Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par Mlle Nadia A, demeurant ... ; Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802187 du 2 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'agrément en qualité d'agent de police municipale dont elle a fait l'objet de la part du procureur de la République du Tribunal de grande instance d'Evry et à l'annulation de la décision du maire de Vigneux-sur-Seine par laquelle ce dernier a mis fin à son stage et l'a radiée des effectifs de la commune ;
2°) d'annuler ladite décision du procureur de la République du Tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 décembre 2007 ;
3°) d'annuler ladite décision du maire de la commune de Vigneux-sur-Seine en date du 17 décembre 2007 ;
4°) d'enjoindre à la commune de Vigneux-sur-Seine de la réintégrer en qualité d'agent de police municipale stagiaire ;
5°) de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier ; qu'il est entaché d'irrégularités procédurales, d'erreurs matérielles, d'omissions, d'erreurs de fait et de droit ; qu'il est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation et de vices de forme ; que l'exemplaire du jugement qu'elle a reçu est non conforme dès lors qu'il n'est notamment pas signé par la présidente du tribunal ; que le jugement attaqué est partial ; que les conclusions du ministre de la justice n'étaient pas motivées ; que le refus d'agrément dont elle a fait l'objet n'a ni fondement moral, ni fondement légal et est dépourvu de motivation ; que le système de traitement des infractions constatées (STIC) a été modifié frauduleusement la concernant, alors que son comportement était irréprochable au moment des faits ; que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer relativement à certaines dispositions législatives et réglementaires exposées par elle ; que la notification dudit jugement l'a été par une greffière et non par le greffier en chef, en méconnaissance de l'article R. 751-2 du code de justice administrative ; qu'elle n'a pas été avisée de la tenue de l'audience ;
........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :
- le rapport de M. Luben, président assesseur,
- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
- et les observations de Me Pouliquen-Gourmelon, pour Mlle A ;
Et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 12 novembre 2012 pour la commune de Vigneux-sur-Seine ;
1. Considérant que Mlle A a été nommée en qualité d'agent de police municipale stagiaire pour une durée d'un an à compter du 1er juillet 2007 par arrêté du maire de Vigneux-sur-Seine en date du 22 juin 2007 ; que, par une décision du 10 décembre 2007, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry a refusé de lui délivrer l'agrément d'agent de police municipale ; que, par une lettre du 17 décembre 2007, le maire de Vigneux-sur-Seine a informé Mlle A qu'il serait mis fin à son stage et qu'elle serait radiée des effectifs de la commune à compter du 9 janvier 2008 ; que la requérante relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées ;
Sur la demande de récusation du président de la formation de jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 721-2 du code de justice administrative : " La partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de la récusation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 721-9 du même code : " Si le membre de la juridiction qui est récusé acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. / Dans le cas contraire, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande. Les parties ne sont averties de la date de l'audience à laquelle cette demande sera examinée que si la partie récusante a demandé avant la fixation du rôle à présenter des observations orales. / La juridiction statue sans la participation de celui de ses membres dont la récusation est demandée. La décision ne peut être contestée devant le juge d'appel ou de cassation qu'avec le jugement ou l'arrêt rendu ultérieurement. " ;
3. Considérant que la formation de jugement n'étant pas présidée par le président dont Mlle A demande la récusation, ses conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mlle A le 6 juillet 2010 ; que sa requête a été enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 2010 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'agrément du procureur de la République en date du 10 décembre 2007 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-49 du code des communes, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. / Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. / L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (...). " ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
8. Considérant que la décision du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 décembre 2007, portant refus d'agrément, se borne à indiquer que " Mlle A a fait l'objet le 28 février 2000 puis le 9 octobre 2003 d'un placement d'office dans un établissement psychiatrique en raison de son état de santé mental " ; que cette décision, qui ne vise ni ne rappelle les textes régissant la police municipale, omet également de préciser que c'est dans la mesure où l'état de santé de l'intéressée affecte le crédit et la confiance qu'elle doit inspirer, dans l'exercice des fonctions d'agent de police, que cet état fait obstacle à la délivrance de l'agrément sollicité ; qu'ainsi, n'ayant pas mis en mesure Mlle A de comprendre les principes juridiques et le cadre légal qui fondent la décision susvisée, celle-ci-+
