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18/12/2024 | FRANCE | N°24TL02960

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 18 décembre 2024, 24TL02960


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de l'Ariège a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la délibération n° DE-051-2024 du 9 juillet 2024 du conseil municipal de la commune de Tarascon sur Ariège instaurant une prime exceptionnelle au bénéfice des agents de la commune prenant en compte le nombre de jours d'absence de chaque agent.
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Par une ordonnance n° 2406421 du 20 novembre 2024, la juge des référés du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Ariège a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la délibération n° DE-051-2024 du 9 juillet 2024 du conseil municipal de la commune de Tarascon sur Ariège instaurant une prime exceptionnelle au bénéfice des agents de la commune prenant en compte le nombre de jours d'absence de chaque agent.

Par une ordonnance n° 2406421 du 20 novembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de la délibération n° DE-051-2024 du 9 juillet 2024, au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa légalité.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2024, la commune de Tarascon sur Ariège, représentée par Me Briand, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de l'Ariège ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés a entaché son ordonnance d'une contradiction de motif, d'une insuffisance de motivation et d'une omission de répondre à un moyen soulevé par la commune de Tarascon sur Ariège ;

- il n'a pas tiré les conséquences du constat qu'il faisait de la liberté du conseil municipal d'adapter les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités versées aux agents de la collectivité notamment en subordonnant le bénéfice de ce régime indemnitaire à des conditions plus strictes que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat ;

- en retenant que la prime ne correspondait pas strictement à l'article 1er du décret du 31 octobre 2023 portant création d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle pour certains agents, il a omis de justifier que cette prime ne pouvait être instaurée au visa des dispositions générales déterminant les conditions de versement du régime indemnitaire des fonctionnaires territoriaux ;

- il n'a pas répondu au moyen invoqué à titre principal tiré de ce que la préfecture de l'Ariège n'apportait strictement aucune démonstration sur le fait que le versement de cette prime, dans le cadre du régime indemnitaire découlant des dispositions des articles L 714-4 et suivants du code général de la fonction publique et des dispositions de l'article 1er du décret n°91-875 du 6 septembre 1991, aurait eu pour conséquence d'emporter un dépassement des plafonds de versement du régime indemnitaire des agents de la commune ;

- par l'effet dévolutif de l'appel, les moyens invoqués par le préfet seront écartés ;

- le fait qu'une délibération ne vise pas les textes sur lesquels elle est fondée ne constitue pas un motif d'illégalité ;

- la prime respecte les principes fixés par l'article L.714-4 du code général de la fonction publique ainsi que l'article 1er du décret 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- il n'est pas démontré que le versement de cette prime exceptionnelle a pour effet de faire bénéficier les agents de la commune d'un montant indemnitaire supérieur à celui dont bénéficient les agents de l'Etat ;

- le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités locales et le cadre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions des sujétions de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) permettent à la commune de moduler l'indemnité en fonction de la performance des agents ;

- la prise en compte de l'absence dans le versement du régime indemnitaire relève de la compétence de l'assemblée délibérante ;

- les collectivités territoriales conservent une marge d'adaptation des règles définies par les dispositions législatives et réglementaires applicables dès lors que les dispositifs ainsi mis en œuvre par les délibérations des collectivités locales respectent le principe de parité.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2024, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête de la commune de Tarascon sur Ariège.

Il fait valoir que :

- l'ordonnance contestée n'est pas entachée de contradiction de motif ;

- elle est suffisamment motivée au regard de l'office du juge du référé suspension ;

- la délibération est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît l'article L.714-4 du code général de la fonction publique ;

- les agents de la fonction publique territoriale ne peuvent bénéficier de primes et indemnités qui n'existeraient pas dans la fonction publique de l'Etat et leur montant ne peut être supérieur à celui versé dans la fonction publique de l'Etat ;

- cette prime ne peut être rattachée à une prime existante vu ses modalités d'attribution versée uniquement sur la base d'un critère lié à la présence de l'agent ;

- le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités locales s'inscrit dans le cadre législatif applicable à tous.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2023-1006 du 31 octobre 2023 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente de la 2ème chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 décembre 2024, en présence de Mme Maillat, greffière d'audience :

- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, juge des référés,

- et les observations de Me Briand, représentant la commune de Tarascon sur Ariège qui confirme ses écritures et indique en outre que le principe de parité s'applique dans le respect des plafonds et laisse à la commune des possibilités d'adaptation, la suspension a été prononcée sans réponse à son moyen principal, selon lequel cette prime s'inscrit nécessairement dans le cadre du régime indemnitaire principal, le RIFSEEP, il n'y a pas de dépassement du plafond, ce que reconnaît le préfet de l'Ariège, la liberté d'adaptation permet de définir des critères, en l'espèce la prise en compte des jours de présence des agents,

- le préfet de l'Ariège n'étant ni présent ni représenté.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 3131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans le délai de deux mois suivant leur transmission. (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. ". En vertu des dispositions de l'article R. 554-1 du code de justice administrative, l'appel contre les décisions rendues par le juge des référés en application de ces dispositions est porté devant la cour administrative d'appel dans un délai de quinze jours suivant leur notification.

2. Par une délibération n° DE-051-2024 du 9 juillet 2024, le conseil municipal de Tarascon sur Ariège a décidé, en l'absence d'augmentation ou de prévision d'augmentation du point d'indice 2024, d'instaurer une prime exceptionnelle pour l'année 2024 en prenant en compte le nombre de jours d'absence de chaque agent. Le préfet de l'Ariège a introduit devant le tribunal administratif de Toulouse à l'encontre de cette délibération, d'une part, un déféré sollicitant son annulation, d'autre part, une demande de suspension de son exécution en référé. Par une ordonnance n° 2406421 du 20 novembre 2024, dont la commune de Tarascon sur Ariège relève appel, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de cette délibération, au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa légalité.

