La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2005 | FRANCE | N°02VE00840

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 17 mars 2005, 02VE00840


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société anonyme T.A.I. dont le siège est ..., par la SCP Lesourd ;

Vu

la requête, enregistrée le 6 mars 2002 au greffe de la Cour admini...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société anonyme T.A.I. dont le siège est ..., par la SCP Lesourd ;

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour la société anonyme T.A.I.qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 966593-966594 du 8 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes et réclamations soumises d'office au tribunal par le directeur des services fiscaux des Yvelines en application de l'article R.199-1 du livre des procédures fiscales tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995, 1996, et 1997 dans les rôles de la commune de Plaisir (Yvelines) ;

2°) de constater le dégrèvement d'office de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1996 et 1997 ;

3) de prononcer la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1994 et 1995 ;

Elle soutient que c'est irrégulièrement que le tribunal administratif a rejeté au fond les demandes en décharge pour les années 1996 et 1997 ; que c'est à tort que le tribunal a retenu que les dispositions de l'article 1 389 du code général des impôts n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux droits de propriété protégés par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , alors qu'il résulte pourtant des stipulations de cet article qu'est illicite toute imposition de nature confiscatoire ou disproportionnée ; qu'en l'espèce, il y a bien eu un effet confiscatoire des impositions contestées puisqu'elles ont frappé un propriétaire ne retirant aucune ressource du bien imposé, ne recevant pas davantage d'autres recettes et, enfin, fortement endetté vis-à vis des banques ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2005 :

- le rapport de Mme Brin, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué et l'étendue du litige :

Considérant que, par le jugement attaqué en date du 8 janvier 2002, qui procède à la jonction des n°966593 et 966594, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes et les réclamations que lui a soumises d'office le directeur des services fiscaux des Yvelines en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, présentées par la société anonyme T.A.I. afin d'obtenir la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995, 1996 et 1997 dans les rôles de la commune de Plaisir ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'en ce qui concerne les années d'imposition 1996 et 1997, le tribunal administratif a été saisi à la fois par les réclamations soumises d'office par le service et par deux demandes introduites par la société anonyme T.A.I. et enregistrées sous des numéros différents ; qu'à la suite d'une décision de dégrèvement d'office, en date du 1er juin 2001, le président de la 5ème chambre A du tribunal administratif a prononcé, par ordonnance en date du 12 juillet 2001, un non-lieu à statuer sur les deux demandes de la société ; que le jugement attaqué en date du 8 janvier 2002, qui a omis de constater le non-lieu à statuer intervenu également sur les conclusions des réclamations soumises d'office ,doit être annulé dans la mesure de cette omission ; qu'il y a lieu d'évoquer sur ce point les réclamations de la société T.A.I. dont le tribunal administratif était saisi et de constater qu'elles sont devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé de l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1994 et 1995 :

Considérant que la société T.A.I. est propriétaire à Plaisir (Yvelines) d'un immeuble destiné à un usage industriel et commercial, à raison duquel elle a été assujettie au paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; qu'elle a formé une réclamation contre les cotisations mises à sa charge au titre de cette taxe pour les années 1994 et 1995 en sollicitant le bénéfice du dégrèvement prévu par les dispositions du I de l'article 1389 du code général des impôts, au motif que l'entreprise à laquelle elle avait donné l'immeuble en location avait résilié le bail et quitté les lieux et que l'immeuble était resté inoccupé pour des raisons indépendantes de sa volonté pendant une durée supérieure à trois mois au cours de chacune des années d'imposition ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ; qu'aux termes de l'article 1389 du même code I.. Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée ... ;

Considérant que la société requérante ne peut prétendre à l'exonération de taxe foncière prévue par les dispositions précitées de l'article 1389 du code général des impôts dès lors qu'en tant que loueur de bâtiments industriels, elle n'utilise pas directement l'immeuble objet de l'imposition dans le cadre de son activité ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant, d'une part, que la société T.A.I. soutient que l'article 1389 du code général des impôts serait contraire aux stipulations de l'article 1er du protocole précité en ce qu'il limiterait sans justification le bénéfice du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux seules sociétés utilisant directement un immeuble dont l'exploitation est devenue impossible ; que, toutefois, le droit au respect des biens posé par ledit protocole ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires ; que l'exclusion du bénéfice d'une exonération fiscale ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ce moyen :

Considérant, d'autre part, que la société requérante soutient également que, compte tenu de ce qu'elle est dans l'impossibilité de bénéficier de l'exonération prévue par l'article 1 389-I du code général des impôts, elle a été assujettie à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties d'une importance telle au regard de ses capacités contributives qu'elles présentent un caractère confiscatoire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été établies d'après la valeur cadastrale de l'immeuble déterminée conformément aux principes définis par les articles 1 494 à 1 508 et 1 516 à 1 518B du code général des impôts et sous déduction de 50% de son montant compte tenu des frais de gestion, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation ; qu'elles s'élèvent à 288 058 francs au titre de l'année 1994 et à 289 727 francs au titre de l'année 1995 ; que les prélèvements opérés n'apparaissent pas manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien , laquelle, selon les estimations de la requérante, ne saurait être inférieure à 147 millions de francs ; que, par ailleurs, l'absence de revenus tirés de l'immeuble en cause n'est pas dépourvue de lien avec le comportement de la société T.A.I. elle-même, dans la mesure où son activité économique est limitée à la location d'un immeuble spécifiquement adapté à un type particulier d'activité industrielle, sans qu'elle ait envisagé de solution de substitution ; que si l'intéressée produit des documents justifiant de ses démarches pour remettre en location ou vendre l'immeuble et pour étudier les possibilités d'adaptation des locaux pour accueillir une nouvelle entreprise, il est constant qu'elle n'a pas été dépossédée de son bien, dont elle a gardé l'usage au cours des années d'imposition en litige ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a été dans l'obligation de céder une partie de son patrimoine pour faire face à ses obligations fiscales ; qu'enfin, la société requérante n'établit pas que les charges financières auxquelles elle doit faire face pour combler le déficit résultant de son endettement et de l'absence de revenus tirés du bien imposé auraient, en bouleversant sa situation financière, compromis son existence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'assujettissement de la société T.A.I. à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de l'immeuble dont s'agit n'a pas porté à ses biens une atteinte contraire aux garanties instituées par l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société T.A.I. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994 et 1995 dans les rôles de la commune de Plaisir ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°966593-966594 en date du 8 janvier 2002 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions des réclamations de la société T.A.I. enregistrées sous le n°966593.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des réclamations de la société T.A.I. enregistrées sous le n°966593.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société T.A.I. est rejeté.

02VE00840 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE00840
Date de la décision : 17/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-03-17;02ve00840 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award