Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 septembre 2007, présentée pour M. Mohamed X, demeurant ..., par Me Krief ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202442 en date du 22 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes qui ont été mises à charge au titre des années 1991 et 1992 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, sur la régularité de la procédure d'imposition, qu'il avait fourni une réponse détaillée et assortie de justifications aux demandes d'éclaircissement de l'administration relatives à ses crédits bancaires et au solde de la balance simplifiée de trésorerie et que cette dernière ne pouvait, comme elle l'a fait, mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'il avait en effet établi que ces sommes provenaient de son cousin et que l'absence de contrat de prêt ne pouvait, compte tenu de ce lien de parenté, lui être opposée pour assimiler son attitude à un défaut de réponse ; sur le bien-fondé des impositions contestées, que dans la mesure où une partie de ces sommes provenaient de son cousin, elles étaient présumées constituer un prêt d'origine familiale et que l'administration n'a pas apporté la preuve contraire ; que l'impossibilité de produire un contrat de prêt ne pouvait être opposée dans ce cadre, cette exception fondée sur l'impossibilité morale de produire un écrit entre parents étant reconnue par l'article 1348 du code civil ; que l'administration n'a pas caractérisé la mauvaise foi permettant d'appliquer les pénalités correspondantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 :
- le rapport de M. Morri, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a fait l'objet, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, d'une procédure de taxation d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales pour défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications portant sur l'impôt sur le revenu des années 1991 et 1992 ; qu'il fait appel du jugement en date du 22 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires découlant de ces procédures ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. » ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : « Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite » et qu'aux termes de l'article L. 69 de ce livre : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 » ;
Considérant que par une lettre en date du 5 août 1994, l'administration a, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, demandé à M. X de justifier, d'une part, du solde d'une balance de trésorerie incluant notamment les dépenses relatives à l'achat de trois immeubles en 1991 et 1992 et, d'autre part, d'un ensemble d'opérations au crédit de ses comptes bancaires, dont la liste était annexée à ce courrier ; que par une lettre en date du 3 octobre 1994, M. X a indiqué à l'administration que l'achat, le 23 décembre 1991, d'un immeuble situé à Casablanca (Maroc) pour un montant de 1 110 880 F avait été financé par son cousin, sous la forme d'un chèque à l'ordre du notaire d'un montant de 1 022 700 F ; qu'il a indiqué que l'achat le 10 juillet 1992 d'un immeuble situé à Fedala (Maroc) pour un montant de 209 600 F avait également été financé par son cousin, sous la forme de deux chèques de 205 000 F et 17 000 F ; que, s'agissant des opérations portées au crédit de ses comptes bancaires, M. X a indiqué l'origine, selon lui, de 19 opérations, sans justifier de l'ensemble des opérations en cause et sans assortir de justifications l'ensemble de ses affirmations ;
Considérant que par une mise en demeure en date du 19 octobre 1994, sur le fondement de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, l'administration a sollicité des justifications complémentaires sur les sommes ayant permis les achats immobiliers des 23 décembre 1991 et 10 juillet 1992 et sur quatre crédits bancaires, d'un montant de 400 000 F le 24 octobre 1991, de 205 000 F le 9 juin 1992, de 60 000 F le 14 août 1992 et de 17 000 F le 26 novembre 1992 ; qu'en réponse à cette mise en demeure, il a fourni les relevés de compte bancaire de son cousin faisant apparaître des débits correspondant aux mouvements de 205 000 F, 60 000 F et 17 000 F ; que s'agissant de l'achat immobilier du 23 décembre 1991, il a fourni la copie de l'extrait de compte de son cousin faisant apparaître un débit égal au montant du chèque de banque de 1 022 700 F reçu par le notaire ; qu'enfin, s'agissant du crédit de 400 000 F du 24 octobre 1991, il a justifié qu'une somme équivalente avait été versée par son cousin à un notaire en vue d'un achat immobilier, et soutenu que cette somme lui avait été remboursée en lieu et place de son cousin à la suite de l'échec du projet d'achat ; que M. X fait valoir que, compte tenu de l'ensemble des explications et justifications fournies, il ne pouvait être taxé d'office en application des dispositions combinées des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales ;
Considérant toutefois, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des crédits bancaires pour lesquels des éclaircissements avaient été sollicités le 5 août 1994, M. X n'a apporté aucun élément de réponse pour des sommes d'un montant total de 139 594 F pour 1991 et 173 356 F pour 1992 ; que concernant d'autres opérations d'un montant total de 30 300 F pour 1991 et 139 500 F pour 1992, il s'est borné à des allégations invérifiables, assimilables à un défaut de réponse ; que faute de réponse à la demande adressée sur le fondement de l'article L. 16 précité, l'administration pouvait ainsi régulièrement procéder à la taxation d'office desdites sommes ;
Considérant, en second lieu, que les éléments fournis en réponse à la demande du 5 août 1994 portant, d'une part, sur les achats immobiliers du 23 décembre 1991 et 10 juillet 1992 et le solde de la balance de trésorerie établi à partir de ces achats, et, d'autre part, sur les crédits bancaire de 400 000 F le 24 octobre 1991, de 205 000 F le 9 juin 1992, de 60 000 F le 14 août 1992 et de 17 000 F le 26 novembre 1992, présentaient un caractère insuffisant ; que l'administration, qui a adressé au contribuable le 19 octobre 1994 la mise en demeure prévue à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, pouvait également procéder à la taxation d'office de ces sommes ; que si M. X fait valoir que sa réponse à la mise en demeure du 19 octobre 1994 comportait des éléments permettant d'établir le caractère non imposable des sommes en cause, ce moyen doit être regardé comme portant sur le bien-fondé de l'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales qu'il appartient au contribuable, taxé d'office en application des dispositions combinées des articles L. 16, L.16 A et L. 69, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. X, c'est par une exacte application de ces dispositions que le tribunal a fait peser sur le contribuable la charge de la preuve du caractère non imposable du solde de la balance de trésorerie et des crédits bancaires inexpliqués ;
