Vu, enregistrée le 17 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, la requête présentée pour M. Gérard Y, demeurant ..., par Me Chatenet, avocat au barreau de Paris ; M. Gérard Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9903565 en date du 2 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à l'Institut national de la recherche agronomique les sommes de :
- 124 474 euros solidairement avec les sociétés Chiumento et Via France ainsi que le CEBTP ;
- 43 074 euros solidairement avec la société CDM ;
- 20 104 euros solidairement avec les sociétés CDM et SPAPA ;
- 7 193 euros solidairement avec la société SPAPA ;
- 4 545 euros solidairement avec la société Chiumento ;
- 9 174 euros solidairement avec les sociétés CDM, SPAPA et Chiumento,
en réparation du préjudice résultant des désordres ayant affecté le bâtiment à usage de restaurant administratif situé à Jouy-en-Josas ;
2°) de limiter sa part de responsabilité à 25 % au titre des affouillements du terrain d'assise et au tiers au titre de l'étanchéité de la terrasse niveau 1, de la terrasse niveau 2, de la laverie et du mur amont niveau 1 ;
3°) de réduire le montant de l'indemnité accordée à l'Institut national de la recherche agronomique au titre des désordres résultant des affouillements du terrain d'assise ;
Il soutient que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en retenant sa responsabilité à hauteur de 70 % en ce qui concerne les affouillements dans le terrain d'assise du bâtiment ; que la circulation d'eau dans le terrain n'a pas été signalée dans le rapport d'étude de sols du 13 janvier 1986 établi par le CEBTP ; qu'il n'était pas précisé que les fondations devaient être soustraites aux effets des circulations d'eau ; que le CEBTP, qui est intervenu en véritable maître d'oeuvre, n'ignorait pas la nécessité d'entailler le terrain pour construire le bâtiment ; qu'il n'a pas formulé d'observations sur le choix des fondations et sur la mise en place d'un drainage ; que la responsabilité de l'architecte ne peut qu'être inférieure à celle du CEBTP et doit être partagée par moitié avec celle des sociétés Viafrance et Chiumento qui n'ont pas formulé de réserves sur le mode de fondations ; que la société Chiumento ne s'est pas conformée aux plans d'exécution ; que les désordres affectant les fondations sont également imputables à l'INRA qui n'a pas entretenu le réseau de drainage, dont les canalisations ont été obstruées ; qu'en ce qui concerne les désordres affectant la terrasse du niveau 1, le maître de l'ouvrage a supprimé le traitement d'étanchéité par mesure d'économie ; que même si cette prestation n'était pas imposée par les documents techniques unifiés, la majeure partie des travaux de réparations doit demeurer à la charge du maître de l'ouvrage puisqu'il s'agit de travaux qu'il a refusés à l'origine ; que la part de responsabilité de l'architecte ne peut excéder un tiers de la responsabilité incombant aux constructeurs ; que le défaut d'étanchéité sous la laverie est imputable à la société CDM qui a posé le carrelage ; que si les désordres affectant la terrasse du niveau 2 sont imputables à une faute de conception, il s'agit de la conception technique qui relève de la seule compétence des entreprises ; que, pour ces deux catégories de désordres, comme pour ceux affectant le revêtement isolant du mur amont au niveau 1, la part de responsabilité de l'architecte ne peut être supérieure au tiers des condamnations prononcées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- les observations de Me Revel-Basuyaux, pour la société Spapa et de Me Amathieu-Ruckert, pour Me X, administrateur provisoire de la société Chiumento ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'en vue de la construction d'un bâtiment à usage de restaurant administratif situé à Jouy-en-Josas, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à M. Y, architecte, après avoir confié la réalisation d'une étude des sols à la société Centre expérimental du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) ; que l'établissement a, par marchés séparés, confié les lots terrassements-VRD, maçonnerie-béton armé, carrelages et étanchéité respectivement aux sociétés Viafrance, Chiumento, CDM et Viturat, aux droits laquelle se trouve désormais la société Asten ; que des désordres ayant affecté ce bâtiment, l'INRA a mis en cause la responsabilité décennale de ces divers constructeurs devant le tribunal administratif de Versailles qui, par jugement du 2 juillet 2004, a condamné M. Y solidairement avec les entreprises susmentionnées à réparer les conséquences dommageables résultant de ces désordres, sur le fondement des principes dont s'inspirent les dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil ; que M. Y fait appel de ce jugement en tant que, par ledit jugement, le tribunal, d'une part, a fixé la part de responsabilité lui incombant à 70 % en ce qui concerne la survenance des désordres affectant les fondations et à 50 % en ce qui concerne les désordres affectant la terrasse située au niveau 1, la laverie, la terrasse située au niveau 2 et le revêtement isolant du mur amont au niveau 1 et, d'autre part, n'a retenu aucune part de responsabilité à la charge de l'INRA dans l'apparition de ces désordres ;
