Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Jean-Claude X, demeurant ..., par Me Roumier, avocat au barreau du Val-d'Oise ;
Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Jean-Claude X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0004275 en date du 17 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mai 2000 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a autorisé son licenciement, ensemble la décision de l'ingénieur de l'industrie et des mines de Versailles en date du 15 octobre 1999 ;
2°) d'annuler les deux décisions susvisées ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que, lors de l'entretien préalable à son licenciement, qui s'est déroulé le 15 juillet 1999, il lui a été reproché, sans élément de preuve, de ne pas avoir établi de bons de livraison les 31 mai, 8 juin et 5 juillet 1999 à l'occasion de chargements de matériaux par des camions de la société Rémi Martin, venus s'approvisionner à la carrière d'Achères, exploitée par la société GSM, son employeur ; que le témoignage du chef de la carrière, dont il a eu connaissance lors de réunion du comité d'établissement qui s'est tenu le 20 juillet 1999, est peu clair ; que les éléments produits par la société GSM devant le ministre puis devant le tribunal ne démontrent pas sa responsabilité ; que le tribunal n'a pas tenu compte de l'existence de plusieurs entrées et sorties et d'une bretelle de contournement du pont à bascule ; qu'il n'a été produit aucun élément justificatif permettant de démontrer qu'aucun bon n'aurait été établi pour la société Rémi Martin et qu'il aurait laissé passer les camions sans établir ces bons ; que les décisions de l'ingénieur de l'industrie et des mines et du ministre sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que c'est également au prix d'une erreur manifeste d'appréciation que le tribunal a pris en considération un rapport de détectives privés au motif qu'il s'agissait d'un contrôle mis en place par la société pour surveiller les véhicules entrant et sortant de la carrière et non pour surveiller l'activité des salariés ; qu'il s'agit d'un mode de preuve illicite entachant la décision de nullité ; qu'antérieurement aux faits litigieux, la direction de la société a tenté de négocier son licenciement pour faute en lui proposant le versement d'une indemnité ; qu'ainsi, la preuve de la discrimination est apportée ; que la décision de l'ingénieur de l'industrie et des mines n'est pas suffisamment motivée et est fondée sur des déclarations générales et imprécises de l'employeur ; que le représentant du ministre n'a pas interrogé les entreprises mises en cause par la société GSM pour avoir bénéficié de matériaux sans acquitter le prix correspondant ; que le constat d'huissier qu'il produit, établi les 10 et 21 décembre 1999, révèle qu'en raison des trois points de passage pour véhicules, dont les portails restent ouverts, et de la bretelle de contournement du point de contrôle, les véhicules peuvent entrer et sortir du site librement ; que la demande d'autorisation de son licenciement était motivée par des considérations liées à son mandat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- les observations de Me Van Der Beken, avocat, pour M. X et de Me Mordant, avocat, pour la société GSM ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par décision du 15 octobre 1999, l'ingénieur de l'industrie et des mines de Versailles a autorisé le licenciement pour faute de M. X, salarié de la société GSM, qui détenait des mandats de délégué syndical et de membre du comité d'entreprise ; que le recours hiérarchique formé par M. X a été rejeté par une décision du ministre chargé du travail en date du 5 mai 2000 ; que M. X interjette appel du jugement du 17 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où le licenciement est motivé par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salariés sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du contrat dont il est investi ;
