Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Louis X, demeurant ..., par Me Andrieu, avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Louis X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99 6409 du 24 juin 2003 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Versailles lui a seulement accordé la décharge des pénalités de mauvaise foi afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1995 et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susvisées ;
Il soutient que le tribunal n'a pas donné une base légale à sa décision ; que la SCI du 33 B route de Chartres dont il est associé s'est portée acquéreur le 28 juillet 1995 de 19 appartements, 2 locaux commerciaux et 23 parkings dépendant de la résidence Rougement Aigrefoins construite à Gif-sur-Yvette par l'EURL société de l'Yvette, pour un prix total de 12 000 000 F ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration a estimé que la vente révélait une insuffisance de valeur vénale et a considéré que le montant correspondant à cette insuffisance constituait des revenus distribués pour la SCI du 33 B route de Chartres, imposés entre les mains de ses associés à proportion de leur participation au capital social ; que cette vente ne caractérise pas un acte anormal de gestion de la part de l'EURL société de l'Yvette, contrairement à ce que soutient l'administration ; que cette société, qui espérait réaliser des ventes au prix moyen de 17 800 F le m², a constaté que ce montant était surévalué par rapport à la valeur du prix du marché pour des opérations comparables ; qu'elle a dû souscrire auprès du Crédit du Nord, le 25 janvier 1995, un « crédit promoteur » sous la condition préalable de la confirmation des réservations pour un montant total de 5 816 000 F ; qu'à la date de signature de cette convention, seulement quatre contrats de réservation avaient été signés avec des particuliers pour une somme totale de 2 830 000 F et une superficie totale de 166 m² hors caves et parkings ; que les associés de la SCI du 33 bis route de Chartres ont donc personnellement cautionné un emprunt permettant d'acquérir les lots restants pour un prix de 12 000 000 F ; qu'ils ont ainsi supporté les charges financières de l'opération et ont évité à l'EURL société de l'Yvette d'avoir à les prendre en charge ; qu'en outre, une erreur a été commise par l'administration dans le nombre des m² habitables vendus ; que les 19 appartements cédés représentent seulement 906 m² et non 961 m² ; que l'évaluation réalisée par l'administration justifie donc, en raison de l'erreur de superficie, une réduction de 838 200 F ; que, contrairement à ce qui a été jugé, les appartements ne sont pas vendus au prix du m² linéaire ; que le prix de vente est fixé en fonction des types d'appartements ; que la valeur de 17 000 F retenue par l'administration avant abattement est manifestement exagérée ; que d'ailleurs, sur les quatre ventes réalisées avec des particuliers, seuls les « F1 et F2 » ont été vendus à un prix au m² supérieur aux prévisions, soit 17 800 F, alors que le « F3 » a été vendu avec une décote de 21 % par rapport au prix prévisionnel ; que de même, dans les deux à quatre années qui ont suivi les acquisitions litigieuses, la SCI du 33 bis route de Chartres n'a pu céder ses biens qu'à hauteur de 13. 333 F le m² ; qu'en cédant les locaux aux associés, l'EURL société de l'Yvette a économisé les frais de commercialisation ; que le service n'a procédé à aucune valorisation des locaux commerciaux ; que sa méthode, excessivement sommaire, voire viciée dans son principe, aboutit à une évaluation qui ne correspond ni à la valeur vénale du marché ni à la valeur économique ;
…………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, dans la notification de redressement du 17 mars 1998, l'administration a exposé à M. et Mme Louis X les circonstances de fait sur lesquelles elle se fondait pour réintégrer dans leur revenu afférent à l'année 1995 une somme de 1 138 280 F, qu'elle considérait comme une libéralité assimilable à un revenu distribué ; qu'elle a également précisé que cette somme était imposable en application du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, et en tout état de cause, M. Louis X ne saurait soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité à raison d'une motivation insuffisante de la notification de redressement au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (…) » ;
