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03/02/2011 | FRANCE | N°09VE01913

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 03 février 2011, 09VE01913


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société LEON GROSSE, dont le siège social est rue de l'Avenir à Aix-les-Bains (73106), par Me Neraudau ; la société LEON GROSSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702099 du 3 avril 2009 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Iosis Bâtiments, anciennement dénommée OTH Bâtiment, et la société Scau à verser au Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomérati

on Parisienne (SIAAP) la somme de 43 422 euros en réparation des dommages caus...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société LEON GROSSE, dont le siège social est rue de l'Avenir à Aix-les-Bains (73106), par Me Neraudau ; la société LEON GROSSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702099 du 3 avril 2009 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Iosis Bâtiments, anciennement dénommée OTH Bâtiment, et la société Scau à verser au Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne (SIAAP) la somme de 43 422 euros en réparation des dommages causés au pont aqueduc de Colombes, en tant qu'il a fixé à 70 % la part de la condamnation mise définitivement à sa charge en réparation de ces dommages et en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à être indemnisée par le SIAPP des frais exposés par l'arrêt du chantier ;

2°) de rejeter la demande présentée à son encontre par le SIAPP ou, à défaut, de ramener à de plus juste proportions sa part de responsabilité et de condamner les sociétés Antea, EPDC ainsi que le cabinet Le Five, le cabinet Scau, le bureau d'études Iosis Bâtiments et le SIAAP à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de condamner le SIAAP, à titre principal, à lui verser la somme de 260 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés durant l'arrêt du chantier, à titre subsidiaire, à lui verser cette somme en déduisant la quote-part de la faute éventuellement retenue à son encontre, plus subsidiairement, à lui payer le pourcentage de la somme de 260 000 euros en proportion de la faute qu'il a commise ;

4°) de mettre à la charge du SIAAP, du cabinet Scau, de la société Iosis Bâtiments, du cabinet Le Five, de la société Antea et de la société EPDC la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société LEON GROSSE soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a mis à sa charge une part prépondérante dans la survenances des dommages et qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Antéa qui a effectué l'étude géotechnique du pont aqueduc ni celle de la société EPDC chargée d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage ; que le SIAPP doit voir sa responsabilité engagée compte tenu de son rôle prépondérant dans la phase diagnostic ; qu'elle a pris les précautions nécessaires au regard des renseignements qui lui avaient été communiqués en mettant en place une banquette de terre puis un blindage bois ; que le cabinet Scau doit répondre de son sous-traitant le cabinet Le Five ; qu'elle a engagé des frais liés au coût de l'arrêt du chantier que le SIAPP n'a jamais contestés ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Courault, premier conseiller,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de Me Patrimonio pour le SIAPP, de Me Attia substituant Me Chétivaux pour la société EPDC, Me Le Febvre pour la société Iosis Bâtiments ;

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 27 janvier 2011, présentée pour le SIAPP ;

