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05/06/2014 | FRANCE | N°13VE02739

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 05 juin 2014, 13VE02739


Vu la décision n° 350517 en date du 1er août 2013 par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09VE04157 en date du 26 avril 2011 par lequel la Cour de céans a annulé le jugement n° 0803222 du 6 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant annulé la décision du ministre du travail du 18 février 2008 ayant autorisé le licenciement de M. C... et rejeté la demande de M. C...et, d'autre part, renvoyé le jugement de la requête, enregistrée le 22 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la sociét

é OCE-FRANCE, dont le siège est 32 avenue du Pavé Neuf à Noisy-le-Gr...

Vu la décision n° 350517 en date du 1er août 2013 par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09VE04157 en date du 26 avril 2011 par lequel la Cour de céans a annulé le jugement n° 0803222 du 6 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant annulé la décision du ministre du travail du 18 février 2008 ayant autorisé le licenciement de M. C... et rejeté la demande de M. C...et, d'autre part, renvoyé le jugement de la requête, enregistrée le 22 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société OCE-FRANCE, dont le siège est 32 avenue du Pavé Neuf à Noisy-le-Grand Cedex (93882), par la SCP Flichy, Grangé, avocats, à la Cour de céans ;

La société OCE-FRANCE demande à la Cour, par cette requête :

1° d'annuler le jugement n° 0803222 en date du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision en date du 18 février 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a autorisé le licenciement de M. C... ;

2° de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- M. C...a systématiquement majoré ses frais de déplacements professionnels en ajoutant la distance entre son domicile et son lieu de travail à celle comprise entre son domicile et ses clients y compris lorsqu'il se rendait directement de son domicile chez ses clients ; la fraude a porté sur plus de quinze mille kilomètres soit plus de 7 200 euros ; la fraude est matériellement établie et M. C...a lui-même reconnu les faits ;

- les faits n'étaient pas prescrits à la date à laquelle la procédure de licenciement a été engagée ;

- le licenciement est dépourvu de lien avec le mandat représentatif du personnel exercé par M.C... ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., de la Scp Flichy Grange avocats pour la société Canon France, et de MeA..., de la Scp Masse-Dessen-Thouven pour M.C... ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 2 juin 2014 présentée pour la société CANON FRANCE (anciennement OCE-FRANCE) par la SCP Flichy, Grangé, avocats ;

1. Considérant que la société CANON FRANCE (anciennement OCE-FRANCE) a sollicité de l'inspecteur du travail de la 10ème section de Montreuil, le 19 juillet 2007, l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M.C..., ingénieur-support et délégué syndical CFE-CGC ; que le silence gardé par l'inspecteur du travail ayant fait naître une décision implicite de rejet, la société CANON FRANCE a saisi le ministre chargé du travail d'un recours hiérarchique le 16 octobre 2007 à la suite duquel cette autorité administrative a, par une décision du 18 février 2008, annulé la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement pour faute de M.C... ; que, par un jugement en date du 6 octobre 2009, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision au motif que les faits reprochés à M. C...n'étaient pas matériellement établis ; que par un arrêt en date du 26 avril 2011 la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'autorisation de licenciement délivrée par le ministre chargé du travail ; que par une décision du 1er août 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à cette même Cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en retenant que les faits reprochés à M. C...n'étaient pas clairement établis par les pièces du dossier aux motifs que M. C...a contesté en avoir reconnu la matérialité lors de l'enquête menée par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et que les pièces sur lesquelles s'appuyait la société CANON FRANCE étaient insuffisamment probantes, ayant été établies par elle-même, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision et ont mis à même la société CANON FRANCE d'en contester le bien-fondé ;

Au fond et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les parties :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

4. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-4, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit procéder à une enquête contradictoire ; que le caractère contradictoire de cette enquête impose à l'autorité administrative que le salarié protégé puisse notamment être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; que pour l'application de cette règle, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'article R. 2422-1 du même code, doit, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, communiquer le recours au tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits, et recueillir ses observations ; que, si, en revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 cité, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire ; que, d'autre part, le caractère contradictoire de cette enquête implique que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle interne des notes de frais établies par M. C...à l'occasion de ses déplacements professionnels, la société CANON France, estimant que l'intéressé avait majoré le nombre de kilomètres parcourus avec son véhicule personnel sur la base duquel ses frais de déplacement lui étaient remboursés, lui causant ainsi un préjudice substantiel, a demandé à l'autorité administrative, le 19 juillet 2007, l'autorisation de licencier son salarié pour motif disciplinaire ;

6. Considérant que si la société CANON FRANCE soutient dans ses écritures qu'elle n'a, au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, produit aucune pièce à l'appui de sa demande, s'étant bornée à établir, dans sa demande d'autorisation de licenciement, un tableau récapitulant le nombre de kilomètres parcourus selon les déclarations du salarié et le nombre de kilomètres réellement parcourus résultant des données du site mappy, il ressort en revanche des pièces du dossier et n'est pas contesté que, pour établir la matérialité des faits reprochés à son salarié, elle a entrepris de communiquer au directeur départemental du travail, à l'appui de son recours hiérarchique, les notes de frais de M. C...et son agenda professionnel électronique ; que le ministre chargé du travail s'étant fondé sur ces pièces pour annuler la décision de l'inspecteur du travail et autoriser le licenciement de M. C..., l'intéressé est fondé à soutenir qu'il devait être mis à même d'en prendre connaissance au cours de l'instruction du recours hiérarchique ; que s'il ressort du rapport établi le 20 décembre 2007 par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Seine-Saint-Denis que M. C...a été " informé de ces éléments " à l'occasion d'un entretien du 20 novembre 2007 et qu'il a été invité à l'issue de cet entretien, en vain, à présenter des éléments pour sa défense, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... a été informé de son droit d'accès à ces éléments ; qu'il ressort en outre du témoignage de M. Haueissen, secrétaire de la Fédération de la métallurgie ayant assisté à cet entretien, dont le ministre ne contredit pas les dires sur ce point, que l'autorité administrative s'était engagée à communiquer à M. C...les documents transmis par l'employeur à l'appui de sa demande afin que l'intéressé puisse apporter des éléments de réponse au regard des faits qui lui étaient reprochés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces pièces auraient été communiquées au salarié ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, M. C...est fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même de prendre connaissance des pièces sur lesquelles son employeur s'est appuyé pour étayer les griefs qui ont fondé sa demande d'autorisation de licenciement et qu'il a communiquées à l'appui de celle-ci ; que ce manquement, qui a effectivement privé le salarié d'une garantie, est de nature à entacher la décision en litige d'une illégalité et à justifier son annulation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CANON FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision en date du 18 février 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a autorisé le licenciement de M. C... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CANON FRANCE, en faveur de M.C..., la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CANON FRANCE est rejetée.

Article 2 : La société CANON FRANCE versera la somme de 2 000 euros à M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13VE02739 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02739
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : SCP FLICHY GRANGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-06-05;13ve02739 ?
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