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07/04/2025 | FRANCE | N°24TL02766

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 07 avril 2025, 24TL02766


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



M. A... D..., représenté par la SCP Reche-Guille-Meghabbar, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'ordonner une expertise aux fins d'apprécier la nature et les conséquences des travaux réalisés par la commune d'Antugnac (Aude) sur les parcelles cadastrées section B ... situées hameau de Croux.

Par une ordonnance n° 2403971 du 24 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demand

e.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 7 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

M. A... D..., représenté par la SCP Reche-Guille-Meghabbar, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'ordonner une expertise aux fins d'apprécier la nature et les conséquences des travaux réalisés par la commune d'Antugnac (Aude) sur les parcelles cadastrées section B ... situées hameau de Croux.

Par une ordonnance n° 2403971 du 24 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2024, M. D..., représenté par la SCP Reche-Guille-Meghabbar, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 24 octobre 2024 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de désigner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, un expert chargé de préciser l'historique des sinistres subis sur la propriété de M. D... et la nature des travaux d'aménagement et d'entretien effectués par la commune aux abords de la propriété de M. D..., déterminer si la commune d'Antugnac a, par ses travaux, opéré une modification du cours des eaux pluviales, préciser les conséquences que ces travaux ont eues sur sa propriété ainsi que l'ensemble des préjudices actuels certains et indemnisables subis par M. D... et leurs causes, chiffrer l'étendue des dommages subis par M. D... et préciser la nature des travaux à effectuer pour éviter le renouvellement des sinistres et leur aggravation ;

3°) de réserver les dépens et les frais irrépétibles.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a opposé la prescription de l'action au fond en raison de la réalisation de la dalle en béton aux abords de sa propriété dans le courant de l'année 2010 ; le premier juge a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'au-delà des travaux réalisés par la commune en 2010, d'autres travaux ont été réalisés au cours des années 2022, 2023 et 2024 aux abords de sa propriété ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal de Montpellier lui a opposé la circonstance qu'il ne produisait aucun élément justifiant la consolidation du talus comme préconisé par l'assureur de la commune dans un courrier du 17 juin 2024 ; il apparaît légitime de n'opérer aucune modification des lieux avant l'intervention d'une expertise judiciaire ;

- la demande d'expertise présente un caractère utile ; la situation des lieux sera proche de celle soumise à l'appréciation de l'expert de M. D... et de l'expert de la commune ; les parties seront plus rapidement renseignées sur la nature des travaux à réaliser ; plus tôt seront connues les préconisations de l'expert, plus tôt seront réalisés les travaux, ce qui permettra d'éviter l'aggravation des dommages et le renouvellement des sinistres ; l'issue du litige au fond dépend d'une analyse technique et dans le cadre des opérations d'expertise amiable déjà intervenues, les différents experts ne s'accordent pas sur l'origine et les causes des sinistres, sur l'étendue des dommages subis et sur la nature des travaux à réaliser pour empêcher le renouvellement et l'aggravation des sinistres, justifiant ainsi l'intervention d'un expert désigné par la juridiction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2024, la commune d'Antugnac, représentée par Me D'Albenas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les droits de créance invoqués par M. D... en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qui seraient liés à l'existence de la dalle en béton doivent être regardés comme acquis au plus tard à la date du 31 décembre 2010 de sorte que le délai de prescription quadriennale qui a commencé à courir à compter du 1er janvier 2011 s'est éteint le 31 décembre 2015 ;

- l'intéressé ne justifie pas avoir pris les précautions suffisantes s'agissant de la réalisation de son chemin d'accès ; la mesure sollicitée n'est pas utile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est propriétaire des parcelles cadastrées section B ... situées au hameau de Croux, sur la commune d'Antugnac. Dans le courant de l'année 2010, l'intéressé, absent depuis plusieurs années, a découvert sur sa parcelle B ... une dalle en béton inclinée avec une cunette destinée à canaliser les eaux de ruissellement issues des fonds supérieurs vers sa propriété. En 2021, l'appelant a entamé des travaux de terrassement et d'ouverture de chemin depuis la parcelle ... ainsi que des travaux de construction d'une plateforme en vue de l'implantation d'un hangar métallique. En juin 2023, la commune d'Antugnac a entrepris la réalisation de nouveaux travaux de réfection du chemin communal en arasant le bord du talus du chemin, modifiant ainsi le cours des eaux pluviales. Une expertise a été réalisée le 31 août 2023 par la société Terrexpert à la demande de l'assureur de M. D... et au contradictoire de la commune aux fins de déterminer les causes et les conséquences dommageables subies par le riverain de la voie publique suite aux travaux réalisés progressivement sur le chemin communal à l'initiative de la commune. Par un courrier en date du 31 mai 2024, M. D... a demandé à la commune d'Antugnac de l'indemniser de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis. Par courriel en date du 17 juin 2024 et par l'intermédiaire de son assureur, la commune a rejeté ses demandes. Parallèlement à l'introduction d'un recours au fond, M. D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qu'une expertise soit ordonnée, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, en vue d'apprécier la nature et les conséquences des travaux réalisés par la commune d'Antugnac sur les parcelles cadastrées section B ... situées hameau de Croux. Il fait appel de l'ordonnance du 24 octobre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme dépourvue d'utilité.