Considérant que l'EURL société de l'Yvette, qui exerce une activité de promotion immobilière, a mis en vente un ensemble immobilier qu'elle a fait édifier à Gif-sur-Yvette ; que, le 28 juillet 1995, elle a vendu à des particuliers quatre locaux d'habitation comprenant chacun une cave et un emplacement de stationnement pour un prix global de 2 830 000 F TTC ; qu'à la même date, elle a cédé à la SCI du 33 bis route de Chartres, dont M. Louis X est associé, vingt locaux d'habitation comprenant également une cave et un emplacement de stationnement, ainsi qu'un local commercial et vingt-trois parkings seuls, pour un prix total de 12 000 000 F ; que, constatant au regard des superficies en cause que le prix de vente moyen au mètre carré des quatre appartements vendus à des particuliers s'établissait à 17 000 F TTC, alors que le prix des locaux d'habitation cédés à la SCI du 33 bis route de Chartres s'élevait à 12 000 F le mètre carré, l'administration a considéré que la cession du bien pour un prix inférieur à sa valeur vénale présentait le caractère d'une libéralité et était constitutive d'un acte anormal de gestion ; qu'elle a, en conséquence, notifié à l'EURL société de l'Yvette un redressement de son bénéfice imposable au titre de l'année 1995, correspondant à la différence entre la valeur vénale de l'immeuble et le prix de cession ; que, tirant également les conséquences de cette opération à l'égard de la SCI du 33 bis route de Chartres, elle a regardé l'avantage dont avait bénéficié cette dernière comme un revenu distribué ; que M. et Mme Louis X, qui détiennent la moitié du capital social de cette société, ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à concurrence de leur droits dans ladite société ;
Considérant que, s'il incombe à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a commis un acte anormal de gestion en cédant un immeuble moyennant un prix inférieur à sa valeur vénale, la charge de la preuve est transférée au contribuable, conformément aux règles du droit commun, si celui-ci a accepté les redressements ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Louis X n'a pas fait connaître, dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, son désaccord avec les redressements envisagés par le vérificateur, mentionnés dans la notification de redressement rectificative du 17 mars 1998, laquelle précisait qu'elle annulait et remplaçait celle du 18 décembre 1997 ; que, par suite, il ne peut obtenir par la voie contentieuse la décharge des impositions qu'il conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par le service ;
Considérant que la cession, à un prix inférieur à leur valeur vénale, d'immeubles construits par une société constitue un acte anormal de gestion qui justifie la réintégration de la différence dans les résultats sociaux ;
Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa requête, M. Louis X produit une lettre du 26 décembre 1994 par laquelle le Crédit du Nord faisait part à l'EURL société de l'Yvette de son accord pour l'octroi d'un crédit promoteur sous réserve que M. Bruno X et lui-même apportent leur caution à titre de garantie ; que le requérant soutient que, dès lors que la charge financière de cet emprunt a été supportée par les associés de la SCI du 33 bis route de Chartres, l'EURL ne saurait être regardée comme ayant accompli un acte anormal de gestion en procédant à la cession des divers lots aux conditions rappelées ci-dessus, eu égard à la contrepartie qu'elle a retirée de cette caution ;
Considérant toutefois qu'il n'est nullement établi ni d'ailleurs allégué que, à la suite de la demande susvisée du Crédit du Nord, M. Louis X aurait consenti un engagement de caution afin de permettre à l'établissement bancaire de délivrer le prêt à l'EURL société de l'Yvette et qu'il se serait trouvé contraint, ultérieurement, d'effectuer des versements en exécution de cet engagement ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à invoquer l'existence d'une contrepartie qui justifierait selon lui, le prix de vente des biens immobiliers ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Louis X invoque un calcul erroné dans la détermination, par l'administration, de la valeur vénale des appartements, l'erreur tenant au fait, selon lui, que le service aurait pris en compte une superficie de 961 m² de locaux d'habitation, correspondant à vingt appartements, alors que l'opération aurait porté sur 906 m² répartis en dix-neuf appartements ;
