Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2000306 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge de ces cotisations supplémentaires.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2022 sous le n° 22BX00428 au greffe de la cour administrative de Bordeaux et ensuite sous le n° 22TL20428 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2021 en tant que le tribunal a déchargé M. A... et Mme D... des impositions supplémentaires mises à leur charge à raison des distributions consécutives à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société MNKS ;
2°) de rétablir M. A... et Mme D... aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été réclamés à ce titre pour un montant de 33 703 euros.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le service n'apportait pas la preuve de l'appréhension des distributions par M. A... sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, dès lors qu'il était justifié que celui-ci était le maître de l'affaire de la société MNKS ;
- à titre subsidiaire, l'imposition aurait pu être établie sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 de ce code, qui peut être substitué à celui du c de l'article 111 ;
- les moyens soulevés par M. A... et Mme D... devant le tribunal ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... et Mme D..., qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL MNKS, qui exerce une activité de bar, hôtel et restauration à Capdenac-Gare (Aveyron) et dont M. A... est le gérant de droit et l'associé unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre 2015 et 2016. À l'issue du contrôle, le service a adressé à cette société une proposition de rectification en date du 30 juillet 2018. En conséquence, le service a notifié à M. A... et Mme D..., par une proposition de rectification du même jour et selon la procédure contradictoire, des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et de contributions sociales à raison de revenus réputés distribués par ladite société. À la suite de l'admission partielle de leur réclamation tendant à obtenir la décharge de l'ensemble de ces impositions, M. A... et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête tendant à la décharge du surplus des impositions supplémentaires mises à leur charge. Par un jugement du 19 octobre 2021, le tribunal les a déchargés de la totalité de ces suppléments d'impositions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement en tant qu'il a déchargé les intéressés des impositions supplémentaires mises à leur charge à raison des distributions consécutives à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société MNKS et demande le rétablissement de celles-ci, pour un montant de 33 703 euros.
Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
3. Les bénéfices d'une société reconstitués après le rejet de sa comptabilité ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire des distributions soit le maître de l'affaire n'a pas davantage cet effet. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a considéré que l'administration fiscale n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de l'existence d'une distribution de la SARL MNKS à M. A..., quand bien même celui-ci serait maître de l'affaire, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.
4. L'administration peut toutefois, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable d'une garantie.
5. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de substituer aux dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 de ce code. Aux termes de ces dernières dispositions : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1º Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital'(...)'". Aux termes de l'article 110 du même code : "'Pour l'application du 1º du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés'". En cas de refus des rehaussements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, la preuve de l'appréhension des distributions est réputée apportée à l'égard du contribuable dont l'administration démontre qu'il était maître de l'affaire.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite du contrôle de la SARL MNKS, le vérificateur a relevé que l'enregistrement comptable des recettes de l'établissement était effectué selon une périodicité quasi-mensuelle à partir des tickets Z édités chaque jour ouvré à la fin du service et d'un récapitulatif fourni par le gérant. Il n'est contesté ni que les tickets Z ne distinguent les recettes qu'en fonction de grandes catégories de ventes (casse-croûte, soirée étape, hôtel, bar) et du taux de taxe sur valeur ajoutée, ni qu'ils ne mentionnent que les encaissements en espèces, tandis que les encaissements comptabilisés sont effectués à partir de récapitulatifs fournis par le gérant mentionnant le chiffre d'affaires par mode de paiement (carte bleue, espèces et chèques). Ni ces tickets, qui n'identifient pas le détail des ventes, ni ces récapitulatifs ne permettent, en l'absence de justificatifs de ventes plus détaillés tels que des doubles de notes numérotées ou des bandes de caisse enregistreuse détaillant les ventes par facture, de rapprochement entre les comptes d'achats et les comptes de ventes. Au vu de l'ensemble des irrégularités comptables ainsi relevées, le vérificateur a pu à bon droit regarder la comptabilité présentée comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité du bar au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
