Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par la SA SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE, dont le siège social est situé ... à Guyancourt (78280) ;
Vu la requête enregistrée le 1er février 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SA SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9916097 du 8 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 et des pénalités y afférents ;
2°) de prononcer la décharge demandée, d'un montant de 923 033 F en droits et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la société en nom collectif Screg Ile de France Est, aux droits et obligation de laquelle elle vient, a justifié lors du contrôle fiscal de la réalité des prestations de services facturées par quatre bureaux d'études par des documents autres que les factures ; qu'elle prouve par les documents produits à l'appui de sa requête le caractère effectif des prestations fournies par ces sociétés ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2005 :
- le rapport de M. Bonhomme, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête relatives à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271-1, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, ainsi que de l'article 223-1 de l'annexe II à ce même code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir que la société facturière n'avait pas d'activité réelle ou qu'elle n'avait pas effectivement fourni de marchandise ou de prestation de services et que les factures qu'elle émettait étaient des factures fictives ou de complaisance ; que dans ce cas, il revient au contribuable de justifier que la facture qu'il a réglé correspond néanmoins à une marchandise réellement fournie ou à une prestation réellement exécutée ;
Considérant que la SNC Screg Ile-de-France Normandie Est, devenue la SA SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1992, 1993 et 1994, à la suite de laquelle le service a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures émises par les entreprises Gifco, Sicopar, Sopareco et Précobat et réglées au cours des années litigieuses, au motif que la société n'avait pas démontré le caractère effectif des prestations faisant l'objet des factures émanant de ces quatre prestataires de services ;
Considérant que devant la cour, la société requérante produit en ce qui concerne ses relations avec la société Sicopar, un protocole d'accord général et la convention conclus respectivement le 1er janvier 1984 et 18 juin 1992, les conventions particulières de mise en oeuvre des protocoles d'accord généraux conclues respectivement les 9 février 1990, 24 avril 1990, 23 mai 1991 et 6 mai 1992, ainsi que divers avenants ; en ce qui concerne ses relations avec la société Gifco SA, trois protocoles d'accord particuliers en date des 24 octobre 1992 et 11 mai 1992 ; en ce qui concerne la société Sopareco, une convention particulière de mise en oeuvre du protocole d'accord général conclu le 5 avril 1990 ; que si le ministre fait valoir que les justificatifs ainsi fournis, libellés en termes généraux se réfèrent à des missions de rationalisation et d'organisation de l'offre ou d'analyse du marché, tandis que les factures mentionnent des missions de prospection ou d'assistance technique et commerciale qui devraient donner lieu à des traces écrites des analyses, démarches ou études qu'aurait effectuées pour le compte de la redevable les sociétés mandatées par elle, la société requérante établit la réalité de l'entremise commerciale effectuée par les sociétés Sicopar, Gifco et Sopareco, entremise ayant permis l'obtention de marchés en contrepartie d'une commission et qui, en raison de son caractère immatériel n'avait pas nécessairement donné lieu à l'établissement d'études techniques ou de rapports d'exécution ; qu'il s'ensuit que l'administration ne pouvant être regardée comme apportant la preuve, dont elle supporte la charge, de l'absence de prestation effective, la société SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE était fondée à demander la déduction de la taxe figurant sur les factures en cause ;
Considérant, en revanche, qu'en produisant en réponse aux critiques de l'administration un simple état statistique informatique, la société requérante ne justifie pas de l'exécution d'une prestation à la société Précobat ; que le ministre devant être regardé comme rapportant la preuve qui lui incombe, la société SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE n'est pas fondée à demander la déduction de la taxe figurant sur les factures émises par cette société ;
Sur les pénalités exclusives de bonne foi :
Considérant qu'en se bornant à soutenir que la SA SCREG ILE-DE-FRANCE NORMANDIE ne pouvait pas ignorer que les prestations qui lui étaient rendues à titre d'entremise ne correspondaient pas aux prestations mentionnées sur les factures qui lui étaient adressées par les intermédiaires qu'elles avaient mandatées, l'administration ne saurait être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la redevable, dont la charge lui incombe, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un certain nombre de factures que le service avait écartées du droit à déduction correspondaient à des prestations effectives ; qu'il y a lieu d'accorder la décharge de l'ensemble des pénalités mises à la charge de la requérante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SCREG ILE DE FRANCE NORMANDIE est fondée à soutenir dans la limite de la décharge ci-dessus indiquée que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la SA SCREG ILE DE FRANCE NORMANDIE tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à la SA SCREG ILE DE FRANCE NORMANDIE une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la société Screg Ile de France la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994, en tant que ces rappels résultent du rejet de déduction de la taxe figurant sur les factures émanant des sociétés Gifco SA, Sicopar, Sopareco, ainsi que de la totalité des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été assignées.
Article 2 : Le jugement n° 9916097 du 8 novembre 2001 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article premier ci-dessus.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à la SA SCREG ILE DE FRANCE NORMANDIE la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA SCREG ILE DE FRANCE NORMANDIE est rejeté.
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