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21/12/2007 | FRANCE | N°07VE00519

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 21 décembre 2007, 07VE00519


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 6 mars 2007, et le 8 mars en original par laquelle le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700779 du 30 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 janvier 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Pinto Kumar et fixant le pays de destination, enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation et condamné l'Etat à verser à M. X une somme de

1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 6 mars 2007, et le 8 mars en original par laquelle le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700779 du 30 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 janvier 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Pinto Kumar et fixant le pays de destination, enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation et condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le magistrat délégué a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile dès lors que M. X ne remplissait pas la condition préalable d'admission au séjour prévue par l'article L. 742-3 susmentionné et n'a pas respecté les dispositions des articles L. 741-2 et R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile, impliquant notamment que l'étranger se présente physiquement en préfecture pour y solliciter son admission au séjour avant de faire une demande d'asile ; que le requérant ne justifie pas s'être présenté en préfecture pour y déposer une demande de titre de séjour avant de saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en outre, l'exercice d'un recours devant la commission des recours des réfugiés ne fait pas obstacle à l'édiction d'une mesure de reconduite ni à l'exécution de celle-ci ; que le magistrat délégué n'a pas tenu compte du mémoire en défense dans lequel il était fait observer que les prétendus éléments nouveaux produits par le requérant ne présentaient aucune force probante ni caractère d'authenticité, ainsi que l'avait d'ailleurs relevé l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision ; que, sur la légalité externe, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et que ce dernier est suffisamment motivé ; que, sur la légalité interne, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'en tout état de cause, la demande d'asile politique formée par le requérant a été rejetée tant par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que par la commission des recours des réfugiés et que les arguments invoqués ne sont assortis d'aucune précision ou élément probant, et ne permettent pas dans ces conditions, d'établir le caractère personnel des risques encourus par l'intéressé en cas de retour au Bangladesh ; qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise ; que M. X est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident notamment son épouse et ses deux enfants mineurs ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été respectées ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Riou, magistrat désigné ;
- les observations de Me Taelman, avocat, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Vu la note en délibéré produite par M. X le 13 décembre 2007 ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile : « Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève de l'autorité administrative compétente » ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 de ce code : Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre 1er du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. (…) ; qu'en vertu de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile, les étrangers sollicitant leur admission au séjour doivent se présenter personnellement, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture, à la sous-préfecture ou au commissariat de police ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de priver la personne qui, invoquant des éléments nouveaux, présente une nouvelle demande d'asile, de son droit au maintien sur le territoire jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, mais subordonnent seulement l'exercice de ce droit à la condition que l'intéressé se soit présenté en personne au service compétent pour enregistrer sa demande d'autorisation provisoire de séjour ;

Considérant que M. X, de nationalité bangladaise, a déclaré être entré en France en 2004 et a sollicité l'asile politique ; que, par une décision du 8 juin 2004, l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé le bénéfice du statut de réfugié ; que cette décision, confirmée le 27 avril 2004 par la commission des recours des réfugiés, est devenue définitive ; que le préfet de police a pris le 19 mai 2005 à l'encontre de M. X une décision de refus de titre de séjour ; que M. X a saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen de sa situation, qui a été rejetée le 27 mars 2006, puis la commission des recours des réfugiés d'un recours, formé le 14 avril 2006, toujours pendant ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué par la Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination en date du 24 janvier 2007, pris à l'encontre de M. X ;

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE fait valoir pour la première fois en appel, que M. X ne justifie pas s'être personnellement présenté en préfecture avant de présenter une nouvelle demande d'admission au statut de réfugié politique, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile qui lui imposaient de se présenter préalablement, en personne, à la préfecture avant de soumettre à l'office français de protection des réfugiés et apatrides une nouvelle demande ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une décision du préfet de police de Paris en date du 7 décembre 2005 rejetant la demande de M. X tendant au réexamen de sa demande de statut de réfugié par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que M. X s'est bien présenté en préfecture à cette même date pour présenter ladite demande ; que, par suite, le moyen invoqué par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE doit être écarté ;

Mais considérant, en second lieu, que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE soutient également que les éléments nouveaux dont s'est prévalu le requérant ne présentaient aucune force probante ni caractère d'authenticité, ainsi que l'avait d'ailleurs relevé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi d'une demande de réexamen de sa situation par M. X a estimé, par la décision de rejet du 27 mars 2006, d'une part, que si le jugement du 20 avril 2005 condamnant l'intéressé à dix ans d'emprisonnement constituait un élément nouveau, il était dépourvu de toute force probante et comportait des contradictions remettant en cause son authenticité, et que, d'autre part, les autres pièces produites ne permettaient pas à elles seules d'établir la véracité des faits allégués ; que, dans ces conditions, la demande de réexamen de son dossier par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ne comportait pas d'éléments nouveaux permettant d'établir la réalité des faits invoqué par M. X, ni le caractère direct des risques de persécution dont il faisait état en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'était pas tenu d'attendre que la commission des recours des réfugiés se prononce pour prendre l'arrêté attaqué ni n'était davantage tenu de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour ; qu'il suit de là que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté aux motifs, d'une part, qu'il n'aurait ni établi ni même allégué que la demande de réexamen de la situation de l'intéressé entrerait dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile, d'autre part, que M. X aurait fait état d'éléments nouveaux étayés par la production de différentes pièces ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est signé par Mme Marie-José Delros, directeur de la population et de la citoyenneté à la préfecture des Hauts-de-Seine, en vertu d'une délégation donnée par arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 24 novembre 2006 régulièrement publié au numéro 21 du recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine du 1er décembre 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance qu'il ne mentionne pas de façon explicite les raisons pour lesquelles la situation de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la reconduite à la frontière n'est pas de nature à le faire regarder comme insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a déclaré être arrivé en France en 2004 sans, toutefois, être en mesure de justifier d'une entrée régulière ; que le requérant entrait ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, et alors même que l'intéressé avait fait l'objet d'une décision de refus de séjour en date du 19 mai 2005 prononcée par le préfet de police, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a pu à bon droit estimer que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué pouvait être légalement fondé sur ces dispositions ;

Considérant, en second lieu, que si M. X soutient, d'une part, qu'une erreur de droit a été commise par le préfet dès lors que la demande de réexamen de sa situation au titre de l'asile étant toujours pendante devant la commission des recours des réfugiés, il ne pouvait, en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile, faire l'objet d'une mesure de reconduite et que, d'autre part, le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des éléments nouveaux qu'il a produits, ces moyens ne pourront qu'être écartés, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si M. X soutient qu'il encourt des risques de persécution en cas de retour au Bangladesh, il se prévaut d'éléments dont il a été dit ci-dessus qu'ils ne revêtaient pas un caractère probant ou convaincant ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément ayant valeur probante, M. XD n'établit pas être personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine et n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en désignant comme pays de destination le Bangladesh, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles doit être rejetée ;


Sur les conclusions reconventionnelles aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du Tribunal administratif de Versailles susvisé, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions reconventionnelles tendant à ce que la cour enjoigne au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de réexaminer la situation de M. X et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'un récépissé, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande, dans ses conclusions reconventionnelles, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;



D E C I D E

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0700779, en date du 30 janvier 2007, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
N° 07VE00519 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07VE00519
Date de la décision : 21/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : TAELMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-12-21;07ve00519 ?
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