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17/07/2008 | FRANCE | N°06VE01788

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 juillet 2008, 06VE01788


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) L'AUBERGE DE LA CLEF DES CHAMPS, dont le siège est situé route nationale 10 à Ablis (78660), par Me Henry-Stasse, de la SCP Patrick Delpeyroux et associés ; la SARL LA CLEF DES CHAMPS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508584 et 0510057 du 30 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % à l'impôt sur

les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) L'AUBERGE DE LA CLEF DES CHAMPS, dont le siège est situé route nationale 10 à Ablis (78660), par Me Henry-Stasse, de la SCP Patrick Delpeyroux et associés ; la SARL LA CLEF DES CHAMPS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508584 et 0510057 du 30 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices allant du 1er mars 1999 au 28 février 2002 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL LA CLEF DES CHAMPS soutient que la vente de frites constitue une partie essentielle de son activité de restaurant routier ; que la prise en compte de cet élément est beaucoup plus fiable que celle du café qui présente de grosses incertitudes notamment en ce qui concerne les doses servies, les pertes, les consommations du personnel ; que le fait que le pourcentage de repas servis avec frites serait inférieur à celui vendu est sans importance ; que, par un mémoire reçu le 5 mai 2006, elle avait fourni une méthode de reconstitution à partir des frites ; que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu'elle n'avait fourni le moindre calcul et qu'elle n'apportait pas la preuve que la méthode qu'elle proposait était plus conforme à ses conditions d'activité ; que le tribunal administratif a également commis une erreur en jugeant que le coefficient de 2,75 qu'elle avait proposé ne reposait que sur des allégations dénuées de tout commencement de démonstration, l'administration ayant produit une lettre joignant en annexe une monographie indiquant un coefficient de reconstitution du chiffre d'affaires toutes taxes comprises à partir des achats utilisés hors taxes de 2,2 à 2,4 pour les restaurants ouvriers ; qu'elle ne met pas en cause le pourcentage calculé sur une journée, mais l'application de ce pourcentage réalisé sur une journée aux trois exercices vérifiés ; qu'en effet, un sondage effectué sur une journée n'est pas révélateur d'une activité sur trois ans, ce qui conduit à une multiplication des incertitudes et, par conséquent, des erreurs ; que pour le bar, les sondages ont été effectués sur une période d'un mois ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a retenu un coefficient de 3,25 au lieu de 4 environ uniquement pour prendre en compte les pertes ; que le vérificateur a constaté que son personnel prend ses repas sur place et que cet avantage en nature est pris en compte dans les fiches de paye ; qu'il a estimé que l'avantage en nature ainsi accordé au personnel ne constituait pas une charge exposée dans l'intérêt direct de l'exploitation ; qu'il ne s'est pas fondé sur le fait que ces avantages en nature n'ont pas été inscrits en comptabilité, ce qu'elle ne conteste pas ; que c'est donc à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu'à supposer que ces dépenses aient été engagées dans son intérêt, elle ne pouvait les déduire dès lors qu'elle ne contestait pas qu'elles n'avaient pas été inscrites comme avantages en nature en comptabilité ; que si l'article 54 bis du code général des impôts prévoit que les contribuables visés par l'article 53 A de ce même code doivent obligatoirement inscrire en comptabilité la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel, ce texte ne prévoit cependant aucune sanction ; qu'en tout état de cause, cet avantage en nature figure de manière explicite sur les bulletins de paye qui constituent une pièce comptable justifiant les salaires déduits ; que le Tribunal administratif de Versailles a considéré qu'en motivant les pénalités de mauvaise foi par l'importance des omissions de recettes constatées par le vérificateur et par le caractère irrégulier de la comptabilité de la société, l'administration établissait suffisamment le bien-fondé de l'application de la pénalité de mauvaise foi ; qu'il n'a cependant pas pris en considération le caractère nécessairement aléatoire d'une reconstitution de recettes ; que l'administration a elle-même admis que les recettes initialement notifiées n'étaient pas fondées puisqu'à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires elle en a abandonné une partie, ce qui s'est traduit par une diminution allant de 57 à 62 pour cent selon les exercices ; que les éléments pris en compte pour justifier de l'application des pénalités de mauvaise foi n'existent plus désormais, l'administration reconnaissant s'être fortement trompée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2008 :

