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16/06/2005 | FRANCE | N°05VE00079

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 16 juin 2005, 05VE00079


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500001 du 5 janvier 2005 en tant que par ce jugement le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdulbari X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Abdulbari X devant le Tribunal administratif de Versaill

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Le PREFET DE L'ESSONNE soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière es...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500001 du 5 janvier 2005 en tant que par ce jugement le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdulbari X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Abdulbari X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le PREFET DE L'ESSONNE soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière est suffisamment motivé ; que c'est à tort que le premier juge a retenu qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite en raison de la demande de réexamen de sa qualité de réfugié qu'il avait déposée le 6 mai 2004, dès lors que cette demande n'avait pas été présentée en personne par l'intéressé ; que cette nouvelle demande ne s'appuie sur aucun élément nouveau ; que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour est inopérant à l'appui des conclusions en annulation de l'arrêté de reconduite ; que ce moyen ne repose pas sur des faits suffisamment établis en tant qu'il est dirigé contre la décision distincte fixant le pays de renvoi ; que l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. Abdulbari X qui ne démontre pas ne plus avoir d'attaches en Turquie ;

Vu le jugement attaqué ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2005 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon , magistrat délégué ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Abdulbari X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 avril 2004, de la décision du PREFET DE L'ESSONNE du 5 avril 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi susvisée du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. ; qu'aux termes de son article 2 dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce L'office ne peut être saisi d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié qu'après que le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, a enregistré la demande d'admission au séjour du demandeur d'asile ; qu'aux termes du troisième alinéa ajouté à l'article 3 du décret du 2 mai 1953 par le décret du 14 mars 1997 : Lorsque, à la suite d'une décision de rejet devenue définitive d'une précédente demande, l'intéressé entend soumettre à l'office des éléments nouveaux, cette nouvelle demande doit être précédée d'une nouvelle demande d'admission au séjour (...) ; qu'enfin, en vertu de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 susvisé réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers, les étrangers sollicitant leur admission au séjour doivent se présenter personnellement, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture, à la sous-préfecture ou au commissariat de police ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par lettre en date du 4 mai 2004, envoyée par courrier avec accusé de réception le 6 mai 2004, M. X a sollicité tant le réexamen de sa situation au regard du droit d'asile que l'obtention d'un titre de séjour ; qu'il est constant que sa précédente demande d'asile a été rejetée par décision du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 23 juillet 2003 devenue définitive le 19 février 2004 après rejet du recours qu'il avait formé à son encontre devant la commission des recours des réfugiés ; que dès lors, l'intéressé aurait dû se présenter en personne au service compétent pour enregistrer sa demande de titre de séjour ; qu'il suit de là que, quand bien même elle aurait rempli les conditions faisant obstacle à ce qu'un refus soit prononcé sur le fondement du 4° de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952, cette demande de réexamen ne conférait pas à elle seule à M. X un droit provisoire au séjour ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé pour ce motif l'arrêté du 30 décembre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Versailles ;

En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :

Considérant en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué manque en fait, celui-ci énonçant les circonstances de fait et de droit justifiant la mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'ESSONNE n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. X avant de prendre la mesure litigieuse ;

Considérant en troisième lieu qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré irrégulièrement en France à l'âge de 34 ans, y a résidé successivement chez un oncle puis chez un cousin, mais que son épouse et son père sont demeurés en Turquie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs elle n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa vie privée et familiale ;

Considérant en dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision prononçant la reconduite à la frontière d'un étranger ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'à l'appui du moyen tiré des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays M. X a produit un document émanant du commandement du poste de gendarmerie du département où il résidait ainsi que sa traduction, pièce en date du 23 mars 2004 de laquelle il ressort que l'intéressé fait l'objet d'un mandat d'arrestation à raison de sa participation à une action de militants du parti kurde PKK, que son domicile a fait l'objet d'une perquisition le 17 janvier 2004 lors de laquelle ont été saisis à son domicile des livres publiés par le PKK, et que son épouse qui a signé le procès verbal a indiqué qu'il aurait fui le pays ; que l'absence d'authenticité de ce document ne pouvant être présumée, l'intéressé doit être regardé comme établissant la réalité et la gravité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Turquie ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé la décision distincte par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE a fixé le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est seulement fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdulbari X ;

D E C I D E

Article 1er : L'article premier du jugement 050001 du tribunal administratif de Versailles en date du 5 janvier 2005 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de l'arrêté en date du 30 décembre 2004 par lequel le PREFET DE L'ESSONNE a décidé de reconduire M. Abdulbari X à la frontière.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

N°05VE00079

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00079
Date de la décision : 16/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND D'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : SAADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-06-16;05ve00079 ?
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