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17/12/2007 | FRANCE | N°06VE00189

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 décembre 2007, 06VE00189


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société MENTOR GRAPHICS FRANCE, dont le siège est situé 13 rue Jeanne Braconnier, Immeuble Le Pasteur à Meudon-la-Forêt (92360), par Me Sayag ;

La société MENTOR GRAPHICS FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405832 en date du 24 novembre 2005 par lequel Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en restitution d'un montant de 90 212 € de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 ;


2°) de prononcer en sa faveur le remboursement de la somme de 90 212 € cor...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société MENTOR GRAPHICS FRANCE, dont le siège est situé 13 rue Jeanne Braconnier, Immeuble Le Pasteur à Meudon-la-Forêt (92360), par Me Sayag ;

La société MENTOR GRAPHICS FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405832 en date du 24 novembre 2005 par lequel Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en restitution d'un montant de 90 212 € de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 ;

2°) de prononcer en sa faveur le remboursement de la somme de 90 212 € correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des frais de représentation au titre des années 1998 à 2001 ;

3°) de condamner l'État à lui verser 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'avant la publication de l'instruction du 15 juillet 2002, les entreprises n'avaient pas la possibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de restaurant, réceptions et spectacles engagés au profit de leurs salariés dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'en outre, les entreprises ne disposaient que d'un délai très limité jusqu'au 31 décembre 2002 pour présenter leur demande à l'administration ; que le caractère réduit de ce délai qui ne peut être regardé comme raisonnable est contraire au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, qui fait courir le délai de réclamation à compter du 19 septembre 2000, date de la décision de la cour de justice des communautés européennes, méconnaît le principe de garantie contre les changements de doctrine posée à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que la société MENTOR GRAPHICS FRANCE n'a été en mesure de présenter une réclamation qu'à compter du 27 mai 2002, date de l'arrêt du Conseil d'État dont les principes n'ont été retranscrits que dans une instruction administrative du 15 juillet 2002 ; qu'ainsi, en application des dispositions combinées des articles L. 190 et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le point de départ du délai de réclamation doit être fixé au 27 mai 2002 ; qu'en tout état de cause il doit être fait application du principe selon lequel, en cas d'émission de facture rectificative, le délai de réclamation court à compter de l'émission desdites factures rectificatives ; que l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts prévoit que, lorsque la mention de la taxe a été omise dans la déclaration sur laquelle elle aurait dû normalement figurer, le redevable conserve la possibilité de réparer cette omission dans un délai de deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ; que, par ailleurs tout contribuable a la possibilité de demander par voie de réclamation contentieuse une décharge ou une réduction d'impôt parce qu'il s'estime imposé à tort ou surtaxé ou lorsqu'il désire obtenir la restitution d'un impôt versé en trop ; qu'en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales la réclamation doit être déposée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l'événement qui motive cette réclamation ; que la réception d'une facture rectificative doit être considérée comme un tel événement ;

………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêt du 19 septembre 2000, 177/99 et 181/99 , Ampafrance SA et Sanofi Synthelabo de la cour de justice des communautés européennes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2007 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;


Considérant que la société MENTOR GRAPHICS FRANCE a demandé le 28 mai 2004 la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 91 110 €, qui avait grevé les dépenses de représentation, constituées de dépenses de restaurant, de réception et de spectacles au bénéfice de ses salariés et de tiers ainsi que des dépenses de logement en faveur de tiers qu'elle avait supportées durant la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001 ; que cette demande de restitution a été rejetée le 18 août 2004 par l'administration au motif qu'elle était irrecevable ; que la société MENTOR GRAPHICS FRANCE maintient sa demande de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des frais de représentation au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001, qu'elle chiffre à la somme de 90 212 € ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : « Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. /Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. » ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : /a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. » ;