-- doit être annulée comme ayant été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du maire de Vigneux-sur-Seine en date du 17 décembre 2007 :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 17 novembre 2006 susvisé : " Les candidats inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 3 et recrutés par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sont nommés gardiens de police municipale stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. Le stage commence par une période obligatoire de formation de six mois organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale et dont le contenu est fixé par décret. Seuls les stagiaires ayant obtenu l'agrément du procureur de la République et du préfet et ayant suivi la formation prévue à l'alinéa précédent peuvent exercer pendant leur stage les missions prévues à l'article 2. En cas de refus d'agrément en cours de stage, l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination est tenue de mettre fin immédiatement à celui-ci (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le maire de Vigneux-sur-Seine avait compétence liée, sur le fondement de la décision susmentionnée du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 décembre 2007, pour mettre fin au stage de Mlle A, comme il l'a fait par sa propre décision du 17 décembre 2007 ; que, comme il a été dit, le refus d'agrément étant entaché d'illégalité, la décision litigieuse du maire de Vigneux-sur-Seine en date du 17 décembre 2007 doit être annulée par voie de conséquence ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 2 juillet 2010, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté du maire de Juvisy-sur-Orge en date du 28 février 2000 hospitalisant Mlle A, de l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 9 octobre 2003 portant hospitalisation d'office d'un malade mental, ainsi que des arrêtés subséquents du même préfet portant maintien de l'hospitalisation initiale, que le placement d'office dans un établissement psychiatrique de Mlle A en raison de son état de santé mental le 28 février 2000 puis le 9 octobre 2003, mentionné par le refus d'agrément litigieux du procureur de la République d'Evry, est matériellement établi ; que cet état de santé, qui affecte le crédit et la confiance qu'elle doit inspirer, fait obstacle à ce qu'elle exerce les fonctions d'agent de police ; qu'ainsi, les circonstances de l'espèce étaient de nature à justifier légalement le rejet de la demande d'agrément en qualité d'agent de police municipale dont Mlle A a fait l'objet ; que la requérante ne saurait, dès lors, et nonobstant l'irrégularité de forme dont est entaché le refus d'agrément du 10 décembre 2007 et l'illégalité, par voie de conséquence, de la décision litigieuse du maire de Vigneux-sur-Seine en date du 17 décembre 2007, prétendre à l'octroi d'une indemnité en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle allègue avoir subi en raison de la fin prématurée de son stage en qualité d'agent de police municipale ; que ses conclusions à fin d'indemnisation doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le maire de la commune de Vigneux-sur-Seine saisisse à nouveau, en application des dispositions législatives susrappelées, le procureur de la République d'une demande d'agrément concernant Mlle A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que les autres conclusions à fin d'injonction de la requérante, sans lien avec le présent litige, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de la commune de Vigneux-sur-Seine tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants et diffamatoires de Mlle A :
14. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;
15. Considérant que les passages des mémoires de Mlle A dont la suppression est demandée par la commune de Vigneux-sur-Seine, pour regrettables que soient leur ton et leurs termes, ne présentent toutefois pas, en raison des circonstances particulières dans lesquelles ils ont été tenus, un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que les conclusions susvisées tendant à leur suppression doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que Mlle A a obtenu en appel le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Pouliquen-Gourmelon, conseil de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Pouliquen-Gourmelon de la somme de 2 000 euros ;
17. Considérant enfin, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Vigneux-sur-Seine sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 2 juillet 2010 est annulé, ensemble la décision du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry du 10 décembre 2007 et la décision du maire de Vigneux-sur-Seine du 17 décembre 2007 mettant fin au stage de Mlle A et la radiant des effectifs de la commune.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Vigneux-sur-Seine de saisir à nouveau le procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry d'une demande d'agrément concernant Mlle A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à Me Pouliquen-Gourmelon, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Vigneux-sur-Seine tendant à l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sont rejetées.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Vigneux-sur-Seine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Nadia A, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au maire de la commune de Vigneux-sur-Seine. Copie en sera adressée au procureur de la République du Tribunal de grande instance d'Evry.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2012, où siégeaient :
M. DEMOUVEAUX, président ;
M. LUBEN, président assesseur ;
M. DELAGE, premier conseiller ;
Lu en audience publique le 22 novembre 2012.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J.-P. DEMOUVEAUXLe greffier,
V. BRIDET
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
''
''
''
''
2
N° 10VE02956