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26/04/2005 | FRANCE | N°05VE00115

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 26 avril 2005, 05VE00115


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 janvier 2005, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0408293 du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 20 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Badibanga X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Badibanga X devant le Tribunal administratif de Cergy-Ponto

ise ;

Il fait valoir que l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune violation des ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 janvier 2005, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0408293 du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 20 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Badibanga X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Badibanga X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il fait valoir que l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucune violation des stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête du PREFET DU VAL-D'OISE a été communiquée à M. Badibanga X, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du Président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2005, donnant délégation à M. Bresse pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R 776-19 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2005 :

- le rapport de M. Bresse, magistrat délégué ;

- les observations de Me Lemoine, substituant Me Monconduit pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité congolaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 4 juin 2004, de la décision du PREFET DU VAL-D'OISE du 9 juillet 2004 abrogeant son autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale et qu'aux termes de l'article 16 de cette même convention : 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ;

Considérant que pour annuler en ce qu'il serait contraire aux articles 3-1 et 16 de la convention des droits de l'enfant l'arrêté préfectoral émis contre M. X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a relevé qu'il est père depuis le 16 août 2004 d'un enfant dont la mère est ressortissante de l'Union européenne et qu'en raison du jeune âge de l'enfant, il est de son intérêt supérieur de ne pas être séparé de son père ; que ces seules circonstances ne sont pas suffisantes, eu égard au caractère récent du séjour en France de M. X, au fait qu'un retour dans son pays d'origine n'obligerait pas M. X à vivre séparé de son enfant et qu'il est également père de deux enfants en bas âge restés au Congo, pour caractériser une violation des dispositions précitées ; que le PREFET DU VAL-D'OISE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention des droits de l'enfant pour annuler l'arrêté litigieux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. X, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière est suffisamment motivé et il ne résulte ni de la motivation de la décision, ni de l'instruction que le PREFET DU VAL-D'OISE n'aurait pas procédé à un examen de l'ensemble de sa situation ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X invoque à son profit l'application des articles 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante portugaise titulaire d'un titre de séjour de longue durée, que de leur union est né un enfant le 16 août 2004 et que ses centres d'intérêts sont désormais en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, du fait qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Congo où résident deux de ses enfants et où il a vécu lui-même jusqu'en novembre 2002, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PRÉFET DU VAL-D'OISE en date du 20 octobre 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées, ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;

Considérant que si M. X fait état de risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses activités politiques, il n'en justifie pas par aucun document probant ; que d'ailleurs, sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié politique a été rejetée successivement par l'office français pour la protection des réfugiés et apatrides et par la commission des recours ;

Considérant qu'il résulte ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 20 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X et la décision fixant le pays de destination ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°0408293 en date du 16 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. X est rejetée.

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00115
Date de la décision : 26/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-04-26;05ve00115 ?
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