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26/04/2005 | FRANCE | N°05VE00002

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 26 avril 2005, 05VE00002


Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2005, présentée pour M. Driton X, demeurant chez M. Y ..., par Me Christelle Morin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406810 du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2004 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour en

date du 15 mars 2004, émise par le préfet du Val-d'Oise ;

4°) de condamner l'Etat à lui vers...

Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2005, présentée pour M. Driton X, demeurant chez M. Y ..., par Me Christelle Morin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406810 du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2004 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour en date du 15 mars 2004, émise par le préfet du Val-d'Oise ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis à statuer le moyen opérant tiré de la violation par les mesures prises par le préfet de son droit à la vie privée et familiale ; que le refus de titre de séjour du 15 mars 2004 est illégal, motif pris de ce que n'a pas été convoquée la commission du titre de séjour ; que l'arrêté pris par le préfet à son encontre méconnais son droit à la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi, à savoir le Kosovo, lui fait encourir un risque grave, méconnaissant les articles 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement, l'arrêté et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2005, présenté par le préfet du Val-d'Oise ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le refus de titre de séjour est définitif à défaut d'avoir été contesté dans le délai de recours contentieux, ce qui rend irrecevable l'exception d'illégalité ; qu'il n'était pas tenu de saisir la commission de séjour ; que M. X n'est pas fondé à invoquer la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la violation de l'article 3 de la convention européenne des droit de l'homme n'est pas démontrée ;

Vu la décision du Président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2005, donnant délégation à M. Bresse pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2005 :

- le rapport de M. Bresse, magistrat délégué ;

- les observations de Me Morin pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité yougoslave, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 mars 2004, de la décision du préfet du Val d'Oise du 15 mars 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. X a fait valoir dans son mémoire introductif de première instance que les décisions du préfet, en particulier l'arrêté de reconduite à la frontière, portait une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'il ressort de la lecture même du jugement du 22 octobre 2004 que bien qu'ayant visé ce moyen, le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise n'a pas statué au fond sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que par suite, M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre, M. X se borne à exciper de l'illégalité de la décision du 17 mars 2004 par laquelle le préfet du val d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité :

Considérant que M. X s'est vu notifier par le préfet du Val d'Oise, le 17 mars 2004 un refus de délivrance d'un titre temporaire de séjour en qualité de salarié ; que M. X a exercé contre cette décision, le 13 avril 2004, un recours gracieux que le préfet a rejeté par une lettre datée du 7 mai 2004 ; que le requérant a alors attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir cette décision et que l'affaire est toujours pendante devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu'ainsi, à la date où elle a été excipée, l'exception d'illégalité du refus de délivrer un titre de séjour était recevable et le demeure ;

Sur le moyen tiré du vice de procédure du refus de délivrer un titre de séjour :

Considérant que selon l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'en l'espèce M. X, marié depuis au moins un an avec une compatriote, laquelle réside régulièrement en France depuis 5 ans, est susceptible de demander à bénéficier du regroupement familial ; que par suite, le moyen doit être regardé comme non fondé ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés publiques :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est marié avec une compatriote depuis 2000, qu'elle réside régulièrement en France depuis 2000 avec une carte de séjour portant la mention salariée et y travaille depuis 2003, qu'il a eu un enfant en juillet 2004 avec son épouse ; que, toutefois, ses trois frères et sa soeur demeurent au Kossovo ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière et de la circonstance que M. X pourrait bénéficier du regroupement familial, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 31 août 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que si la requête en appel ne comporte aucune conclusion à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, laquelle est incluse dans l'arrêté de reconduite à la frontière, il résulte de la lecture du dossier de première instance que l'annulation de ladite décision a bien été demandée ; que par l'effet de l'évocation, elle est donc recevable dans la présente instance ;

Considérant que si M. X allègue faire l'objet dans son pays d'origine de graves menaces de la part d'autre ressortissants, notamment d'une vendetta, il apporte comme unique élément susceptible de démontrer ces menaces un certificat signé d'employés du tribunal municipal de Pëje ; que cette pièce n'a pas à elle seule de valeur probante suffisante ; qu'au surplus, il résulte des pièces du dossier que M. X s'est vu opposer un refus à sa demande d'asile territorial par le ministre de l'Intérieur, le 22 août 2003 ; qu'ainsi, la décision fixant le pays de renvoi en cas de reconduite à la frontière ne méconnaît ni l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés publiques, ni l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°0406810 en date du 22 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. PREJAK devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

N°05VE00002

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00002
Date de la décision : 26/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-04-26;05ve00002 ?
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