La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2010 | FRANCE | N°09VE03499

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 28 septembre 2010, 09VE03499


Vu l'ordonnance en date du 25 septembre 2009, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 octobre 2009, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application des articles R. 351-3 et R. 221-7 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour :

Mme Jeannine A, demeurant ... ;

Mme Francine A, demeurant ... ;

Mme Annie C, demeurant ... ;

M. Jean-Paul A, demeurant ... ;

Mme Claudine D, demeurant ... ; par la SELARL Coubris, C

ourtois et associés, avocat au barreau de Bordeaux ;

Vu ladite requête, enregistré...

Vu l'ordonnance en date du 25 septembre 2009, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 octobre 2009, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application des articles R. 351-3 et R. 221-7 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour :

Mme Jeannine A, demeurant ... ;

Mme Francine A, demeurant ... ;

Mme Annie C, demeurant ... ;

M. Jean-Paul A, demeurant ... ;

Mme Claudine D, demeurant ... ; par la SELARL Coubris, Courtois et associés, avocat au barreau de Bordeaux ;

Vu ladite requête, enregistrée le 18 septembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle Mme Jeannine A, Mme Francine A, Mme Annie C, M. Jean-Paul A et Mme Claudine D demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0711963 du 15 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences dommageables résultant de la contamination de Mme Jeannine A par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à verser :

- à Mme Jeannine A la somme de 170 000 euros majorée des intérêts au taux légal ;

- à Mme Francine A, à Mme Annie C, à M. Jean-Paul A et à Mme Claudine D la somme de 18 000 euros chacun, majorée des intérêts au taux légal ;

3°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les CONSORTS A soutiennent que Mme Jeannine A souffre d'une hépatite C, diagnostiquée en 1996 ; que, selon l'enquête transfusionnelle, six produits sanguins ont été administrés à Mme Jeannine A en 1983 ; que, sur les six culots globulaires, quatre d'entre eux seulement ont pu être innocentés ; qu'à l'époque, 40 % des contaminations étaient d'origine transfusionnelle ; que si, à la suite d'une intervention chirurgicale sur des varices pratiquée en 1973, il n'est pas contesté que Mme Jeannine A a été victime d'un ictère, l'expert n'a pas conclu qu'il s'agissait d'une hépatite C ; que le tribunal administratif ne pouvait déduire qu'elle a été contaminée à cette occasion, alors que le dossier médical relatif à cette intervention a été détruit et n'a donc pu être consulté à cette occasion ; que de nombreux porteurs d'hépatite C n'ont jamais présenté d'ictère ; que, dès lors que sur les six culots globulaires deux donneurs n'ont pu être retrouvés, il existe un doute très important qui doit profiter à la victime ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu la responsabilité de l'Etablissement français du sang en l'espèce ; que le déficit fonctionnel temporaire, d'une durée de deux jours, doit être réparé par une somme de 40 euros ; que les souffrances endurées ayant été évaluées à 3 par l'expert, Mme Jeannine A peut prétendre à une indemnité de 7 000 euros ; que l'expert a retenu un taux d'incapacité permanente partielle se situant entre 5 et 10 %, ce qui est très faible au regard des séquelles dont elle reste atteinte ; qu'elle est donc fondée à demander une somme de 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'elle subit un préjudice d'agrément qui doit être indemnisé à concurrence de 5 000 euros ; qu'enfin, au titre du préjudice spécifique de contamination, Mme Jeannine A, qui vit dans la crainte d'une aggravation de son état et souffre de dépression, doit se voir accorder la somme de 150 000 euros ; qu'une indemnité de 18 000 euros doit être allouée à chacun de ses quatre enfants, en réparation du préjudice moral subi ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Gonzalez, pour l'Etablissement français du sang ;

Considérant que Mme Jeannine A a demandé réparation, devant les premiers juges, des préjudices que lui a causés sa contamination par le virus de l'hépatite C, imputée à des transfusions de produits sanguins qui lui ont été administrés en 1983 ; que ses quatre enfants ont également sollicité l'indemnisation du préjudice qu'ils ont eux-mêmes subi, du fait de la contamination dont a été victime leur mère ; qu'ils font appel du jugement du 15 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;

Sur la personne publique responsable :

Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a introduit, dans le code de la santé publique, l'article L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'Etablissement français du sang, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite C que le conseil d'orientation commun aux trois procédures de règlement amiable dont l'ONIAM a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est intervenue à la date d'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'Etat d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et du décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; que les décrets susvisés n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ont été publiés au Journal officiel le 12 mars 2010 ; qu'aux termes de l'article 8 du premier de ces deux décrets : les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010 ; que les membres du conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été nommés par arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010, publié au Journal officiel le 18 mars 2010 ; qu'en vertu de ces diverses dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se trouve substitué à l'Etablissement français du sang à compter du 1er juin 2010 ; que l'Etablissement français du sang doit donc être mis hors de cause ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Jeannine A, alors âgée de cinquante-quatre ans, a reçu en 1983 des transfusions de produits sanguins au cours d'interventions chirurgicales réalisées au centre hospitalier d'Arpajon, où elle avait été admise en raison d'une fracture du péroné gauche ; que le diagnostic d'une hépatite C a été établi en 1996 ; que l'enquête transfusionnelle à laquelle il a été procédé pendant les opérations d'expertise a permis de mettre hors de cause les donneurs de sang à l'origine de quatre concentrés globulaires, sur les six qui ont été administrés à Mme A ; que le risque de transmission du virus de l'hépatite C par les deux donneurs qui n'ont pu être identifiés au cours de l'enquête transfusionnelle est statistiquement très faible, selon les indications chiffrées données par l'expert désigné en référé par le Tribunal de grande instance de Paris ; que si ce dernier a indiqué que ses investigations n'avaient pas révélé le recours à d'autres transfusions de produits sanguins lors du traitement chirurgical d'une éventration dont souffrait l'intéressée à l'âge de vingt-cinq ans, lors de ses cinq accouchements et à l'occasion d'une intervention chirurgicale sur des varices, pratiquée en mars 1973, il a relevé que, trois mois après cette opération, Mme A avait présenté un ictère qui a duré un mois ; qu'après avoir examiné les divers éléments rappelés ci-dessus, l'expert estime que la cause exacte de l'hépatite C dont souffre Mme A demeure inconnue et conclut à l'impossibilité d'établir une hiérarchie entre l'origine transfusionnelle, l'origine nosocomiale ou une autre cause de la maladie hépatique ; qu'ainsi, compte tenu de toutes les données disponibles et eu égard à la très faible probabilité de contamination transfusionnelle en raison du nombre limité de donneurs et alors même que Mme A n'a pas été exposée, par son mode de vie, à un risque de contamination par le virus de l'hépatite C, cette dernière ne peut être regardée comme ayant apporté un faisceau d'éléments conférant un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse de la transmission de la maladie par les transfusions qu'elle a reçues en 1983 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande d'indemnisation ; que, par voie de conséquence, les conclusions du Régime social des indépendants tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui rembourser le montant des prestations servies à Mme A et à ce que soit mise à la charge de cet établissement l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doivent également être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les CONSORTS A et par le Régime social des indépendants doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etablissement français du sang est mis hors de cause.

Article 2 : La requête de Mme Jeannine A, de Mme Francine A, de M. Jean-Paul A, de Mme Annie C et de Mme Claudine D et les conclusions présentées par le Régime social des indépendants sont rejetées.

''

''

''

''

N° 09VE03499 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE03499
Date de la décision : 28/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : CABINET UGGC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-28;09ve03499 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award