7. En deuxième lieu, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'activité " bar " de la SARL MNKS selon la méthode des " achats-revendus " sur la base des données propres à l'entreprise, en calculant les quantités de boissons revendues à partir des quantités de produits achetés, en regroupant les produits par grandes familles, en prenant en compte les dosages ainsi que l'évolution des tarifs de l'établissement tels que décrits par M. A..., malgré l'absence de production de toute carte tarifaire, ainsi qu'un taux de 3 % d'offerts à la clientèle et de consommation du personnel établi sur la base des éléments présentés par l'intéressé. La seule circonstance que l'administration ait appliqué un ratio de vente à la bouteille par rapport à la vente au verre de 40 % au lieu de 68,94 %, ce que le service a du reste accepté de modifier au stade de la réclamation préalable présentée par M. A... et Mme D..., n'est pas de nature à remettre en cause la méthode de reconstitution employée, qui n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire. Si, en première instance, les demandeurs contestaient le calcul des offerts qui aurait dû être effectué " en fonction des bouteilles d'alcools les plus vendus " et soutenaient que le service avait retenu à tort une vente au verre d'alcools dont le conditionnement ne permet que la vente à la bouteille, ils n'apportaient ni précision suffisante, ni justificatif probant de nature à remettre en cause la reconstitution opérée. Par conséquent, l'administration justifie l'existence et le montant du chiffre d'affaires reconstitué. Celui-ci n'ayant été ni mis en réserve ni incorporé au capital, le service est fondé à soutenir qu'il doit être regardé comme distribué sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109.
8. En troisième lieu, les intimés ne contestent pas davantage en appel qu'en première instance que M. A..., gérant de droit et de fait et associé unique de la société MNKS, qui disposait seul des pouvoirs les plus étendus sur la société et notamment celui de disposer des fonds sociaux, était seul maître de l'affaire.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à solliciter, dès lors qu'il justifie de la réalité des distributions et de l'appréhension de celles-ci par M. A... et que cette substitution n'est de nature à priver les intimés d'aucune garantie, la substitution des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts à celles du c de l'article 111 de ce code. Par voie de conséquence, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de M. A... et Mme D... au motif que le service n'établissait pas l'existence de distributions à leur profit.
10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les autres moyens :
11. En premier lieu, la régularité de la procédure d'imposition de la SARL MNKS est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition de M. A... et Mme D.... Par suite, leurs moyens tirés, d'une part, de ce que le vérificateur a omis de répondre aux observations de la société et, d'autre part, de ce que le service n'a pas fait droit à la demande présentée par celle-ci tendant à la saisine de l'interlocuteur départemental, sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
12. En deuxième lieu, la garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 du même code. Les impositions supplémentaires contestées par les demandeurs ayant été mises à leur charge à la suite d'un contrôle sur pièce de leur dossier fiscal, dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences des redressements notifiés à la société MNKS, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'abstention du supérieur hiérarchique à se prononcer sur leur situation personnelle lors de sa rencontre avec M. A... en sa qualité de gérant de cette société, entacherait d'irrégularité la procédure d'imposition.
13. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 du présent arrêt que M. A... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de la réalité et du montant des revenus distribués à M. A....
14. En quatrième lieu, M. A... et Mme D... ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations du paragraphe n° 180 du BOI-RPPM-RCM-10-20-20-50, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le service a fait application.
15. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points précédents du présent arrêt, M. A... et Mme D... ne sont pas fondés à solliciter la décharge par voie de conséquence des pénalités pour manquement délibéré mises à leur charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. A... et Mme D... au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, en tant qu'elles portaient sur la reconstitution de recettes de la SARL MNKS. Par conséquent, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rétablir ces suppléments d'impositions et pénalités.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000306 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il décharge M. A... et Mme D... des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 à raison des distributions consécutives à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société MNKS.
Article 2 : M. A... et Mme D... sont rétablis aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 pour un montant de 33 703 euros.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. B... A... et Mme C... D....
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20428