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26/04/2005 | FRANCE | N°05VE00033

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 26 avril 2005, 05VE00033


Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2005 en télécopie et le 12 janvier 2005 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406832 du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Djamel X dev

ant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que l'arrêté de re...

Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2005 en télécopie et le 12 janvier 2005 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406832 du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Djamel X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du 24 septembre 2004 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas non plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ni de violation de l'article 9 de l'accord franco-algérien ; qu'en outre, la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement, l'arrêté et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2005, présenté pour M. X, par Me Lubaki ; M. X conclut :

1°) au rejet de la requête du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ;

2°) à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que toute sa belle-famille réside en France ; que la mère de sa femme vient d'être admise au séjour en France au titre du regroupement familial ; que c'est donc à bon droit que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière du 24 septembre 2004 comme contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par voie de conséquence, la décision distincte fixant le pays de destination ; que les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant s'opposent à ce que la scolarité de ses deux enfants soit interrompue ; qu'il souhaite s'installer durablement en France avec sa famille et s'y intégrer ; que la décision distincte fixant le pays de destination de reconduite est contraire au stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du Président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2005, donnant délégation à M. Bresse pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2005 :

- le rapport de M. Bresse, magistrat délégué ;

- les observations de Me Lubaki pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté et de la décision litigieuse :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Djamel X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 18 novembre 2003, de la décision du préfet du 7 novembre 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, entré en France le 28 février 2003, fait valoir que ses enfants, Lilia et Anis, âgés de 11 ans et 7 ans, sont parfaitement intégrés à la société française où ils sont scolarisés et obtiennent de bons résultats scolaires, que plusieurs membres de sa belle-famille sont français ou titulaires d'une carte de résident et que sa belle-mère qui réside en France, est malade ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X, du fait qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie et que son épouse, elle-même algérienne, est également en situation irrégulière et fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 24 septembre 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur une telle méconnaissance pour prononcer l'annulation de cet arrêté ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Djamel X devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-I de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que M. X soutient que les stipulations de l'article 3 de la convention précitée font obstacle à l'arrêt de la scolarité de ses enfants en France induit par l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ; que toutefois, l'intérêt supérieur de l'enfant emporte la nécessité qu'il puisse vivre entouré de ses parents ; que l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents ; que

M. X peut poursuivre une vie familiale normale avec sa femme et ses enfants dans le pays de reconduite ; que par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier eu égard à l'ensemble des éléments de la situation de M. X que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et ce en dépit de la parfaite intégration de M. X, de la profession qu'il exerce et de l'absence de toute atteinte de sa part à l'ordre public ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prévoyant sa reconduite à destination de son pays d'origine, M. X soutient qu'il serait exposé à des risques en cas de retour en Algérie ; que toutefois il n'assortit ses dires d'aucune précision ni justification probantes propres à établir la réalité de ces risques ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 16 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X et subséquemment, l'annulation de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur les autres conclusions présentées devant la Cour par M. X :

Considérant en premier lieu que l'exécution de la présente décision, qui rejette la demande d'annulation de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en date du 24 septembre 2004 présentée par M. X au Tribunal administratif de Versailles n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de lui délivrer son titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant en deuxième lieu que les dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci réclame sur ce fondement.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°0406832 du 16 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal Administratif de Versailles par M. Djamel X et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

N°05VE000323

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00033
Date de la décision : 26/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : LUBAKI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-04-26;05ve00033 ?
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