Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Balaruc-les-Bains a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui payer la somme provisionnelle de 784 611,60 euros en exécution du contrat d'assurance dommage ouvrage qui les lie.
Par une ordonnance n° 2402490 du 18 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juillet et 21 août 2024, la commune de Balaruc-les-Bains, représentée par Me Rigeade, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 18 juin 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la SMABTP à lui payer la somme provisionnelle de 784 611,60 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la SMABTP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée, que :
- le premier juge a méconnu le principe du contradictoire en lui accordant un délai de huit jours seulement pour répondre au mémoire présenté par la société défenderesse, ce qui ne lui a pas laissé le temps de présenter des observations en réplique ;
- le premier juge a insuffisamment motivé son ordonnance de rejet.
Elle soutient, au fond, que :
- depuis une décision rendue par le Conseil d'Etat le 5 juin 2023 sous le n° 461341, le maître d'ouvrage peut rechercher la garantie décennale des constructeurs y compris pour des dommages portant sur des éléments d'équipement indissociables de l'ouvrage rendant celui-ci impropre à sa destination, et dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans cet ouvrage ;
- ainsi, les dispositions de l'article 1792-7 du code civil, en vertu desquelles ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage les équipements dont la seule fonction est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, ne sont pas applicable au marché de travaux conclu en l'espèce, ainsi qu'au contrat d'assurance dommage ouvrage ;
- la responsabilité de la SMABTP est dès lors engagée au titre de l'exécution du contrat d'assurance dommage ouvrage et au titre de l'article L. 242-1 du code des assurances ; ainsi, il appartient à cette société de garantir la commune, son assurée, de tous les désordres décennaux relatifs à l'ouvrage construit, y compris ses éléments d'équipements ;
- les désordres en litige, à savoir les dysfonctionnements qui affectent le système de production des eaux thermales et des boues de l'établissement, sont couverts par le contrat d'assurance et il appartient dès lors à l'assureur de les garantir ;
- elle fait procéder aux travaux de réparation du système de production des eaux thermales et des boues de l'établissement, jugés nécessaires par le rapport d'expertise ordonné par le tribunal administratif, pour un montant de 784 611,60 euros ; elle justifie au dossier avoir déboursé cette somme à l'occasion des nouveaux marchés de maîtrise d'œuvre et de travaux conclus à cette fin.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 juillet et 20 septembre 2024, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée Me Marc, conclut :
1°) à la confirmation de l'ordonnance attaquée et au rejet de la requête de la commune de Balaruc-les-Bains ;
2°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Vu la décision du 2 septembre 2024 par laquelle le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. En 2012, la commune de Balaruc-les-Bains a signé divers marchés de travaux publics en vue de la construction d'un nouvel établissement thermal. Elle a, dans ce cadre, conclu avec la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) un marché public d'assurance dommage ouvrage. Constatant que de multiples désordres affectaient le fonctionnement de l'établissement thermal, la commune de Balaruc-les-Bains a, en 2016, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de désigner un expert chargé d'en connaître l'origine, de déterminer les responsables ainsi que la nature et le coût des travaux propres à y remédier. Alors que les opérations d'expertise étaient en cours de réalisation, la commune a, en 2018, entrepris de faire réparer les désordres affectant le système de fabrication des boues de l'établissement thermal pour un montant de 784 611,60 euros. Par courrier du 21 décembre 2023, la commune de Balaruc-les-Bains a demandé à la SMABTP de prendre en charge, en exécution du contrat d'assurance, le coût des travaux de réparation du système de fabrication des boues. La SMABTP a rejeté cette demande par courrier du 8 janvier 2024, réitéré le 18 janvier suivant, au motif que la réparation des désordres en litige était exclue de l'assiette de souscription de l'assurance dommage ouvrage. La commune de Balaruc-les-Bains a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de la SMABTP à lui verser une provision d'un montant de 784 611,60 euros. Par une ordonnance rendue le 18 juin 2024, dont la commune relève appel, le juge des référés a rejeté cette demande.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, une ordonnance de référé-provision est rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense de la SMABTP a été mis à la disposition de la commune de Balaruc-les-Bains sur l'application " Telerecours " le 5 juin 2024 avec un délai de huit jours pour y répondre, le cas échéant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai de huit jours aurait été insuffisant pour permettre à la commune de répliquer utilement à ce mémoire alors, en outre, que l'ordonnance attaquée a été rendue le 18 juin 2024. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction doit être écarté.
3. En second lieu, pour rejeter la demande de provision présentée par la commune de Balaruc-les-Bains, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, après avoir cité les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a relevé que " la question de savoir si, dans le cadre de la construction du nouvel établissement thermal ... le procédé d'eau thermale et boue, à l'origine du dysfonctionnement constaté ... doit être compris dans l'assiette du contrat dommage ouvrage souscrit le 21 février 2014, est sérieusement contestable ". Ce faisant, le premier juge a fait apparaître les éléments essentiels de son raisonnement selon lequel la prise en charge, au titre des stipulations du contrat d'assurance, des désordres affectant le système de fabrication des boues ne pouvait être regardé comme non sérieusement contestable en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'ordonnance attaquée doit ainsi être écarté.
Sur la demande de provision :
4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".
5. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
6. Il résulte de la " modification 3 " incluse dans l'annexe à l'acte d'engagement de l'assurance dommage ouvrage que le souscripteur, en l'occurrence la commune de Balaruc-les-Bains, s'est engagé lors de la déclaration du coût définitif de l'opération à préciser le montant des travaux et honoraires à déduire de l'assiette de la prime d'assurance. A cet égard, l'acte d'engagement de l'assurance dommage ouvrage, signé par la commune de Balaruc-les-Bains le 18 mars 2014, après avoir rappelé que le montant total de l'opération s'élevait à 48 412 899 euros, comporte la mention selon laquelle l'assiette des primes est constituée par le montant toutes taxes comprises des travaux de construction de l'établissement thermal à l'exclusion, notamment, des " process eaux thermales et boues ". Ce faisant, il apparaît que les parties contractantes ont entendu exclure de l'assiette de l'assurance la couverture des désordres affectant le système de fabrication des boues (et des eaux thermales) de l'établissement. La commune de Balaruc-les-Bains ne peut utilement se prévaloir de ce que l'article 2.1.1 du cahier des clauses particulières de l'assurance dommage ouvrage ait inclus les dommages de nature décennale, dont les désordres en litige relèveraient, parmi les garanties dont bénéficie le souscripteur, ni de ce que l'article 2.1.2 du même cahier prévoit une garantie complémentaire pour les éléments d'équipement, dès lors qu'il apparaît que les dommages en litige ont été exclus au stade de la définition de l'assiette même des éléments assurés, ainsi qu'il a déjà été dit. Dans ces conditions, la créance invoquée par la commune à l'encontre de la SMABTP ne peut être regardée comme non sérieusement contestable et sa demande de provision doit, en conséquence, être rejetée.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Balaruc-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Balaruc-les-Bains, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SMABTP et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune appelante tendant à ce qu'une somme lui soit versée au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 24TL01672 de la commune de Balaruc-les-Bains est rejetée.
Article 2 : La commune de Balaruc-les-Bains versera à la SMABTP la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Balaruc-les-Bains et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.
Fait à Toulouse le 11 décembre 2024.
Le juge d'appel des référés,
Frédéric Faïck
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N°24TL01672 2