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17/12/2010 | FRANCE | N°09VE02257

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 décembre 2010, 09VE02257


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Liviana A demeurant ..., par Me Trennec ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502990 du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement rejeté sa demande du 28 janvier 2005 tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices subis d

u fait de l'impossibilité d'être titularisée dans le corps des personnels d...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Liviana A demeurant ..., par Me Trennec ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502990 du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement rejeté sa demande du 28 janvier 2005 tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'impossibilité d'être titularisée dans le corps des personnels de laboratoire des établissements d'enseignement de l'éducation nationale avant le 1er janvier 2003 faute de dispositions réglementaires prises dans un délai raisonnable ;

2°) de lui accorder l'indemnité demandée augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c'est à tort que, pour rejeter sa demande indemnitaire, le tribunal a considéré qu'elle n'avait présenté sa candidature à un concours d'aide de laboratoire ni avant ni après l'adoption du décret du 27 mai 1998 permettant aux personnels de laboratoire de bénéficier des dispositions de la loi du 26 juillet 1991 ouvrant l'accès à la fonction publique aux ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France ; que le retard fautif de sept ans de l'Etat à prendre ces mesures réglementaires l'a privée de la possibilité d'être titularisée dès 1994 ; qu'elle a ainsi subi un préjudice dans le déroulement de sa carrière ainsi qu'un préjudice matériel ; que cette situation a entraîné des troubles de toutes natures dans ses conditions d'existence ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat et notamment, à l'accès des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne aux corps, cadres d'emplois de la fonction publique ;

Vu le décret n° 98-428 du 27 mai 1998 modifiant le décret n° 92-1246 du 30 novembre 1992 modifié ouvrant aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France l'accès à certains corps de fonctionnaires de l'éducation nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2010 :

- le rapport de Mme Garrec, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : Article 2. - Il est inséré après l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 [portant droits et obligations des fonctionnaires] un article 5 bis ainsi rédigé : Article 5 bis. - Les ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France ont accès, dans les conditions prévues au statu général, aux corps, cadres d'emplois et emplois dont les attributions soit sont séparables de l'exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques ; qu'en vertu du dernier alinéa de cet article, les conditions d'application de cet article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 98-428 du 27 mai 1998 modifiant le décret n° 92-1246 du 30 novembre 1992 modifié ouvrant aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France l'accès à certains corps de fonctionnaires de l'éducation nationale : L'annexe du décret du 30 novembre 1992 susvisé est complété comme suit : (...) personnels de laboratoire (...) Aide de laboratoire des établissements d'enseignement ;

Considérant que Mme A, ressortissante italienne, employée depuis 1980 par le ministre de l'éducation nationale en qualité d'agent contractuel pour exercer les fonctions d'aide de laboratoire dans un établissement d'enseignement secondaire, a demandé réparation du préjudice subi en raison du retard fautif pris par l'administration pour compléter le décret du 30 novembre 1992, par un décret du 27 mars 1998 ouvrant l'accès au corps des techniciens de laboratoire, par voie de concours, aux ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France ; que, par jugement du 7 mai 2009, dont Mme A relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'indemnisation au motif que le retard mis par l'Etat à prendre le décret susmentionné ne l'avait pas privée d'une chance sérieuse de titularisation dans ce corps ;

Considérant que ce n'est que par un décret du 27 mars 1998, complétant le décret du 30 novembre 1992 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1991, qu'a été ouvert aux agents non titulaires des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France l'accès, par voie de concours, au corps des techniciens de laboratoire ; que la titularisation des personnes intéressées étant subordonnée à la réussite au concours ouvrant l'accès à ce corps, Mme A est fondée à soutenir que le retard ainsi pris par l'administration pour compléter l'annexe du décret du 30 novembre 1992 était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, alors surtout que dès l'année 1994, elle avait atteint la limite d'âge de quarante-cinq ans pour pouvoir se présenter à un concours externe de la fonction publique et que l'administration n'établit ni même n'allègue, par ailleurs, qu'un concours à titre interne dans le corps des techniciens de laboratoire aurait été ouvert à l'intéressée après la publication du décret du 27 mars 1998 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le proviseur du lycée Jean Renoir de Bondy (93143) a attiré, par lettre du 16 mars 1993, l'attention du recteur de l'académie de Créteil sur la situation de Mme A en indiquant que, compte tenu des compétences reconnues de l'intéressée, il serait souhaitable qu'elle puisse passer le concours d'aide de laboratoire dès la parution des textes réglementant dans ce domaine l'accès des ressortissants européens non français à la fonction publique ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la requérante, dont les évaluations professionnelles sont excellentes, a été titularisée en 2003 à la suite d'un examen professionnel d'aide de laboratoire des établissements scolaires organisé dans le cadre de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, auquel elle a été admise au 1er rang de la liste principale avec la note de 18 sur 20 ; qu'ainsi, eu égard à ses capacités professionnelles, le retard fautif de l'administration a privé Mme A d'une chance sérieuse d'être titularisée, en 1994, après une année de stage, dans l'hypothèse où un concours d'aide de laboratoire aurait été ouvert en 1993, et lui a ainsi causé un préjudice de nature à lui ouvrir droit à réparation ; que, compte tenu, d'une part, de la différence entre les rémunérations effectivement perçues par la requérante à compter du 1er janvier 2003, date de sa titularisation effective dans le cadre de la résorption de l'emploi précaire, et celles qui lui auraient été versées en cas d'accès de l'intéressée au 1er janvier 1994 au corps des personnels de laboratoire des établissements d'enseignement et, d'autre part, de la chance perdue dans son déroulement de carrière entre ces deux dates, ainsi que d'un futur manque à gagner sur sa pension de retraite et, enfin, des troubles en résultant affectant ses conditions d'existence, il sera fait une juste appréciation de ces différents préjudices en les évaluant à la somme de 12 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement rejeté sa demande du 28 janvier 2005 tendant au versement d'une indemnisation en réparation des préjudices subis du fait de l'impossibilité d'être titularisée dans le corps des personnels de laboratoire des établissements d'enseignement de l'éducation nationale, ensemble à l'indemnisation de ce préjudice ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le paiement à Mme A d'une somme de 2 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 mai 2009 est annulé, ensemble la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant la demande d'indemnisation de Mme A en date du 28 janvier 2005.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A une indemnité de 12 000 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 2 000 euros application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

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N° 09VE02257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02257
Date de la décision : 17/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: Mme Sylvie GARREC
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : SCP ARENTS TRENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-12-17;09ve02257 ?
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