- le rapport de M. Dhers, premier conseiller,

- les observations de Me Henry-Stasse de la SCP Patrick Delpeyroux et associés,

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL LA CLEF DES CHAMPS, qui exploite un bar-restaurant, a fait l'objet du 27 mai au 9 décembre 2003 d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices allant du 1er mars 1999 au 28 février 2002 ; qu'elle sollicite la décharge des rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux trois exercices contrôlés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires des trois exercices vérifiés :

Considérant que la SARL LA CLEF DES CHAMPS ne conteste en appel que la reconstitution du chiffre d'affaires de son restaurant ;

Considérant que pour reconstituer les recettes du restaurant exploité par la SARL LA CLEF DES CHAMPS, le vérificateur s'est fondé sur les achats revendus de café effectués au cours de l'exercice clos le 28 février 2001, à partir des achats de café et de la variation du stock de cette denrée entre l'ouverture et la clôture de cet exercice ; qu'il a, à partir des indications fournies par la société requérante sur le dosage du café, déterminé le nombre de tasses de café vendues après avoir défalqué les consommations du personnel et les tasses de café offertes ; qu'après s'être fondé sur la recette du 25 août 2003, qui a permis de constater que la proportion des repas servis avec un café représentaient 41 pour cent du nombre de repas et que 40 pour cent des ventes de café étaient effectuées en salle, le vérificateur a, en prenant en compte les tarifs pratiqué par la SARL LA CLEF DES CHAMPS, déterminé le chiffre d'affaires de l'exercice 2000-2001 ; que le coefficient de marge de cet exercice a été fixé à 4,023 à partir des données de la société ; que ce coefficient a été ramené à 3,25 et appliqué aux trois exercices par l'administration, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 7 juin 2004 ; que la SARL LA CLEF DES CHAMPS fait valoir que la méthode employée par le vérificateur est excessivement sommaire aux motifs que la vente de café ne constitue pas l'objet principal du restaurant, que le vérificateur a extrapolé sur les trois années vérifiées les pourcentages constatés au cours de la seule journée du 25 août 2003, qu'une monographie émanant de l'administration fiscale faisait état d'un coefficient de reconstitution du chiffre d'affaires toutes taxes comprises à partir des achats utilisés hors taxes de 2,2 à 2,4 pour les restaurants ouvriers et qu'elle a fait l'objet d'une nouvelle vérification de comptabilité pour la période du 1er mars 2003 au 28 février 2007 qui a abouti à fixer ses taux de marge entre 2,68 et 2,72 pour ces quatre exercices, sans que l'administration remette ceux-ci en cause alors qu'elle exerce toujours la même activité ; que la SARL LA CLEF DES CHAMPS propose une méthode de reconstitution fondée sur les achats et les ventes de frites surgelées ;

Considérant, toutefois, que la SARL LA CLEF DES CHAMPS proposait au cours de la période vérifiée une formule de repas avec café et une autre sans café ; qu'ainsi, le vérificateur était fondé à reconstituer son chiffre d'affaires à partir des achats et des ventes de café, dès lors qu'il a procédé à la ventilation entre les cafés vendus au bar et ceux servis au restaurant et qu'il a tenu compte de la part des repas vendus sans café ; que si, pour déterminer ces proportions, il s'est exclusivement fondé sur la recette de la seule journée du 25 août 2003, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la SARL LA CLEF DES CHAMPS, après lui avoir fourni comme seul élément de référence la recette de cette journée, lui a déclaré que ces prorata étaient constants au cours des trois exercices vérifiés ; que, par ailleurs, la société requérante ne fournit aucun chiffre pour démentir les proportions qu'elle a elle-même indiquées au vérificateur ; que les soldes intermédiaires de gestion fournis par la société au titre des exercices 2003-2004 à 2006-2007 ne permettent pas d'établir que sa marge fiscale oscillait entre 2,68 et 2,72 au cours de ces quatre exercices ; qu'en outre, la société requérante ne rapporte pas la preuve que les conditions d'exercice de son activité n'ont pas changé depuis les années litigieuses ; qu'enfin, la SARL LA CLEF DES CHAMPS ne peut utilement se fonder sur les coefficients de marges des restaurants ouvriers qui figurent dans une monographie de l'administration datant de 1991 ;