Considérant qu'en admettant même, comme le prétend le requérant, qu'une erreur ait affecté la répartition entre les locaux d'habitation et les locaux commerciaux, il n'est pas établi qu'en acceptant de considérer comme une offre promotionnelle la cession d'un seul local commercial au lieu de deux, le montant total de la valeur vénale des divers biens cédés, tel qu'arrêté par le service à la somme de 14 700 000 F après un abattement de 10 %, serait entaché d'inexactitude au regard de l'opération dans son ensemble ; qu'en outre, M. Louis X n'établit pas qu'en attribuant au lot litigieux le même prix au mètre carré que celui qui a été retenu pour les locaux d'habitation, l'administration aurait entaché son évaluation d'inexactitude ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Louis X critique la méthode retenue par l'administration, qui a consisté à déterminer un prix de vente moyen au mètre carré, en faisant valoir que les prix de vente sont fixés en fonction des types d'appartements ;
Considérant que, constatant que l'EURL société de l'Yvette avait vendu le 28 juillet 1995 quatre appartements à des particuliers pour un prix moyen de 17 000 F le mètre carré, alors que l'ensemble des autres locaux avait été cédé à la même date, à la SCI du 33 bis route de Chartres, pour un prix moyen de 12 400 F le mètre carré, l'administration a retenu le prix moyen susvisé de 17 000 F le mètre carré et l'a rapporté à la superficie totale des locaux d'habitation vendus à la société civile immobilière ; que ce montant se trouve corroboré par les données figurant sur un document commercial dénommé « fiche de résidence », dont le vérificateur a fait état dans la réponse aux observations du contribuable qu'il a adressée le 17 mars 1998 à l'EURL société de l'Yvette, en relevant que le prix de vente moyen prévisionnel des lots des bâtiments A et B s'élevait respectivement à 17 600 F et 17 900 F le mètre carré ; qu'en outre, la cession globale ayant permis à l'EURL d'économiser des frais de commercialisation, l'administration a pratiqué un abattement de 10 % ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. Louis X, la comparaison de cessions intervenues à la même date au sein d'un même ensemble immobilier, appuyée en outre sur des éléments chiffrés émanant de la société cédante, ne saurait être regardée comme procédant d'une méthode excessivement sommaire ; que si M. Louis X fait valoir, sans aucun commencement de justification, que la SCI du 33 bis route de Chartres a cédé ultérieurement les biens qu'elle avait achetés le 28 juillet 1995 à un prix inférieur au prix d'acquisition, cette opération ne saurait constituer un élément sérieux de comparaison dès lors qu'il résulte des écritures du requérant lui-même que ces cessions sont intervenues entre 1997 et 1999, soit deux à quatre ans après l'opération litigieuse ; qu'enfin, l'allégation selon laquelle la cession des quatre appartements ayant été faite à des « tiers amis », le prix moyen au mètre carré dégagé lors de cette transaction ne correspondrait pas à la valeur vénale des biens n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé éventuel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Louis X ont été régulièrement taxés, en leur qualité d'associés de la SCI du 33 bis route de Chartres, sur leur quote-part des bénéfices sociaux rectifiés selon les modalités décrites ci-dessus ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée qui lui ont été assignées au titre de l'année 1995 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Louis X, associé de la SCI du 33 bis route de Chartres, est également le président-directeur général de la SA Cyme, laquelle est l'associée unique de l'EURL société de l'Yvette ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'activité professionnelle exercée par M. Louis X, ce dernier ne pouvait ignorer que la cession des locaux était réalisée à un prix anormalement bas et qu'il retirait des revenus distribués de cette opération ; qu'ainsi, l'administration a établi l'intention du contribuable d'éluder l'impôt et, par suite, son absence de bonne foi ; que, dans ces conditions, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé, par la voie du recours incident, à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a, par son jugement du 24 juin 2003, accordé au requérant la décharge des pénalités de mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement susvisé, de remettre à la charge de M. Louis X le montant des pénalités de mauvaise foi et de rejeter sa requête ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 99 6409 en date du 24 juin 2003 est annulé.
Article 2 : La majoration de 40 % pour mauvaise foi des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée au titre de l'année 1995 est remise à la charge de M. Louis X.
Article 3 : La requête de M. Louis X est rejetée.
03VE03751 2