En ce qui concerne le solde de la balance de trésorerie :
Considérant que M. X fait valoir, pour une partie des sommes en cause, qu'elles correspondaient à des versements opérés à son profit par son cousin, promoteur immobilier, soit directement auprès du notaire, soit par un virement sur le compte de M. X avant reversement des sommes au notaire ;
Considérant, en premier lieu, que les éléments produits par M. X permettent de démontrer que la transaction immobilière du 23 octobre 1991, par laquelle il a acquis pour un montant de 1 110 880 F un immeuble situé à Casablanca (Maroc), a été financée par son cousin, promoteur immobilier ; qu'en effet, un chèque de banque d'un montant de 1 022 700 F a été débité sur le compte de son cousin détenu à la Monte Paschi Banque quelques jours avant cette transaction et a été adressé au notaire en vue de cette transaction ; qu'ainsi, le contribuable qui a justifié de la ressource correspondant à cet emploi, est fondé à soutenir que c'est à tort que cette somme a été intégrée dans la balance de trésorerie dont le solde a été taxé d'office au titre de l'année 1991;
Considérant, en second lieu, que les éléments produits par M. X permettent également de tenir pour établi que l'achat d'un immeuble opéré le 10 juillet 1992 à Fedala (Maroc) pour un montant de 209 600 F a été financé par deux chèques à l'ordre du contribuable d'un montant de 205 000 F et 17 000 F encaissés les 9 juin et le 26 novembre 1992 provenant du compte bancaire détenu à la Monte Paschi Banque par son cousin ; qu'ainsi, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que les sommes de 205 000 F et 17 000 F, qui ont par ailleurs été également taxées en tant que crédits bancaires inexpliqués, ont été intégrées dans la balance de trésorerie dont le solde a été taxé d'office au titre de l'année 1992 ;
En ce qui concerne les crédits bancaire inexpliqués :
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que la somme de 400 000 francs créditée le 24 octobre 1991, dont M. X allègue qu'elle correspondrait au remboursement par le notaire d'une somme équivalente qui lui a été versée par son cousin le 4 juillet 1991, en vue d'une transaction immobilière qui n'a pas eu lieu, aurait effectivement cette origine ;
Considérant, en second lieu, que M. X fait valoir qu'une partie de ces crédits provient de versements effectués par son cousin et doit être présumée constituer un prêt d'origine familiale ; qu'au vu des éléments produits, l'origine familiale ne peut être regardée comme établie que pour trois opérations portées au crédit de M. X, à savoir 205 000 F le 9 juin 1992, de 60 000 F le 14 août 1992 et de 17 000 F le 26 novembre 1992 ; que, toutefois, le montant et la fréquence des opérations démontraient l'existence d'une relation d'affaires entre M. X et son cousin, promoteur immobilier ; que cette circonstance faisait obstacle, alors même que l'origine des fonds était établie, à ce que soit présumée l'existence d'un prêt familial ; que M. X, qui se borne à indiquer que l'absence de contrat de prêt repose sur l'impossibilité morale d'exiger un écrit entre parents en vertu de l'article 1348 du code civil et qui ne produit, à l'exception d'une attestation de son cousin dépourvue de date certaine, aucun document permettant d'attester l'existence d'un prêt consenti par ce dernier, n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, du caractère non imposable des sommes en cause ;
Considérant, enfin, que M. X n'a apporté aucune précision ou justification concernant les autres sommes ayant fait l'objet d'une imposition d'office ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de réduction de ses bases d'imposition pour le montant des sommes intégrées à tort dans le solde de sa balance de trésorerie, soit 1 022 700 francs (155 909 euros) pour 1991 et 222 000 francs (33 843 euros) pour 1992 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) » ; que les droits mis à la charge de M. X à la suite de la taxation d'office dont il a fait l'objet ont été assortis de la majoration de 40 % pour mauvaise foi ;
Considérant que l'administration ne démontre pas, en faisant seulement état de la nature et de l'importance des redressements dont M. X a fait l'objet, et dont une partie significative, au demeurant, fait l'objet d'une décharge, la volonté du contribuable d'éluder l'impôt et donc son absence de bonne foi ; qu'ainsi, elle a, à tort, assorti les impositions en litige de la majoration de 40 % pour mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la réduction des bases d'imposition pour un montant de 1 022 700 francs (155 909 euros) pour 1991 et 222 000 francs (33 843 euros) pour 1992 et, d'autre part, sa demande en décharge de l'ensemble des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été appliquées au titre des années 1991 et 1992 ; que le surplus de ses conclusions doit en revanche être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat les sommes demandées par M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les revenus imposables de M. X dans la catégorie revenus d'origine indéterminée sont diminués de la somme de 155 909 euros pour l'année 1991 et 33 843 euros pour l'année 1992.
Article 2 : M. X est déchargé, en droits, de la différence entre l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1991 et 1992 et de celui résultant de l'article 1re ci-dessus.
Article 3 : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre des années 1991 et 1992.
Article 4 : Le jugement n° 0202442 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 22 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N° 07VE02391 2