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, le juge ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. S'il résulte de l'article R. 626-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête au fond est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement.

Sur la fin de non-recevoir :

4. La circonstance invoquée que l'action au fond de M. D... serait prescrite est par elle-même sans incidence sur la recevabilité de la demande en référé mais, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, doit être prise en considération pour apprécier l'utilité de la mesure d'instruction à laquelle il ne peut être fait droit dans cette hypothèse. La fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut en conséquence être accueillie.

Sur l'utilité de la mesure demandée :

5. Si la commune d'Antugnac fait valoir que l'action indemnitaire engagée par M. D... est prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dès lors que l'intéressé a eu connaissance de l'existence de la dalle en béton au plus tard au cours de l'année 2010, il résulte de l'instruction que la commune a entrepris de nouveaux travaux de réfection du chemin communal au mois de juin 2023 et que M. D... a déclaré à son assurance les sinistres touchant ses parcelles à la fin du mois de juin 2023. L'action en responsabilité dirigée contre la commune d'Antugnac n'étant pas prescrite, à tout le moins sur ce point, la demande n'est pas dépourvue d'utilité en raison de cette prétendue prescription.

6. Le requérant fait valoir que l'expertise judiciaire permettra de déterminer si les travaux effectués par lui ou ceux effectués par la commune ont opéré une modification du cours des eaux pluviales conduisant à l'apparition des désordres sur ses parcelles et précisera, le cas échéant, l'étendue des dommages subis ainsi que les mesures à prendre pour éviter le risque de renouvellement des sinistres. M. D... produit en appel, comme il l'avait déjà fait en première instance, un rapport d'expertise en date du 8 novembre 2023 qui comporte une description des lieux ainsi qu'un exposé des désordres occasionnés, selon l'expert, par l'afflux des eaux de ruissellement causé par les travaux entrepris par la commune d'Antugnac. Toutefois, cette expertise, bien que réalisée au contradictoire de la commune, ne présente pas des garanties suffisantes et équivalentes à celle d'une expertise judiciaire dès lors notamment que le rapport a été rédigé par la société Terrexpert mandatée par la compagnie d'assurance de M. D... et que les analyses qu'il comporte sont contestées par l'administration. La commune ne peut par ailleurs utilement faire valoir que les travaux menés par le requérant seraient à l'origine des désordres point qu'il appartiendra précisément à un expert d'apprécier. Dans les circonstances particulières de l'espèce, liées à la nécessité d'apprécier l'état actuel des parcelles avant une éventuelle modification et d'éviter le risque d'aggravation et de renouvellement des sinistres, la réalisation d'une deuxième expertise, de nature judiciaire au contradictoire de la commune, présente donc un caractère d'utilité même si le juge du fond est saisi d'un litige en cours d'instruction et satisfait donc aux conditions posées par l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à ce que soit ordonnée l'expertise sollicitée dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1du code de justice administrative par la commune d'Antugnac ne peuvent qu'être rejetées dès lors que M. D... n'est pas partie perdante à la présente instance.

ORDONNE :

Article 1er :: L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 24 octobre 2024 est annulée.

Article 2 : M. B... C... est désigné comme expert avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents qu'il estimera utiles à sa mission ;

- se rendre sur les parcelles cadastrées section B ... situées hameau de Croux, commune d'Antugnac ;

- se prononcer sur l'historique des sinistres subis sur la propriété de M. D... ;

- se prononcer la nature des travaux d'aménagement et d'entretien effectués par la commune aux abords de la propriété de M. D... ou le cas échéant sur elle y compris la mise en place de la dalle béton ;

- dire si la commune d'Antugnac a, par ses travaux, opéré une modification du cours des eaux pluviales, et, le cas échéant, préciser les conséquences que ces travaux ont eues sur la propriété de M. D... ;

- faire la part des désordres et préjudices en résultant présentant un lien direct, certain et exclusif avec les travaux effectués par la commune, en excluant la part des préjudices à mettre en relation avec les travaux effectués par M. D... ou toute autre cause étrangère ;

- donner à la juridiction saisie tous éléments de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les dommages et préjudices subis en les chiffrant ;

- se prononcer sur la nature des travaux à effectuer pour éviter le renouvellement des sinistres et leur aggravation ainsi que sur leur coût ;

- d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles à l'examen des questions précédemment définie.

L'expert disposera des pouvoirs d'investigations les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer le tribunal.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : Préalablement à toute opération, l'expert souscrira à la déclaration sur l'honneur prévue à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 5 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre la commune d'Antugnac et M. D....

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport par voie électronique au greffe dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera les frais et honoraires.

Article 9 : Les conclusions de la commune d'Antugnac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 10 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... D..., à la commune d'Antugnac et à M. B... C..., expert.

Fait à Toulouse, le 7 avril 2025

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°24TL02766 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL02766
Date de la décision : 07/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TERRITOIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-07;24tl02766 ?
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