Vu l'ordonnance, en date du 2 septembre 2005, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 12 septembre 2005, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles, la requête présentée pour M. Perdro X demeurant chez Mme Huguette Y ..., par Me Cahen-Salvador ;
Vu la requête, enregistrée le 25 août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris par laquelle M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501932 du 17 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement attaqué en tant qu'il rejette sa demande d'annulation n'est pas suffisamment motivé ; qu'il est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne l'atteinte à sa vie privée et familiale ; que l'arrêté de reconduite est insuffisamment motivé ; que le premier juge a commis une erreur d'appréciation ; qu'il apporte la preuve de sa résidence habituellement en France et en Guyane depuis plus de dix ans conformément aux dispositions de la circulaire du 7 mai 2003 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'application de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ; que n'ayant plus d'attache dans son pays d'origine eut égard à ses attaches familiales en France et en Guyane l'arrêté ordonnant sa reconduite méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2006 :
- le rapport de M. Bonhomme, magistrat délégué ;
- les observations de Me Cahen-Salvador, avocat, représentant M. X ;
- et les conclusions de M.Bresse, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a répondu à tous les moyens dont il était saisi ; qu'ainsi M. X n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité haïtienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er septembre 2004, de la décision en date du 26 août 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : “Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” est délivrée de plein droit : (...) 3° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (…) ;
Considérant que M. X est entré en France en janvier 1993 ; qu'après avoir sollicité l'asile politique depuis le département de la Guyane, il a sollicité le 2 février 2004 un titre de séjour en se prévalant d'une résidence habituelle de dix ans en France ; que les justificatifs qu'il produit pour les années 1993 à 1999 relative à son séjour dans le département d'outre-mer de la Guyane sont suffisants pour établir qu'il a résidé de façon continue dans ce département d'outre-mer de 1993 au 22 juillet 2000, date du transfert de sa résidence en métropole ; qu'ainsi M. X justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée ; qu'il pouvait donc prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées du 3°) de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de munir l'étranger d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de la Seine-Saint-Denis de se prononcer sur la situation de M. X, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir ce délai d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. X demande au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0501932 en date du 17 juin 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté de reconduite à la frontière du 28 février 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer sur la situation de M. X, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N°05VE01725
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