En ce qui concerne les affouillements dans le terrain d'assise :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'étude géotechnique à laquelle il a procédé à la demande de l'INRA, le CEBTP a signalé, dans son rapport de reconnaissance des sols en date du 13 janvier 1986, un risque d'instabilité du talus ainsi que la présence d'eau à faible profondeur, dont les niveaux ont été repérés dans les forages ; que le projet de construction conçu par M. Y comportait un creusement important du terrain en dépit du risque d'instabilité susmentionné et prévoyait un système de fondations superficielles sur semelles qui ne comportaient pas de protection contre les conséquences de l'écoulement d'une nappe d'eau souterraine ; qu'en outre, alors que le CEBTP avait réalisé son étude en prenant en considération un projet de construction ne comportant pas un sous-sol enterré, l'expert a relevé que la partie amont des niveaux 0 et 1 du bâtiment se trouvait enterrée ; que, dès lors que le CEBTP avait relevé la présence d'eau souterraine, M. Y n'est pas fondé à invoquer l'insuffisance des éléments d'informations contenus dans le rapport susmentionné au motif que les risques de circulations d'eau en sous-sol n'auraient pas été expressément indiqués ; qu'il est également constant qu'à la date à laquelle il a réalisé l'étude de sols, le CEBTP a précisé que le système de fondations ne pourrait être choisi qu'après une définition plus précise de l'implantation du projet sur la parcelle ; qu'ainsi, il appartenait au maître d'oeuvre, eu égard à son rôle de conseil du maître de l'ouvrage, soit de solliciter une nouvelle consultation du CEBTP sur la base du dernier état du projet, soit de choisir un système de fondations approprié tenant compte de l'instabilité du talus, du projet de réalisation d'un sous-sol enterré et du risque d'érosion des terres du fait de la présence de la nappe souterraine ;
Considérant, en second lieu, qu'alors que le chantier était en cours de réalisation, un réseau de drainage périphérique a été installé pour tenter de mettre un terme aux venues d'eau ; que toutefois, l'expert a relevé la capacité insuffisante de cet ouvrage ainsi que les anomalies de son tracé, le dispositif mis en place ayant été conçu afin de mettre le chantier de maçonnerie hors d'eau et non en vue d'assurer une protection durable des fondations contre les résurgences d'eau ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les désordres affectant les fondations ont principalement pour origine une conception défectueuse de l'ouvrage en raison, d'une part, du creusement trop important du talus et du système retenu pour les fondations, qui n'était pas approprié aux caractéristiques du terrain d'assise du bâtiment et, d'autre part, du caractère inadapté du réseau de canalisations à la configuration des lieux ; que toutefois, pour atténuer sa responsabilité, M. Y invoque le comportement fautif de l'INRA en faisant valoir que cet établissement s'est dispensé de faire appel à un contrôleur technique et s'est abstenu d'entretenir le réseau de drainage ; qu'il soutient également que la part de responsabilité laissée à la société CEBTP et aux sociétés Viafrance et Chiumento est insuffisante au regard des fautes commises par ces entreprises ;
Considérant que les dispositions de l'article 1-4 du cahier des clauses administratives particulières précisaient que les travaux n'étaient pas soumis au contrôle technique ; que si M. Y estimait qu'eu égard à la conception projetée de l'ouvrage et aux caractéristiques du terrain, dont il avait connaissance, il convenait d'avoir recours aux prestations d'une entreprise spécialiste du contrôle technique, il lui appartenait, eu égard à son rôle de conseil auprès du maître de l'ouvrage, d'émettre toutes réserves utiles sur les risques d'érosion du terrain du fait de la présence de la nappe d'eau et d'attirer son attention sur la nécessité de faire intervenir un contrôleur technique ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. Y, la circonstance que l'INRA, qui avait pris soin de faire procéder à une étude de sols avant le démarrage des travaux, ait fait le choix de ne pas prévoir une mission de contrôle technique ne caractérise pas un comportement fautif de la part du maître de l'ouvrage ; que, par ailleurs, eu égard à l'absence de lien de causalité entre le défaut d'entretien du réseau de drainage et l'apparition de ces désordres, M. Y n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'entretien des canalisations serait constitutive d'une faute de l'INRA de nature à l'exonérer d'une partie de sa responsabilité ;
Considérant que les indications contenues dans le rapport de reconnaissance des sols établi par la société CEBTP le 13 janvier 1986 étaient suffisantes et ne comportaient aucune erreur ; qu'ainsi, cette société n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission de reconnaissance des sols ; que toutefois, lorsqu'elle a été consultée en 1987, elle n'a pas émis de réserves à l'égard de la capacité du réseau de drainage ; que le tribunal a fait une juste appréciation de sa part de responsabilité en la limitant à 5 % de la condamnation ; qu'enfin, M. Y, qui se borne à contester la part de responsabilité laissée par le tribunal à la charge des sociétés Viafrance et Chiumento, soit respectivement 15 % et 10 %, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur l'importance des fautes d'exécution de ces deux entreprises par rapport aux fautes de conception et de direction des travaux qui lui sont imputées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que l'INRA doit conserver à sa charge une part des conséquences dommageables résultant des désordres relatifs aux affouillements dans le terrain d'assise du bâtiment ; qu'il n'y a pas lieu, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, de modifier la répartition finale de la charge de l'indemnité fixée par le Tribunal entre M. Y, le CEBTP, la société Viafrance et la société Chiumento ;
