Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société SAP FRANCE, anciennement dénommée société Business Objects, dont le siège est Tour Défense Plaza, la Défense 9, à Puteaux (92800), par Me Pierre et Me Juan, avocats à la Cour ; la société SAP FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0812504 en date du 30 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles assises sur cet impôt dont elle s'est acquittée, au titre des années 2001, 2002 et 2003, pour les sommes respectives de 175 166,61 euros, 159 357,34 euros et 464 197,06 euros ;
2°) de prononcer la restitution des sommes demandées assortie du versement des intérêts moratoires ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles indûment mises à sa charge au titre des années 2002 et 2003 pour la somme globale de 809 989 euros ;
4°) à titre subsidiaire, de prononcer la restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle assise sur cet impôt, à hauteur d'une somme globale de 274 999 euros au titre de l'année 2005, assortie des intérêts moratoires, à raison de la somme de 798 721 euros remboursée à sa filiale australienne au titre de la même année ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité faute que le tribunal ait statué sur l'ensemble des moyens présentés ; qu'elle démontre, à l'aide des documents communiqués par les autorités fiscales australiennes, que les pénalités d'un montant global de 798 721 euros mises à la charge de sa filiale australienne au titre de l'année 2005 en raison du défaut de paiement des retenues à la source dont elle était redevable sur les redevances qu'elle lui a versées au titre des années 2001, 2002 et 2003, ont elles-mêmes la nature de retenues à la source et que, dans ces conditions, elle a droit à un crédit d'impôt, de même montant, imputable sur l'impôt sur les sociétés dû en 2005 en application de l'article 23 de la convention fiscale franco-australienne ; que, par suite, en s'écartant des conclusions du rapporteur public, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; qu'en ce qui concerne sa demande subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a estimé que le reversement à sa filiale, en 2005, de l'intégralité de la pénalité dont elle s'était acquittée ne constituait pas une charge d'exploitation déductible de son bénéfice imposable au titre de ladite année ; qu'en effet, dès lors que le tribunal estimait que la somme de 798 721 euros n'avait pas la nature d'une retenue à la source, mais seulement la nature d'une pénalité, il devait admettre sa déduction en charge au titre des résultats de l'exercice au cours duquel la pénalité était née et avait été remboursée ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention signée à Canberra le 13 avril 1976 entre la France et l'Australie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, publiée par le décret n° 77-1325 du 16 novembre 1977, et modifiée par l'avenant, signé à Paris le 19 juin 1989, publié par le décret n° 90-862 du 21 septembre 1990 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;
Considérant qu'il appartient au juge administratif, agissant en vertu des pouvoirs d'instruction qui lui sont conférés en la matière par le code de justice administrative, d'assurer la communication des mémoires et autres pièces de la procédure dans le respect du principe du contradictoire ; que les dispositions précitées de l'article R. 611-1 exemptant de l'obligation de communication les répliques et autres pièces dépourvues d'élément nouveau, n'ont pour objet et ne peuvent avoir légalement pour effet de dispenser le juge de s'assurer par tous moyens du respect du principe général de procédure susénoncé ainsi que de celui des droits de la défense ; qu'il résulte de l'instruction que le contenu du mémoire en défense de l'administration, enregistré le 15 septembre 2010, était dépourvu d'élément nouveau et que sa non transmission à la société SAP FRANCE n'a pas eu pour conséquence, dans les circonstances de l'espèce, de porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle de première instance ; que, par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif ; que, par suite, le moyen tiré d'une telle irrégularité ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante soutient que le tribunal administratif n'aurait pas statué sur l'ensemble des moyens présentés, elle n'assortit pas ce moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la convention signée à Canberra le 13 avril 1976 entre la France et l'Australie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et dont un résident de l'autre Etat contractant est le bénéficiaire effectif, sont imposables dans le premier Etat mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. 100 du montant brut des redevances / (...) " et qu'aux termes de l'article 23, paragraphe 2, de cette convention, relatif à l'élimination des doubles impositions dans le cas de la France : " La double imposition est évitée de la manière suivante : (...) b) En ce qui concerne les revenus auxquels s'appliquent les articles 9, 10, 11, 15 ou 16, la France peut imposer ces revenus mais accorde à un résident de France qui reçoit ces revenus provenant d'Australie un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt perçu en Australie. Ce crédit d'impôt, qui ne peut excéder le montant perçu par la France sur ces revenus, est imputable sur un des impôts visés à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 1er, dans les bases d'imposition duquel les revenus en cause sont compris (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations, qui doivent être combinées, que si l'article 11 de la convention fiscale franco-australienne attribue à l'Australie le droit d'imposer les redevances perçues par une société résidente de France qui proviennent d'Australie, son article 23 prévoit, qu'en contrepartie du droit reconnu à la France d'intégrer le montant des revenus imposables en Australie, au nombre desquels figurent les redevances de l'article 11, la société résidente de France a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur les sociétés correspondant au montant de l'impôt perçu en Australie, dans la limite du montant perçu par la France sur ces revenus ; qu'il suit de là que l'article 23 précité de la convention subordonne le bénéfice de ce crédit d'impôt à l'imposition effective des redevances en Australie ; qu'il est constant que la société Business Objects Australia s'est abstenue d'opérer initialement les retenues à la source dont elle était redevable en Australie sur les redevances versées par elle à sa société mère française au titre des années 2001 à 2003 ;