Considérant que les articles 236 et 239 de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction issue des articles 7 et 11 du décret du 28 juillet 1967, avant leur modification par le décret du 29 décembre 1979, excluent du droit à déduction respectivement, d'une part, « la taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer le logement ou l'hébergement des dirigeants et du personnel des entreprises » et, d'autre part, « la taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer la satisfaction des besoins individuels des dirigeants et du personnel des entreprises, et notamment celles afférentes aux frais de réception, de restaurant et de spectacles. » ; qu'en vertu du sixième alinéa de l'article 17 de la sixième directive du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, jusqu'à ce que le Conseil statue sur les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, les états membres pouvaient maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de ladite directive ; que le décret du 29 décembre 1979 a élargi le champ des exclusions déjà prévues par les textes précités, sous un nouvel article 236 de l'annexe II qui exclut de la déduction « la taxe ayant grevé des biens ou services utilisés par des tiers, par des dirigeants ou le personnel de l'entreprise, tels que le logement ou l'hébergement, les frais de réception, de restaurant, de spectacles et toute dépense ayant un lien direct ou indirect avec les déplacements ou la résidence. » ; que, par l'arrêt Alitalia du 3 février 1980, le Conseil d'État a jugé que cet article était contraire à l'article 17 de la sixième directive précitée en tant qu'il étendait l'exclusion du droit à déduction existant avant l'entrée en vigueur de la directive, aux dépenses de logement, restaurant, réceptions et spectacles engagées au profit de tiers ; qu'à la suite de cet arrêt, à la demande du Gouvernement français, le Conseil des communautés européennes, par décision du 28 juillet 1989, a autorisé la France « à exclure du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elles ont été grevées les dépenses de logement, de restaurant, de réceptions et de spectacles. » ; que ces termes ont été repris dans la nouvelle rédaction que le décret du 14 décembre 1989 a donnée à l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts ; que par son arrêt du 19 septembre 2000 «Ampafrance SA et SANOFI Synthélabo », la Cour de justice des communautés européennes a jugé que la décision du Conseil du 28 juillet 1989 était invalide, en relevant que la dérogation accordée à la France concerne « en réalité, d'une part, les dépenses de logement, de réceptions, de restaurant et de spectacles engagées au profit de tiers à l'entreprise, qui n'étaient pas visées par le décret et d'autre part, celle des dépenses du même type engagées au profit des dirigeants ou du personnel de l'entreprise qui n'étaient pas couvertes par l'exclusion résultant du décret n° 67-604. » ; que par l'instruction du 13 novembre 2000, l'administration a déduit de cet arrêt que la mesure d'exclusion prévue à l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts n'était plus applicable à celles des dépenses de logement, de restauration, de réception et de spectacles supportées par les redevables au bénéfice de tiers à leur entreprise ; qu'en revanche, l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses supportées par les entreprises au bénéfice de leurs dirigeants et salariés n'étaient pas regardées comme affectées par la validation ; que, par l'arrêt du 27 mai 2002, Syndicat de l'industrie des technologies de l'information, le Conseil d'Etat a jugé que si les dispositions de l'ancien article 236 de l'annexe II excluaient, dans tous les cas, la déduction de la taxe afférente aux dépenses exposées pour le logement ou l'hébergement des dirigeants ou du personnel, celles de l'ancien article 239 de la même annexe, issues du décret du 27 juillet 1967, n'excluaient la déduction de la taxe afférente à des dépenses telles que frais de réception, de restaurant et de spectacles exposés pour les dirigeants ou le personnel que lorsque l'engagement de ces dépenses avait été motivé, non par le souci d'assurer le bon déroulement des activités de l'entreprise, mais par le dessein d'octroyer un avantage aux intéressés ; que, dans cette mesure, le Conseil d'Etat a annulé l'instruction du 13 novembre 2000 ; que l'instruction 3 D-3-02 du 15 juillet 2002 a tiré les conséquences de cet arrêt en indiquant que les seules dépenses dont l'exclusion du droit à déduction était déjà prévue par le décret du 27 juillet 1967 précité étaient les dépenses d'hébergement et de logement supportées par les entreprises au bénéfice de leurs dirigeants et salariés, et qu'en revanche, les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles supportées au bénéfice de ces personnes ouvraient désormais droit à déduction dans les conditions habituelles, dès lors qu'elles étaient nécessaires à l'exploitation, comme les dépenses de logement, de restaurant, de réceptions et de spectacles supportées au bénéfice de tiers ; que cette instruction prévoit que les redevables qui n'avaient pas exercé leur droit à déduction pouvaient récupérer la taxe ayant grevé les dépenses engagées entre le 1er janvier 1996 et le 30 avril 2002, soit par imputation sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la taxe ayant grevé les dépenses supportées du 1er décembre 1997 au 30 avril 2002, soit par voie de réclamation contentieuse s'agissant de la taxe ayant grevé les dépenses supportées du 1er janvier 1996 au 30 novembre 1997 ; qu'enfin, le décret n° 2002-1466 du 12 décembre 2002 a modifié l'article 236 de l'annexe II qui prévoit désormais que, sauf exceptions limitativement énumérées, « la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses supportées par les entreprises pour assurer le logement de leurs dirigeants et de leur personnel est exclue du droit à déduction. » ;

