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28/09/2010 | FRANCE | N°09VE03127

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 28 septembre 2010, 09VE03127


Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2009, présentée pour M. Stéphane A, demeurant ..., par Me Boyer, avocat au barreau de Paris ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0708684 du 15 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement accueilli sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de

176 273 euros, majorée des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

3°) de met...

Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2009, présentée pour M. Stéphane A, demeurant ..., par Me Boyer, avocat au barreau de Paris ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0708684 du 15 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement accueilli sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de 176 273 euros, majorée des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que si le Tribunal administratif de Versailles a, à bon droit, admis que sa contamination par le virus de l'hépatite C avait pour origine des transfusions sanguines administrées entre 1963 et 1984, l'indemnisation qui lui a été accordée est manifestement insuffisante au regard du préjudice subi, qui a été sous-estimé ; qu'en raison d'un déficit fonctionnel temporaire total d'une durée de 148 jours, d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % de mai 2003 à août 2004 et d'un préjudice physiologique évalué par l'expert à 10 % compte tenu de troubles psychiatriques persistants et d'un syndrome dépressif, il est fondé à demander une indemnisation à hauteur respectivement de 3 893 euros, 2 380 euros et 50 000 euros, en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il a dû renoncer à diverses activités, notamment sportives, subit les effets secondaires des traitements et vit dans la crainte d'une dégradation de son état de santé ; qu'il est fondé à réclamer une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice d'agrément et de l'atteinte à la qualité de la vie ; que les souffrances physiques et morales, évaluées à 3,5 / 7 par l'expert, n'ont pas été prises en compte par le tribunal administratif ; que ces souffrances justifient une réparation de 20 000 euros ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Boyer, pour M. A et de Me Gonzalez, pour l'Etablissement français du sang ;

Considérant que M. A, né le 21 février 1958, qui souffre d'une hémophilie de type B, a reçu à plusieurs reprises, en 1969 puis entre 1973 et 1984, de nombreuses injections de produits dérivés du sang ; qu'il s'est révélé porteur du virus de l'hépatite B en 1977 et a été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine et par le virus de l'hépatite C, diagnostiqués respectivement en 1985 et en 1992 ; qu'il a demandé réparation, devant les premiers juges, des préjudices que lui a causés sa contamination par le virus de l'hépatite C, imputée aux injections susmentionnées ; que, par jugement du 15 juillet 2009, le Tribunal administratif de Versailles a reconnu la responsabilité de l'Etablissement français du sang et, après avoir évalué le préjudice de M. A à la somme de 41 890,57 euros, a accordé à ce dernier une indemnité de 30 000 euros, le surplus, soit la somme de 11 890,57 euros, correspondant au montant des prestations supportées par la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ; que M. A fait valoir en appel que le tribunal s'est livré à une appréciation insuffisante des conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, dont l'imputabilité aux injections de produits sanguins susmentionnés n'a pas été contestée par l'Etablissement français du sang ;

Sur la personne publique responsable :

Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a introduit, dans le code de la santé publique, l'article L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'Etablissement français du sang, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite C que le conseil d'orientation commun aux trois procédures de règlement amiable dont l'ONIAM a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est intervenue à la date d'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'Etat d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et du décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; que les décrets susvisés n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ont été publiés au Journal officiel le 12 mars 2010 ; qu'aux termes de l'article 8 du premier de ces deux décrets : les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010 ; que les membres du conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été nommés par arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010, publié au Journal officiel le 18 mars 2010 ; qu'en vertu de ces diverses dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se trouve substitué à l'Etablissement français du sang à compter du 1er juin 2010 ; que l'Etablissement français du sang doit donc être mis hors de cause ;

Sur les droits à réparation de M. A et le recours subrogatoire de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine :

Sur le préjudice à caractère patrimonial de M. A :

Considérant qu'au titre des dépenses de santé, la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine a justifié qu'elle avait supporté des débours s'élevant à la somme de 11 890,57 euros, dont le remboursement lui a été accordé par le tribunal administratif ;

Sur le préjudice à caractère personnel de M. A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert, que M. A, âgé de 34 ans lorsqu'a été posé le diagnostic de sa contamination par le virus de l'hépatite C en 1992, a subi deux biopsies en 1997 et en 2002 et a suivi un traitement à l'Interféron et à la Ribavirine pendant une année, de mars 2003 à février 2004 ; que ce traitement a provoqué des effets secondaires importants se traduisant par une asthénie marquée, un amaigrissement, de l'anxiété et un état dépressif ; qu'il a dû renoncer à ses activités sportives ; que l'expert a évalué à 25 % l'incapacité temporaire partielle liée à la profonde asthénie et aux manifestations dépressives dont a souffert M. A, plus particulièrement au cours de la période comprise entre mai 2003 et août 2004 ; qu'au vu des résultats des examens réalisés six mois après la fin du traitement antiviral, le médecin expert a relevé l'absence d'ARN du virus C et a indiqué que l'état de santé de M. A était consolidé au 30 août 2004, date à laquelle l'intéressé devait être considéré comme guéri ; qu'il a fixé à 10 % le taux de l'incapacité permanente partielle dont celui-ci reste atteint, compte tenu de la persistance de troubles psychiatriques ; que le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation insuffisante des troubles subis par M. A dans ses conditions d'existence en les évaluant à 30 000 euros ; que, toutefois, cette somme ne prend pas en compte l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. A au titre des souffrances physiques qu'il a endurées, évaluées à 3,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que ce chef de préjudice doit être réparé par une indemnité s'élevant à la somme de 4000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 30 000 euros accordée à M. A par le tribunal administratif doit être portée à 34 000 euros ; qu'il y aura lieu de déduire de cette indemnité la provision de 30 000 euros versée en application de la décision du Conseil d'Etat du 15 février 2008 n° 303863 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 34 000 euros à compter du 9 mai 2007, date de réception de sa réclamation préalable par l'Etablissement français du sang ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts le 23 août 2007, date de l'enregistrement de sa demande introductive d'instance au greffe du Tribunal administratif de Versailles ; que les intérêts n'étant dus pour une année entière qu'à compter du 9 mai 2008, il y a lieu, en application de l'article 1154 du code civil, de faire droit à sa demande de capitalisation à compter de cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine :

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1153-1 du code civil, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution ; qu'ainsi les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la Caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie (...) ; que, par son jugement du 15 juillet 2009, le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etablissement français du sang le versement, à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que cette caisse ne saurait demander, en appel, le versement d'une nouvelle indemnité forfaitaire sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement à M. A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance.

Article 2 : L'Etablissement français du sang est mise hors de cause dans la présente instance.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à M. A la somme de 34 000 euros dont il y aura lieu de déduire la somme de 30 000 euros versée au titre de la provision accordée par la décision du Conseil d'Etat du 15 février 2008 n° 303863. La somme de 34 000 euros sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2007. Les intérêts échus le 9 mai 2008 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 15 juillet 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A et les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE03127
Date de la décision : 28/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : SCP DUROUX-COUERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-28;09ve03127 ?
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