Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2007, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement 0710922 du 16 novembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 12 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mahamane Lamine X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Mahamane Lamine X devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Le préfet soutient que l'arrêté de placement en rétention est motivé par l'impossibilité d'exécuter immédiatement la mesure de reconduite à la frontière et a été régulièrement notifié ; qu'il s'agit d'une mesure ponctuelle dont la validité est expirée ; que l'arrêté de reconduite à la frontière est motivé par le maintien sur le territoire au delà de la validité d'un visa ; que l'intéressé s'est inscrit à l'université sous couvert d'un faux titre de séjour et a une activité salariée importante incompatible avec une situation d'étudiant étranger ; qu'en tout état de cause M. X ne justifie pas d'une progression de ses études ; que le concubinage allégué avec une étudiante en situation régulière n'est pas établi ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination ; qu'aucune décision en ce sens n'a été prise ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2008 :
- le rapport de M. Bruand, magistrat désigné ;
- les observations de Me Grimberg-Toure ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera conduit à la frontière dans les cas suivant : ... 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;
Considérant que si M. X, de nationalité nigérienne, soutient être entré en France en 2003 sous couvert d'un visa touristique, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu sur le territoire après l'expiration de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Considérant que M. X ne saurait se prévaloir de l'engagement d'études universitaires alors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étudiant ; que c'est dès lors à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X au motif qu'il justifiait de la réalité et du sérieux de ses études, au demeurant non établis dès lors que l'intéressé n'a toujours pas validé sa première année d'études après trois inscriptions consécutives et qu'il a une activité salariée importante, en tout état de cause incompatible avec un statut d'étudiant étranger ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la cour ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ;
Considérant que si M. X, qui a vécu au moins jusqu'à 24 ans dans son pays d'origine et ne justifie pas ne plus y avoir d'attaches, fait état d'un concubinage avec une étudiante haïtienne en situation régulière, il ne justifie pas de l'ancienneté et de l'intensité de la relation alors que les intéressés résident à des adresses différentes ; que si M. X indique qu'il a engagé des démarches en vue de la conclusion d'un pacte civil de solidarité, ces circonstances postérieures à l'arrêté contesté sont sans incidence sur sa légalité ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE en date du 12 novembre 2007 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les dispositions précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant que le moyen tiré par M. X de ce que le PREFET DE L'ESSONNE aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière contestée, laquelle ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;
Sur le légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que si M. X soutient qu'il encourt des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine où il aurait participé à des grèves d'étudiants en 2001, sa demande d'asile a été rejetée et il ne démontre pas avoir entrepris de nouvelles démarches pour les nouvelles pièces dont il se prévaut, qui ne présentent pas en l'état du dossier de garanties d'authenticité suffisantes ; qu'il ne résulte pas de l'ensemble de ces circonstances que le PREFET DE L'ESSONNE aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision plaçant M. X en rétention administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3º (...) faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : « La décision de placement (...) est écrite et motivée. (...) » ;
Considérant que dès lors que M. X ne pouvait quitter immédiatement le territoire français, le PREFET DE L'ESSONNE, qui a dûment motivé sa décision, a pu légalement décider que l'intéressé serait retenu pendant une durée de quarante huit heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont donc pas été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à demander l'annulation du jugement du 16 novembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 12 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mahamane Lamine X ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 2 000 euros demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du 16 novembre 2007 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Versailles par M. Mahamane Lamine X est rejetée.
N°07VE03173
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