Considérant, toutefois, que la société requérante fait valoir que la " pénalité " à laquelle sa filiale de droit australien, Business Objects Australia, a été assujettie en 2005 à raison du non paiement spontané de ces retenues à la source est assimilée, par la législation australienne, à une retenue à la source ; que, par suite, ce paiement lui ouvre droit au bénéfice du crédit d'impôt dans les conditions fixées par l'article 23 de la convention franco-australienne ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la convention fiscale franco-australienne : " Au sens de la présente convention, les expressions " impôt français " et " impôt australien " ne comprennent pas les pénalités ou intérêts appliqués en vertu de la législation de l'un ou l'autre Etat contractant régissant les impôts visés à l'article 1er " ; que l'expression " pénalités " mentionnée au paragraphe 2 de cet article n'est pas autrement définie par la convention et doit, dès lors, être interprétée, en ce qui concerne la pénalité appliquée par l'Etat australien pour défaut de paiement d'une retenue à la source sur les redevances versées à une société résidente de France, selon le principe énoncé au paragraphe 3 du même article, aux termes duquel : " Pour l'application des dispositions de la présente convention par un Etat contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts auxquels s'applique la présente convention en vertu de l'article 1er, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente " ; qu'en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, les pénalités auxquels fait référence l'article 2, paragraphe 2, de la convention fiscale franco-australienne sont celles déterminées selon les règles fixées par la législation fiscale australienne ;
Considérant qu'en vertu du " Tax Administration Act " de 1953 en vigueur en Australie, notamment ses sections 12-280, 16-30 et sa sous-section 18-35, les redevances versées à l'étranger par une personne résidente d'Australie donnent lieu au prélèvement de retenues à la source et leur défaut de paiement rend la personne résidente, redevable de ces retenues pour le compte du contribuable établi à l'étranger, passible d'une " pénalité " d'un montant égal aux retenues à la source demeurées impayées ; qu'il est constant que la société Business Objects Australia, qui ne s'est pas acquittée en temps utile des retenues à la source dont elle était redevable au titre des années 2001 à 2003 pour le compte de sa société mère, SAP FRANCE, a payé à la demande des autorités fiscales australiennes, en 2005, des " pénalités " d'un montant égal aux retenues dont elle avait omis de s'acquitter spontanément auprès des autorités fiscales australiennes ; que, toutefois, il ne résulte pas de la législation fiscale de ce dernier Etat que ces " pénalités " ont elles-mêmes la nature d'une retenue à la source susceptible d'ouvrir droit, pour chacune d'elles, à un crédit d'impôt au sens et pour l'application de l'article 23 de la convention franco-australienne, alors surtout que l'article 2, paragraphe 2, de cette convention exclut expressément de comprendre, dans l'impôt australien, les " pénalités " ; que, notamment, la double circonstance que le paiement des " pénalités " litigieuses libère leur débiteur du paiement des retenues à la source ou que les retenues à la source litigieuses, auxquelles se substituent les pénalités, ont été fixées, conformément à la convention fiscale franco-australienne, à 10 % des redevances versées à l'étranger, au lieu de 30 % prévu par la législation fiscale australienne, demeure sans incidence sur la nature et, donc, la qualification juridique de pénalité ;
Considérant, en outre, que la société SAP FRANCE ne peut utilement invoquer le bénéfice des termes du certificat de paiement en date du 6 juin 2005 et du courrier de l'administration fiscale australienne en date du 29 octobre 2009, ni mêmes des deux " instructions administratives " référencées PS LA 2077/22 " Practice Statement law organisation " et " ATO ID 2007/188 " du 1er octobre 2007 des autorités fiscales australiennes, dès lors que ces documents ne sauraient constituer une interprétation formelle de la loi fiscale australienne opposable à l'administration au sens de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, ceux-ci n'émanant pas des autorités fiscales françaises ; que, d'ailleurs, ces instructions administratives se bornent à constater que le paiement de l'amende fiscale, d'une part, libère le contribuable du paiement de la retenue à la source par l'extinction de sa dette dans le compte de retenue à la source ouvert à son nom dans les livres du Trésor australien et, d'autre part, ouvre seulement droit, pour les personnes non résidentes, à un crédit de même montant au profit du débiteur de la retenue à la source ; que, par suite, la société SAP FRANCE n'est pas fondée à soutenir que les " pénalités " payées en 2005 par sa filiale de droit australien au titre des retenues à la source dues au titre des années 2001 à 2003 lui donnaient droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2001 à 2003 pour la somme globale de 798 721 euros ou, en tout état de cause, à celui auquel elle a été assujettie en 2005 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; que la société SAP FRANCE demande, à titre subsidiaire, que la somme de 798 721 euros, correspondant au montant des pénalités litigieuses, remboursées à sa filiale en 2005, puisse être admise en déduction, en tant que charge, du bénéfice imposable de l'exercice au titre duquel elle a été exposée ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société SAP FRANCE aurait eu un intérêt commercial ou financier au versement de cette somme dont le paiement ne lui incombait pas directement ; que, notamment, il n'est pas soutenu que la société Business Objects Australia Limited aurait été gravement déficitaire ; que, à défaut de plus de précisions, cette dépense ne peut, dès lors, être regardée que comme ayant la nature d'un acte de gestion anormale ; que, par suite, la société SAP FRANCE n'est pas fondée à en demander la déduction de son bénéfice imposable au titre de l'année 2005 ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante présente également des conclusions tendant à la réduction, pour une somme globale de 809 989 euros, des cotisations à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003, elle ne les assortit d'aucun moyen, ni d'aucune précision susceptible de permettre au juge de l'impôt de se prononcer sur leur bien-fondé ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SAP FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté l'ensemble des conclusions de sa demande ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires, les conclusions de la société SAP FRANCE doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société SAP FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SAP FRANCE est rejetée.
''
''
''
''
2
N° 10VE04141