Considérant qu'à la suite de dommages occasionnés à la rampe d'accès au pont aqueduc de la ville de Colombes par les travaux de construction d'un parking souterrain inclus dans les travaux de réhabilitation de bâtiments industriels sis sur le terrain de l'usine de traitement des eaux de Colombes, le SIAPP a, en sa qualité de maître de l'ouvrage, recherché la responsabilité contractuelle des sociétés Antéa, en charge d'une mission de reconnaissance géotechnique, EPDC, en charge d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage, Scau et OTH Bâtiment, maîtres d'oeuvre, Le Five, sous-traitant du maître d'oeuvre, LEON GROSSE, entreprise générale, pour obtenir réparation des frais engagés par lui à l'occasion du confortement du pont ; que, par un jugement du 3 avril 2009, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, condamné conjointement et solidairement la société LEON GROSSE, la société Scau et la société OTH Bâtiments à verser au SIAPP la somme de 43 422 euros avec intérêts à compter du 2 février 2007, au titre des travaux de réfection de la rampe d'accès du pont, outre la somme de 34 117,87 euros en remboursement des frais d'expertise, d'autre part a condamné la société LEON GROSSE à garantir la société Scau et la société OTH Bâtiments de 70 % des condamnations prononcées à leur encontre ; que la société LEON GROSSE, par la voie de l'appel principal, ainsi que les sociétés Scau et Iosis Bâtiments anciennement dénommée OTH Bâtiments, demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en ce qui les concerne et la condamnation des autres participants à l'opération de construction à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ; que les sociétés EPDC et Antéa, mises hors de cause en première instance, concluent au rejet des appels en garantie formé à leur encontre ; que le SIAPP demande à titre incident que le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges soit porté à la somme de 544 505 euros et que la condamnation solidaire prononcée par le tribunal soit étendue aux sociétés Le Five et EPDC ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des experts en date du 31 mars 2004, qu'en vue de la construction d'un parking souterrain, l'entreprise LEON GROSSE a exécuté, du 12 novembre 2002 au 3 décembre 2002, d'importants travaux de terrassement attenants à la rampe du pont aqueduc de Colombes datant de 1895 ; que, lors du constat, le 19 novembre 2002, de l'affaissement des terres sous les voûtes de la rampe du pont, la banquette provisoire en terre de 2 m sur 2 m, laissée de long de l'ouvrage pour assurer la stabilité des terres, a été enlevée pour être remplacée par un blindage en bois ; que, lors de l'apparition, le 13 décembre 2002, d'une fissure transversale sur la chaussée du pont, l'entreprise LEON GROSSE a entrepris des travaux de confortement d'urgence afin de remédier à l'instabilité de l'ouvrage provoquée par les travaux d'excavation ; qu'enfin, au mois de mai 2003, les 17 tirants du pont devenus hors d'usage ont été remplacés par 17 tirants neufs qui ont assuré la stabilité du pont ;

Considérant que si la déstabilisation de la rampe du pont provoquée par les travaux de terrassement a été aggravée par la rupture des tirants dont la présence a été révélée en cours de chantier, il ressort toutefois du rapport des experts que les constructeurs avaient connaissance de l'incertitude de la structure de l'ouvrage, dont les plans avaient été perdus, et de ce que l'ouvrage reposait sur des remblais très hétérogènes et un sol non autoportant ; que, par suite, il appartenait aux constructeurs qui, ainsi que le relèvent les experts, avaient toute connaissance des risques qu'ils prenaient en réalisant d'importants travaux d'excavation tout au long de cette rampe , de prendre les précautions nécessaires pour éviter toute décompression du sol sous-jacent à cet ouvrage avoisinant ;

Considérant que, d'une part, la société Antéa était en charge de la campagne de reconnaissance géologique et géotechnique du site ; que son rapport rendu en décembre 2000, qui met en évidence le caractère discontinu des fondations de la rampe du pont et l'existence de remblais très hétérogènes pouvant engendrer des tassements différentiels, attire l'attention des constructeurs sur la nécessité d'un soutènement empêchant tout mouvement pouvant nuire à la stabilité de l'ouvrage ; que, d'autre part, la mission d'assistance à la maitrise d'ouvrage confiée à la société EPDC portait sur l'assistance à l'organisation de la gestion administrative, technique, financière et comptable du marché ; que, si elle avait à ce titre le suivi du planning et l'adéquation programme-projet, il ne lui appartenait pas de se substituer à la maîtrise d'oeuvre dans l'exécution des études préalables et la conduite du chantier ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif les a mises hors de cause ;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que le SIAPP qui, en qualité d'affectataire du pont aqueduc, en assurait l'entretien, ne pouvait ignorer l'état de cet ouvrage ancien, non conçu pour une circulation intensive, qui présentait des fissures et était déformé dans sa partie haute ; que, compte tenu des conclusions de l'étude géotechnique réalisée par la société Antéa, il aurait dû, préalablement à la réalisation des travaux, faire procéder à un diagnostic de cet ouvrage ancien et mal entretenu ; que, par suite, le Tribunal administratif de Versailles a fait une juste appréciation de la responsabilité du SIAPP en laissant à sa charge un quart des conséquences dommageables du sinistre ;