Considérant que M. X exerçait au sein de la société GSM, qui exploite la carrière d'Achères, des fonctions d'employé de bascule, chargé du pesage des camions venant s'approvisionner en sable et en granulats ; que, pour demander à l'ingénieur de l'industrie et des mines l'autorisation de licencier ce salarié, la société GSM a invoqué la faute qu'il aurait commise les 31 mai, 8 juin et 5 juillet 1999 en s'abstenant de procéder à la pesée de camions entrant et sortant de la carrière, opération permettant de déterminer la quantité de matériaux prélevés et déclenchant l'établissement électronique d'un bon sur la base duquel est opérée la facturation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à M. X, qui était affecté au pesage des véhicules le 31 mai 1999, reposent sur la déclaration effectuée par le responsable de la carrière à ses supérieurs hiérarchiques, à une date non précisée ; que cette déclaration a été reprise par le chef de la carrière le 20 juillet 1999 lors de son audition par le comité d'établissement, au cours de laquelle il a précisé qu'un même camion, appartenant à la société Rémi Martin, avait procédé à un chargement de matériaux à cinq reprises le 31 mai 1999 ; qu'en ce qui concerne des faits similaires qui se seraient produits le 5 juillet 1999, l'ingénieur de l'industrie et des mines et le ministre chargé du travail se sont référés aux attestations de deux agents d'une société exerçant une activité d'enquêtes et de filatures, selon lesquelles un camion de la société Rémi Martin aurait prélevé du sable à cette date puis l'aurait déchargé sur le chantier d'un pavillon en construction ; qu'en admettant même qu'un véhicule appartenant à une société qui n'est pas identifiée comme étant une cliente habituelle de la société GSM se soit approvisionné à la carrière d'Achères les 31 mai et 5 juillet 1999, il ne résulte ni de la déclaration du chef de la carrière ni des deux attestations susmentionnées que M. X se serait abstenu de procéder aux pesées lors du passage des véhicules sur la bascule et d'établir les bons correspondants ; que si, pour étayer cette affirmation, la société GSM se réfère également à une attestation de son directeur régional en date du 30 août 1999, selon laquelle aucun bon de livraison n'a été établi au nom de la société Rémi Martin les 31 mai et 5 juillet 1999, cette attestation, qui a été remise à l'ingénieur de l'industrie et des mines mais n'a été produite ni devant le Tribunal ni devant la Cour, n'a, à aucun moment de la procédure, été accompagnée d'un état récapitulatif émanant du service comptable ou du service commercial de la société GSM et désignant les entreprises venues s'approvisionner à la carrière d'Achères aux deux dates susmentionnées ; que la société GSM a également indiqué à l'ingénieur de l'industrie et des mines auprès duquel elle a sollicité l'autorisation de licencier M. X que ce dernier s'était abstenu d'établir un bon de livraison le 8 juin 1999 alors qu'à cette date, un camion de la société Rémi Martin avait procédé à de nouveaux prélèvements de sable ; que toutefois, aucune pièce du dossier ne corrobore cette allégation qui ne repose ni sur la déclaration du chef de la carrière, lequel n'a mentionné que la date du 31 mai 1999 lors de son audition par le comité d'entreprise le 20 juillet 1999, ni sur aucun autre témoignage d'une personne qui se serait trouvée sur place à cette date, ni sur l'attestation susmentionnée du directeur régional en date du 30 août 1999, qui ne fait état d'aucun retrait de matériaux non suivi de l'édition d'un bon de livraison à la date du 8 juin 1999 ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que la carrière comporte trois voies d'accès ainsi qu'une « bretelle » permettant de contourner le pont bascule ; que la société GSM n'établit pas que les véhicules ayant procédé à des prélèvements de sable devaient suivre un cheminement les conduisant nécessairement au pont bascule pour y être pesés et se trouvaient ainsi dans l'impossibilité de sortir librement de la carrière ;
Considérant, dans ces conditions, que, compte tenu de la configuration des lieux et eu égard aux termes imprécis dans lesquels ont été rédigées les diverses attestations mentionnées ci-dessus, qui émanent, pour certaines d'entre elles, de personnes n'ayant pas été les témoins directs des faits litigieux et qui ne sont corroborées par aucun indice probant, la matérialité des faits ne peut être regardée comme établie, comme l'a d'ailleurs jugé le Tribunal de grande instance de Versailles dans son jugement du 21 février 2006 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. X, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions litigieuses ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat et la société GSM à payer à M. X une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 17 novembre 2003 est annulé.
Article 2 : Les décisions de l'ingénieur de l'industrie et des mines de la région Ile-de-France en date du 15 octobre 1999 et du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 5 mai 2000 sont annulées.
Article 3 : L'Etat et la société GSM sont condamnés à payer à M. X une somme de 1 000 chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 04VE00255 2