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04/11/2011 | FRANCE | N°11VE00298

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 novembre 2011, 11VE00298


Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Wawé Yolande A, demeurant chez Mlle B, ..., par Me Longy-Deguitre, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005874 en date du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2010 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le ter

ritoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ...

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Wawé Yolande A, demeurant chez Mlle B, ..., par Me Longy-Deguitre, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005874 en date du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2010 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ; qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France, elle ne pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière ; que, malade, elle suit un traitement médical qui ne lui est pas accessible en Côte d'Ivoire, notamment en raison de l'insuffisance de ses ressources et de la corruption du système de santé ivoirien qui sert prioritairement les malades solvables ; que le certificat du médecin de la polyclinique internationale de l'Indénié en Côte d'Ivoire atteste qu'elle ne peut être suivie dans ce pays ; que le certificat délivré le 18 mai 2010 par un médecin du centre hospitalier intercommunal de Créteil confirme que son défaut de prise en charge est susceptible d'entraîner pour sa santé des conséquences d'une exceptionnelle gravité, contrairement à ce que fait valoir le médecin inspecteur dans son avis non motivé ; qu'elle est titulaire d'un emploi de garde d'enfants ; qu'en prenant son arrêté, le préfet des Hauts-de-Seine a ainsi méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ; que, compte tenu des circonstances exceptionnelles qui ont actuellement cours en Côte d'Ivoire, elle ne pourrait pas se faire soigner en cas de retour dans son pays d'origine ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2011 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Longy-Deguitre, pour Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante ivoirienne, née le 19 décembre 1968, relève régulièrement appel du jugement du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2010 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 29 juin 2010, régulièrement publié le 30 juin 2010 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture des Hauts-de-Seine, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à M. Bruno Launay à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que la décision par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de délivrer à la requérante un titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui résultent de l'examen particulier de la situation individuelle de celle-ci ; que, par suite, elle est suffisamment motivée ; que l'obligation de quitter le territoire français dont cette décision est assortie n'a, en revanche, pas à être motivée en application des dispositions précitées du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. ; que selon l'article R. 313-22 du même code en vigueur à la date de la décision litigieuse : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. ; que l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. / Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l 'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent, mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que si Mme A soutient que la pathologie dont elle est atteinte ne peut faire l'objet d'un suivi médical approprié en Côte d'ivoire ; que, toutefois, les deux certificats médicaux délivrés, pour le premier, le 15 juillet 2005, par un médecin ivoirien et, pour le second, le 18 mai 2010, par un médecin du Centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui mentionnent que Mme A souffre d'une anémie sévère et qu'elle a été invitée par son médecin ivoirien, compte de tenu du contexte d'infertilité qui était le sien, à se rendre à l'étranger afin d'y pratiquer une fécondation in vivo, ne permettent pas à eux seuls, dans les termes où ils sont rédigés, d'infirmer l'avis par lequel le médecin inspecteur de santé publique a estimé, le 16 juin 2010, que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci n'est pas susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait, en outre, effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'à cet égard, le secret médical interdisait au médecin inspecteur de santé publique de révéler des informations sur les pathologies de l'intéressée et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; qu'enfin, la double circonstance que le préfet n'a pas communiqué un état de l'offre de soins en Côte d'Ivoire et n'a pas mis en rapport les moyens financiers dont disposait Mme A avec le coût du traitement médical qui lui serait nécessaire pour le traitement de son anémie est, en l'espèce, sans influence dès lors que l'intéressée ne communique aucune donnée tant sur la nature que sur le coût du traitement dont s'agit ; qu'il suit de là que Mme A n'est fondée à soutenir ni que l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine a été pris au terme d'un avis non motivé du médecin inspecteur, ni que cet arrêté a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est entrée en France en 2005, alors âgée de trente-sept ans ; que, célibataire et sans charge de famille en France, elle ne démontre pas être privée de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu la plus grande partie de son existence ; que si Mme A allègue occuper un emploi de garde d'enfant, outre qu'elle ne l'établit pas, cette circonstance n'est, en l'espèce, pas de nature à lui ouvrir un droit à la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, que le préfet n'a pas, au vu de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

Considérant, en sixième lieu, que le renvoi de Mme A dans son pays d'origine n'a pas pour conséquence de la soumettre à un traitement inhumain et dégradant contraire aux prescriptions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, l'intéressée pourra y être prise en charge et, par suite, avoir accès à un traitement médical approprié à son état de santé ;

Considérant, enfin, que si Mme A soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière sur le fondement du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de son entrée régulière sur le territoire français, un tel moyen doit être rejeté comme inopérant, en tout état de cause, dès lors que l'intéressée a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi sur le fondement du I de ce même article ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 11VE00298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00298
Date de la décision : 04/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : LONGY-DEGUITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-04;11ve00298 ?
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