, comme l'ont relevé les premiers juges, d'une ébauche de plan d'aménagement du quartier qu'en août 2010, n'est pas davantage fondée à soutenir que le courriel du 18 décembre 2009 d'un chargé de mission de la ville sur l'opportunité d'un rendez-vous avec Nexity sur le dossier "angle Allemane-Gautherin", et le courriel daté du 22 décembre suivant, rédigé après que le maire ait pris la décision de préemption, explicitant le montage financier d'une opération de logements en accession englobant l'immeuble en litige, le terrain voisin, dont le propriétaire, rencontré ce
jour-là, aurait accepté la cession, et les lots de copropriété voisins ayant également fait l'objet du dépôt en décembre 2009 d'une déclaration d'intention d'aliéner, seraient de nature à établir l'existence d'un tel projet à la date de la décision attaquée, pas plus que la circonstance que, postérieurement à celle-ci, la commune aurait acquis lesdits lots ; que, par ailleurs, et ainsi que l'ont retenu à... ; que, dans ces conditions, la décision de préemption en litige doit être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'ARGENTEUIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour ce motif, la décision de préemption prise par son maire le
22 décembre 2009, ensemble le rejet du recours gracieux formé par les défendeurs ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société B and B Le Royal et de MM. D...C...etA..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la COMMUNE D'ARGENTEUIL demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE D'ARGENTEUIL le versement à la société B and B Le Royal et à MM. D...C...et A...B..., pris ensemble, de la somme de 2 000 euros qu'ils demandent sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE D'ARGENTEUIL est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE D'ARGENTEUIL versera à la société B and B Le Royal et à
MM. D...C...et A...B..., pris ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 12VE02801 2