Considérant que l'article 104.1 du cahier des clauses techniques particulières relatif au lot gros oeuvre dont la société LEON GROSSE avait la charge imposait à celle-ci de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter que les travaux n'affectent les ouvrages voisins ; qu'eu égard aux éléments en sa possession, l'entreprise LEON GROSSE a commis une erreur d'appréciation en estimant que la structure de la rampe du pont était suffisamment stable en phase provisoire pour permettre le terrassement du sous-sol au droit de ce mur et en adoptant une méthodologie inappropriée, consistant en la mise en place d'une banquette de terre, alors que, selon les experts, la fouille aurait dû être blindée au fur et à mesure des travaux d'excavation ; que les experts relèvent également que la vulnérabilité de l'ouvrage avoisinant et les résultats de l'étude géotechnique auraient dû conduire le groupement de maîtrise d'oeuvre à faire réaliser des études complémentaires sur la structure de la rampe avant la réalisation des travaux ; qu'enfin, en laissant l'entrepreneur intervenir selon une méthodologie inappropriée sans exiger de lui les mesures de protection nécessaires, le groupement de maîtrise d'oeuvre a manqué de vigilance au cours de la réalisation des travaux ; que, par suite, la société LEON GROSSE et, par la voie de l'appel incident, les sociétés Scau et OTH Bâtiments ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que les désordres du pont aqueduc engageaient leur responsabilité contractuelle vis-à-vis du maître d'ouvrage ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles : (...) Les cotraitants sont solidaires lorsque chacun d'eux est engagé pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires (...) ; les cotraitants sont conjoints lorsque chacun d'eux n'est engagé que pour la partie du marché qu'il exécute (...) ; que l'acte d'engagement conclu entre la société Scau et la société OTH Bâtiments, d'une part, et le SIAPP, d'autre part, engage la société Scau et la société OTH Bâtiments dans les mêmes conditions dès lors qu'il ne distingue pas la part respective de chacun des membres du groupement dans l'exécution de ses missions contractuelles ; que c'est par suite à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que la société Scau et la société OTH Bâtiments devaient répondre, conjointement et solidairement, des manquements à leurs obligations contractuelles ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 50-22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, auquel renvoie le cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à la dite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ; que le SIAPP soutient sans être contesté que les conclusions de la société LEON GROSSE tendant à être indemnisée des préjudices résultant pour elle de l'arrêt du chantier entre le 7 avril et le 6 mai 2003 n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable, en méconnaissance de la procédure contractuellement prévue par les dispositions précitées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables ;

Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions incidentes du SIAPP tendant à la majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges doivent être rejetées ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que, compte tenu, d'une part, du savoir faire de l'entreprise LEON GROSSE et de l'imprudence commise par elle en proposant à la maîtrise d'oeuvre une méthodologie de terrassement inappropriée, d'autre part, de la sous-estimation de l'état de l'ouvrage avoisinant par la maîtrise d'oeuvre et de ce que celle-ci s'est bornée à émettre des réserves sur la méthodologie proposée par l'entreprise, les premiers juges n'ont pas fait appréciation erronée des fautes commises par ces constructeurs en condamnant l'entreprise LEON GROSSE et les sociétés Scau et OTH Bâtiments à se garantir à hauteur de 70 % et de 30 % des condamnations prononcées contre elles ;

Considérant que si la société LEON GROSSE demande à être garantie par la société Le Five elle ne fournit aucune précision de nature à permettre d'apprécier le bien-fondé de ses conclusions ; que, par suite, ses conclusions doivent être rejetées ;

Sur les appels provoqués du SIAPP, de la société Scau,de la société Iosis Bâtiments, de la société Antéa, de la société EPDC et de la société Qualiconsult :

Considérant que le présent arrêt n'aggrave pas la situation du SIAPP et des sociétés concernées ; que, dès lors, les conclusions d'appel provoqué sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société LEON GROSSE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne, de la société Scau, de la société Iosis Bâtiments, de la société Antéa, de la société EPDC et de la société Qualiconsult sont rejetées.

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N° 09VE01913 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01913
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: Mme Christine COURAULT
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SELARL RODAS-DEL RIO-NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-02-03;09ve01913 ?
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