En ce qui concerne les autres désordres :
Considérant, en premier lieu, que les infiltrations affectant la terrasse située au niveau 1 ont pour origine l'absence de barrière étanche entre une coursive extérieure et l'intérieur du bâtiment ; qu'en outre, la création d'une forme de pente sur mortier de ciment prévue par le cahier des clauses techniques particulières n'a pas été respectée par la société CDM ; qu'ainsi, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les désordres sont dus non à l'absence d'un complexe d'étanchéité mais à une erreur de conception et à une mauvaise exécution des travaux, M. Y ne peut, pour s'exonérer de sa responsabilité, se prévaloir utilement de ce que le maître de l'ouvrage aurait pris la décision, par mesure d'économie, de supprimer le traitement d'étanchéité ; que l'expert précise que les travaux d'étanchéité sont indispensables pour remédier aux désordres, en conséquence de «l'insuffisance de décaisse » résultant de la réalisation défectueuse ; que, par suite, M. Y n'est pas non plus fondé à soutenir que les travaux d'étanchéité préconisés par l'expert pour remédier aux malfaçons et rendre ainsi l'ouvrage conforme à sa destination constitueraient une plus-value devant rester à la charge de l'INRA ; que le requérant ne fait valoir aucun élément de nature à démontrer que le tribunal se serait livré à une mauvaise appréciation des circonstances de l'affaire en le condamnant à garantir la société CDM à concurrence de 50 % des conséquences dommageables des désordres et en condamnant cette entreprise à le garantir dans les mêmes proportions ;
Considérant, en second lieu, que les désordres affectant le sol de la laverie sont dus notamment à une insuffisance de hauteur des relevés d'étanchéité et à la nature du support du revêtement du sol ; que les infiltrations en provenance de la terrasse du niveau 2 ont également pour origine une hauteur insuffisante des relevés d'étanchéité ainsi qu'une malfaçon du plancher terrasse, situation favorisant les pénétrations d'eau ; que les spécifications définies par M. Y n'étaient pas conformes aux documents techniques unifiés applicables ; qu'enfin, les dégradations affectant le mur amont au niveau 1 résultent également des spécifications fautives établies par le maître d'oeuvre qui n'a prévu ni une étanchéité extérieure du mur alors que celui-ci est en contact avec des remblais ni l'installation d'un dispositif de ventilation du doublage du mur ; qu'en décidant que M. Y devrait conserver à sa charge 50 % du montant des condamnations au titre des divers désordres susmentionnés, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de la part de responsabilité incombant au maître d'oeuvre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné, d'une part, conjointement et solidairement avec les autres constructeurs, à réparer les conséquences dommageables résultant des désordres apparus dans le bâtiment de l'INRA à usage de restaurant administratif et, d'autre part, à garantir les divers constructeurs mis en cause à concurrence de 70 % du montant de la condamnation correspondant à la réparation des fondations, comprenant les frais d'études et d'investigations et à concurrence de 50 % du montant des condamnations correspondant à chacun des autres désordres ;
Sur les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions d'appel incident par lesquelles Me X, administrateur provisoire de la société Chiumento, ainsi que les sociétés CEBTP, CDM, Eurovia Participations (se trouvant dans les droits et obligations de la société Via France) et Asten (se trouvant dans les droits et obligations de la société Spapa elle-même dans les droits et obligations de la société Viturat), demandent soit leur mise hors de cause, soit la diminution de la part de responsabilité retenue à leur encontre par les premiers juges, doivent être rejetées ; que les conclusions d'appel provoqué présentées par les constructeurs de l'ouvrage les uns contre les autres ne sont pas recevables, dès lors que la situation des entreprises en cause n'est pas aggravée par le présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Y à verser à l'INRA, à la société CEBTP, à la société CDM, à la société Eurovia Participations, à la société Asten, à Me X, en sa qualité d'administrateur provisoire de la société Chiumento et à la société Bureau d'études Phenerdjian la somme de 500 euros chacun ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.
Article 2 : M. Y est condamné à payer à l'INRA, à la société CEBTP, à la société CDM, à la société Eurovia Participations, à la société Asten, à Me X, en sa qualité d'administrateur provisoire de la société Chiumento et à la société Bureau d'études Phenerdjian la somme de 500 euros chacun.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué sont rejetées.
N° 04VE03257 2