Considérant, enfin, que la méthode d'évaluation proposée par la société, fondée sur ses achats et les ventes de frites surgelées, ne repose sur aucun document justificatif et procède ainsi de simples affirmations ; que, dans ces conditions, elle ne permet pas d'établir l'exagération des bases imposables déterminées par l'administration ;

En ce qui concerne la réintégration dans le résultat imposable des avantages consentis par la SARL LA CLEF DES CHAMPS à son personnel sous forme de repas sur place :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : «-1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1) les frais généraux de toutes natures, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (...) toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...)» ;

Considérant que le vérificateur a exclu la déduction des avantages en nature que la SARL LA CLEF DES CHAMPS a consentis à son personnel en lui fournissant des repas sur place ;

Considérant que la SARL LA CLEF DES CHAMPS soutient pour la première fois en appel que ces avantages en nature n'ont jamais été comptabilisés dans ses charges et qu'ils n'ont donc pas été déduits de ses résultats fiscaux des trois exercices vérifiés ; que, toutefois, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve, ne démontre pas la véracité de cette affirmation ;

Considérant que le ministre fait valoir, sans être contredit par la société requérante, que les denrées qui ont servi à la confection des repas du personnel ont été puisées dans ses stocks et que leur prix a été déduit au titre des achats de marchandises ; que, dès lors, la SARL LA CLEF DES CHAMPS ne pouvait prétendre une seconde fois à la déduction du prix d'achat de ces denrées au titre de ses charges de personnel ;

En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) » ;

Considérant que la SARL LA CLEF DES CHAMPS ne saurait utilement se prévaloir du principe « non bis in idem », dès lors qu'une reconstitution de recettes ne revêt pas le caractère d'une sanction ;

Considérant que, pour justifier l'application des pénalités de mauvaise foi aux impositions résultant de la reconstitution de recettes, le ministre fait état des nombreuses irrégularités comptables constatées ainsi que de l'importance et du caractère répétitif des minorations de recettes, qui ont représenté entre 18 et 19 pour cent du chiffre d'affaires déclaré selon les exercices, malgré l'abandon d'une fraction des redressements après l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le ministre doit, eu égard à la persistance d'un comportement ayant pour but d'éluder l'impôt, être regardé comme apportant la preuve lui incombant de la mauvaise foi du contribuable ;

Considérant, en revanche, que l'administration n'a pas motivé l'application desdites pénalités aux redressements qui correspondent à la réintégration des pénalités et majorations de taxe sur la valeur ajoutée que la société requérante avait incluses à tort dans ses charges fiscales ; qu'il y a lieu, en conséquence, de décharger la requérante de ces pénalités ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LA CLEF DES CHAMPS est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi relatives à la réintégration des pénalités et majorations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait incluses dans ses charges ;

Sur les conclusions de la SARL LA CLEF DES CHAMPS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SARL LA CLEF DES CHAMPS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0508584 et 0510057 en date du 30 mai 2006 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société à responsabilité limitée L'AUBERGE DE LA CLEF DES CHAMPS tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi relatives à la réintégration des pénalités et majorations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait incluses dans ses charges.

Article 2 : La société à responsabilité limitée L'AUBERGE DE LA CLEF DES CHAMPS est déchargée des pénalités de mauvaise foi dont ont été assortis les redressements relatifs aux pénalités et majorations de taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été refusée par l'administration fiscale.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée L'AUBERGE DE LA CLEF DES CHAMPS est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01788
Date de la décision : 17/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BLIN
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SCP PATRICK DELPEYROUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-07-17;06ve01788 ?
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