Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 188 000 euros et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2402590 du 2 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2024, M. C..., représenté par Me Charre, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser une provision de 188 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier la somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreurs de droit et de dénaturation des faits ;
- elle mentionne à tort l'existence d'une rechute de son accident de service du 1er août 2018 alors qu'une maladie professionnelle (tableau 98) a été reconnue à partir du 23 novembre 2018 dont la date de consolidation a été fixée au 31 mai 2019 ;
- le point départ de la prescription quadriennale étant cette date de consolidation, sa demande indemnitaire postée le 29 décembre 2023 n'était pas prescrite, alors même qu'elle n'a été reçue que le 3 janvier 2024, conformément aux dispositions de l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration ; la question de la prescription était donc dépourvue de caractère sérieux ;
- le taux d'IPP fixé en dernier lieu à 40% n'a jamais été contesté par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ;
- sa créance envers le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier au titre de la responsabilité sans faute n'est pas sérieusement contestable ;
- il a droit à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi avant la consolidation qui peut être évalué à la somme de 8000 euros et des souffrances endurées qui peuvent être évaluées à la somme de 5000 euros soit une somme totale de 13 000 euros ;
- il a droit à l'indemnisation des troubles permanents dans ses conditions d'existence après consolidation ; il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé et a suivi une formation d'électricien ; toutefois, le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier l'a déclaré inapte à toutes fonctions sans procéder à son reclassement ; le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier l'a informé de sa volonté de le mettre à la retraite d'office le 11 septembre 2023 sans attendre l'avis de la CNRACL mais il est toujours actuellement en congé maladie ; il sollicite l'indemnisation d'une somme de 175 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- le lien de causalité entre ses préjudices et la maladie professionnelle est avéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2024, le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, représenté par Me Walgenwitz, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'ordonnance contestée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- la créance au titre de l'accident de service du 1er août 2018 qui est consolidé depuis le 15 octobre 2018 est prescrite au 31 décembre 2022 ; à la supposer prescrite au 31 décembre 2023, sa demande indemnitaire n'a été reçue que le 3 janvier 2024, soit après l'expiration du délai de prescription ;
- à titre subsidiaire, en l'absence de toute expertise contradictoire déterminant les préjudices du requérant, sa demande de provision ne peut qu'être rejetée.
Par une ordonnance en date du 4 décembre 2024, la date de clôture d'instruction de l'affaire a été fixée au 6 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
1. M. C..., ouvrier principal de 2ème classe, en fonction au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier a été victime, le 1er août 2018, d'un accident du travail qui a été reconnu imputable au service par une décision du directeur du centre hospitalier en date du 20 novembre 2018 et fixant la date de consolidation au 15 octobre 2018 sans incapacité physique permanente, en se fondant sur une expertise réalisée par le docteur D..., médecin agréé, réalisée le 11 octobre 2018. A la suite de sa déclaration de rechute de cet accident du travail, le 26 novembre 2018, une nouvelle expertise a été réalisée par le même médecin le 21 janvier 2019 et son dossier a été soumis à la commission de réforme qui dans son avis du 15 octobre 2019 a suivi ses conclusions écartant une rechute, mais reconnaissant l'existence d'une maladie professionnelle figurant au tableau n° 98, avec une date de consolidation au 31 mai 2019 et un taux d'incapacité permanente partielle de 15%, ce que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier a entériné dans une décision du 24 juin 2019. Dans le cadre de l'instruction d'un dossier de mise à la retraite pour invalidité se fondant sur une expertise réalisée par le docteur A..., le 13 janvier 2023, la commission de réforme l'a reconnu, dans sa séance du 29 août 2023, inapte à toutes fonctions avec un taux d'invalidité de 40% imputable au service, en lien avec sa maladie professionnelle. Cet avis lui a été communiqué par un courrier du centre hospitalier du 11 septembre 2023. M. C... a saisi le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier d'une demande indemnitaire préalable en date du 21 décembre 2023, reçu par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier le 3 janvier 2024, sollicitant sur le terrain de la responsabilité sans faute une somme de 150 000 euros au titre du taux d'invalidité de 40% et une somme de 50 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral, restée sans réponse. Parallèlement à l'introduction d'une requête au fond, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande de provision d'un montant de 188 000 euros qui a été rejetée par une ordonnance du 2 août 2024 dont M. C... relève régulièrement appel.
Sur la demande de provision :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.
4. M. C... soutient qu'eu égard à la date de consolidation de sa maladie professionnelle fixée au 31 mai 2019, sa demande indemnitaire préalable remise aux services postaux le 29 décembre 2023, ainsi qu'en atteste le justificatif du suivi de son courrier qu'il produit, a bien été formée avant l'expiration du délai de prescription, le 31 décembre 2023, alors même que le pli n'a été reçu par son destinataire que le 3 janvier 2024. Il s'en suit que l'exception de prescription doit être écartée, en l'état de l'instruction, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier.
5. Toutefois, si le requérant sollicite l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi avant la consolidation qu'il évalue à la somme de 8000 euros et des souffrances endurées qu'il évalue à la somme de 5000 euros, il n'apporte aucun élément de nature à déterminer l'étendue de ces préjudices. S'il se prévaut d'un taux d'incapacité permanente partielle de 40%, il ne verse pas au dossier le rapport d'expertise établi par le docteur A..., le 13 janvier 2023, sur lequel s'est fondée la commission de réforme alors que le taux fixé auparavant n'était que de 15%. Par suite, en l'état de l'instruction seule présente un caractère non sérieusement contestable l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent sur la base de ce taux de 15%. Il sera fait une juste appréciation, eu égard à l'âge de 43 ans qu'avait M. C... à la date de consolidation, en lui allouant à ce titre une provision de 21 000 euros.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de provision. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette ordonnance et de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 21 000 euros à titre de provision.
Sur les frais liés à l'instance :
7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier dirigées contre M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier la somme de 1500 euros en application dudit article.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2402590 du 2 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : Le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier est condamné à verser à M. C... une provision de 21 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier versera à M. C... une somme de 1 500 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... et au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier.
Fait à Toulouse, le 30 avril 2025.
La juge d'appel des référés,
A. Geslan-Demaret
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
2
N°24TL02206