Sur la régularité de l'ordonnance contestée :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Cette exigence s'étend à l'ensemble des décisions juridictionnelles, y compris les ordonnances du juge des référés.

4. Il ressort de l'examen de l'ordonnance contestée qu'elle comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent et n'est pas entachée de contradiction entre ses motifs et son dispositif. Par ailleurs, eu égard à son offiçe, le juge des référés n'était pas tenu d'écarter expressément tous les moyens de défense mais pouvait se borner à relever qu'en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le conseil municipal de la commune de Tarascon sur Ariège ne pouvait instaurer par la délibération contestée une prime exceptionnelle pour l'année 2024 en prenant en compte le nombre de jours d'absence de chaque agent apparaissait propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité. Par suite, l'ordonnance n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance contestée :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales (...) fixent les régimes indemnitaires de leurs agents, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat ". Et aux termes de l'article L. 714-5 du même code : " Les régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions, de l'engagement professionnel et, le cas échéant, des résultats collectifs du service.(...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 susvisé : " I.- Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration de leurs établissements publics pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. / Le tableau joint en annexe 1 établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique, dans le domaine médico-social, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif et dans le domaine de l'animation. (...) ".

6. Il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent.

7. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 31 octobre 2023 portant création d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle pour certains agents de la fonction publique territoriale : " I. - L'organe délibérant d'une collectivité ou d'un établissement mentionné à l'article L. 4 du code général de la fonction publique et les groupements d'intérêt public, à l'exception de ceux de l'Etat et relevant de l'article L. 5 du même code, peuvent instituer, après avis du comité social compétent, une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle forfaitaire au bénéfice des agents publics de la fonction publique territoriale et des assistants maternels et assistants familiaux mentionnés à l'article L. 422-6 du code de l'action sociale et des familles. Aux termes de son article 2 : " peuvent bénéficier de la prime prévue à l'article 1er, les agents publics mentionnés au I du même article qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :1° Avoir été nommés ou recrutés par un employeur public mentionné au I de l'article 1er à une date d'effet antérieure au 1er janvier 2023 ; 2° Être employés et rémunérés par un employeur public mentionné au I de l'article 1er au 30 juin 2023 ; 3° Avoir perçu une rémunération brute inférieure ou égale à 39 000 euros au titre de la période courant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023. Les agents publics de l'Etat et hospitaliers détachés au sein d'un employeur public mentionné au I de l'article 1er sont éligibles à la prime en tenant compte de l'ancienneté acquise dans l'ensemble de la fonction publique. Et enfin aux termes de l'article 5 : " I. - Dans la limite du plafond prévu pour chaque niveau de rémunération défini par le barème suivant, l'organe délibérant détermine le montant de la prime prévue à l'article 1er. [tableau] II. - Le montant de la prime, déterminé en application du I, est réduit à proportion de la quotité de travail et de la durée d'emploi sur la période mentionnée au 3° de l'article 2 ".

8. Il résulte de ces dispositions, compte tenu du principe de libre administration des collectivités territoriales notamment, que la mise en œuvre de la prime de pouvoir d'achat est facultative. Elle nécessite pour en faire bénéficier les agents de la collectivité, une délibération de l'assemblée délibérante, prise après avis du comité social territorial compétent, qui doit en prévoir le versement à l'ensemble des agents éligibles, dans le respect des montants maximum prévus en fonction de la rémunération brute perçue au titre de la période courant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, sans possibilité de moduler l'attribution ou le montant de cette prime forfaitaire en tenant compte de critères autres que ceux qu'elles prévoient.

9. En l'espèce, il est constant que la délibération litigieuse se borne à indiquer qu'en l'absence d'augmentation ou de prévision du point d'indice en 2024, le maire souhaite instaurer une prime exceptionnelle pour l'année 2024 visant à valoriser le travail des agents et à encourager leur présence régulière sur leur lieu de travail afin de contribuer ainsi à la continuité et à l'efficacité du service public. Elle ne se réfère à aucun fondement légal ou réglementaire et ne renvoie pas à la délibération instituant le régime indemnitaire général du RIFSEEP pour ses agents. La commune de Tarascon sur Ariège n'est donc pas fondée à soutenir que cette délibération se rattache nécessairement à ce régime et n'aurait pas pour effet d'induire un dépassement des plafonds de rémunération individuels. Par ailleurs, cette prime n'entre pas dans le cadre des critères définis par les dispositions précitées du décret du 31 octobre 2023. Par suite, c'est à bon droit que la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'il existait un doute sérieux sur la légalité de la délibération n° DE-051-2024 du 9 juillet 2024 et en a suspendu l'exécution, au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur le déféré préfectoral.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tarascon sur Ariège n'est pas fondée à solliciter l'annulation de l'ordonnance n° 2406421 du 20 novembre 2024.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Tarascon sur Ariège dirigées contre l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la commune de Tarascon sur Ariège est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Tarascon sur Ariège et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Fait à Toulouse, le 18 décembre 2024.

La juge d'appel des référés, La Greffière,

A. Geslan-Demaret M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°24TL02960 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL02960
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-015-03 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales. - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Armelle Geslan-Demaret
Avocat(s) : BRIAND SACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;24tl02960 ?
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