Considérant que par son arrêt du 19 septembre 2000, 177/99 et 181/99, Ampafrance SA et Sanofi Synthelabo, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré invalide la décision du Conseil des communautés européennes d'autoriser la France à maintenir l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des frais de restaurant, réception et spectacles ; que cet arrêt, qui a une influence sur le bien-fondé d'un refus de restitution de taxe sur la valeur ajoutée relative aux frais ci-dessus énoncés, était de nature à motiver une demande de restitution émanant de la société requérante, malgré la circonstance que l'administration persistait à refuser la restitution de taxe sur la valeur ajoutée relative à ces frais ; qu'il a ainsi constitué un événement au sens des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de nature à faire courir le délai de deux ans prévu à cet article ; que l'instruction administrative précitée du 13 novembre 2000, qui a maintenu l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les dépenses ayant grevé les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles exposées au profit des dirigeants et des salariés des entreprises, n'était pas de nature à servir de base légale à un refus de restitution de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, l'annulation de ses dispositions par l'arrêt du Conseil d'État du 27 mai 2002, « Syndicat de l'industrie des technologies de l'information », n'a pu constituer un nouvel événement au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de nature à rouvrir un nouveau délai de réclamation de deux ans au profit de la société requérante et, au surplus, n'a pas eu pour effet de révéler la non-conformité d'une règle de droit à une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dès lors que cette instruction ne pouvait servir de base légale aux impositions en litige ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation dont disposait la société requérante a expiré le 31 décembre 2002 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante le délai dont elle disposait pour présenter sa réclamation était, non pas de quelques mois, mais de plus de deux ans en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que ce délai n'aurait pas eu un caractère raisonnable ; qu'enfin, la société MENTOR GRAPHICS FRANCE n'établit pas que les modalités de fixation des délais de réclamation énoncés ci-dessus seraient contraires aux dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la réclamation présentée par la société requérante le 28 mai 2004 était tardive et irrecevable ;

Considérant que la société MENTOR GRAPHICS FRANCE fait valoir que l'émission de factures rectificatives pourrait constituer également un événement au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, ces factures, qui se borneraient à faire apparaître le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sans en modifier le montant, ne pourraient être regardées comme de tels événements ; qu'en tout état de cause, la société requérante n'a produit aucune facture ni en première instance ni en appel ; qu'ainsi, elle n'établit pas qu'elle remplissait les conditions nécessaires pour bénéficier de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévaut à l'appui de sa demande de restitution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MENTOR GRAPHICS FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





DECIDE :




Article 1er : La requête de la société MENTOR GRAPHICS FRANCE est rejetée.

06VE00189 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00189
Date de la décision : 17/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SAYAG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-12-17;06ve00189 ?
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