Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Calmont a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement les sociétés Subra, IDET, Christophe Pelous, Moynet Energie et AGTherm à lui verser les sommes de 185 837,04 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réparation des désordres ayant affecté la pompe à chaleur de l'école primaire communale, de 44 487,70 euros toutes taxes comprises au titre de l'augmentation de la consommation en énergie électrique, de 5 163,12 euros toutes taxes comprises au titre de la fourniture et la pose d'une chaudière électrique, de 150 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 15 000 euros au titre du préjudice d'image, de 5 719,30 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'avocat exposés au stade de la requête en référé et au cours des opérations d'expertise, et de mettre à la charge solidaire des sociétés Subra, IDET, Christophe Pelous, Moynet Energie et AGTherm la somme de 29 332,80 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise.
Par une ordonnance n° 2305820 du 23 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement les sociétés Pelous, IDET et Subra à verser à la commune de Calmont une provision de 149 332,80 euros, a condamné les sociétés IDET et Subra à garantir intégralement la société Pelous des condamnations prononcées à son encontre, et a condamné les sociétés IDET et Subra à se garantir mutuellement des condamnations prononcées à leur encontre à concurrence du partage de responsabilité fixé au point 20 de son ordonnance.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars 2024, 14 juin 2024, 12 septembre et 21 octobre 2024, la société Ingénierie Développement Durable Economie d'Energies Technologies Nouvelles (IEDT), représentée par la SCP Salesse et Associés agissant par Me Solivères, demande au juge des référés de la cour :
1°) à titre principal, de réformer cette ordonnance du 23 février 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle retient sa responsabilité dans les désordres en litige et de débouter les conclusions de la commune de Calmont dirigées contre elle ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés C. Pelous, Subra, Moynet et AGTherm ainsi que la commune de Calmont à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Calmont une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a estimé que les désordres en litige lui étaient imputables ; ces désordres n'ont pas pour origine un défaut de conception de la pompe à chaleur, laquelle a fonctionné sans le moindre problème pendant près de quatre ans à compter de la réception des travaux prononcée en octobre 2013 ; le rapport établi par la société AGTherm a ainsi montré que les pannes à répétition ayant affecté l'installation ont pour origine le fait que celle-ci a fonctionné avec un seul compresseur et avec des batteries non câblées ; les conclusions du rapport d'expertise, selon lesquelles la pompe à chaleur, a été sous-dimensionnée sont donc erronées ;
- les désordres en litige sont en réalité imputables aux autres intervenants aux marchés ; ainsi, l'architecte Pelous était chargé de la surveillance des travaux et d'une mission d'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception ; ils sont également imputables à la société Subra, titulaire du lot n° 5, qui est responsable des études d'exécution qu'elle a elle-même établies et ne s'est pas contentée d'exécuter les plans remis par le bureau d'études en application de l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;
- les désordres en litige trouvent également leur origine dans une faute de la commune de Calmont, maître d'ouvrage, qui a manqué à son devoir de faire entretenir la pompe à chaleur dès lors qu'elle a attendu 2015, soit près deux ans après la réception de l'ouvrage, qu'elle a signé un contrat de maintenance avec une société tierce ;
- les désordres sont dus également aux société Moynet et AGTherm avec lesquels la commune a conclu des contrats de maintenance de la pompe à chaleur, respectivement en 2015 et 2017, et dont le manque de professionnalisme a été relevé par l'expert dans son rapport ;
- c'est à tort que le premier juge a retenu une somme de 70 000 euros au titre des travaux de réparation des désordres affectant la pompe à chaleur ; cette somme correspond au coût de la chaudière à bois que la commune a fait installer en 2022, mais qui sert également à chauffer la bibliothèque de l'école alors que la pompe à chaleur ne devait servir qu'à chauffer l'école proprement dite ;
- les sommes auxquelles elle a été condamnée au titre de la surconsommation électrique sont sérieusement contestables dès lors qu'elles ne sont pas justifiées par des factures ou d'autres éléments précis ;
- les préjudices d'agrément et d'image invoqués par la commune de Calmont ne sont pas établis.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai et 30 juillet 2024, la société Moynet Energie, représentée par la SELARL Arcanthe agissant par Me Veiga, conclut :
1°) à la confirmation de l'ordonnance attaquée ;
2°) au rejet de toutes les conclusions formées par les autres parties à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Pelous, la société IDET et la société Subra ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que sa part éventuelle de responsabilité soit limitée à 5 % des préjudices immatériels subis par la commune entre 2015 et 2017 ;
5°) et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société IDET et par les autres parties à son encontre ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mai et 18 octobre 2024, la société Christophe Pelous, représentée par la SELAS ATCM agissant par Me Gendre, conclut :
1°) à la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle retient que les désordres en litige lui sont imputables ;
2°) au rejet des conclusions formées par la commune de Calmont à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société IDET et par la société Subra ; à être garantie par les sociétés Moynet et AGTHerm des condamnations prononcées au titre de l'augmentation de la consommation électrique ;
4°) à ce qu'une partie du montant de la condamnation soit laissée à la charge de la commune de Calmont ;
5°) et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société IDET et les autres parties à son encontre ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mai et 17 juin 2024, la société AGTherm, représentée par la SELARL STV Avocats agissant par Me Steva-Touzery, conclut :
1°) à la confirmation de l'ordonnance attaquée ;
2°) au rejet des conclusions formées par les autres parties son encontre ;
3°) et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société IDET et les autres parties à son encontre ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 23 juillet 2024, la commune de Calmont, représentée par la SELARL T et L Avocats agissant par Me Thalamas, conclut :
1°) au rejet des conclusions formées par les sociétés IDET, Pelous, Subra, Moynet et AGTtherm ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation de l'ordonnance attaquée et à ce que les sociétés Subra, IDET, Pelous, Moynet Energie et AGTherm soient condamnées solidairement à lui verser la somme de 185 837,04 euros toutes taxes comprises actualisée sur l'indice du coût de la construction au titre des désordres ayant affecté la pompe à chaleur, la somme de 44 487,70 euros toutes taxes comprises au titre du surcoût de consommation électrique, la somme de 5 163,12 euros toutes taxes comprises au titre de la fourniture et de la pose d'une chaudière électrique, la somme de 150 000 euros au titre du préjudice d'agrément, la somme de 15 000 euros pour le préjudice d'image et la somme de 5 719,30 euros toutes taxes comprises pour les frais d'avocat exposés au cours du référé-expertise ;
3°) à ce que les sommes précitées soient mises à la charge solidaire des sociétés IDET, Subra, C. Pelous, Moynet et AGTherm avec les intérêts au taux légal et les intérêts capitalisés ;
4°) à ce que les sociétés Subra, IDET, Pelous, Moynet et AGTherm soient condamnées solidairement au paiement des frais d'expertise, soit la somme de 29 332,80 euros toutes taxes comprises ;
5°) et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens des autres parties tendant à ce que la garantie décennale des constructeurs et la responsabilité contractuelle des sociétés Moynet et AGTherm ne soient pas retenues ne sont pas fondés. Elle soutient qu'elle justifie les montants réévalués qu'elle demande au titre des désordres en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, la société Subra Calmont Sanitaire Thermique, représentée par la SCP Candelier Carrière-Ponsan agissant par Me Candelier, conclut :
1°) à la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a retenu sa responsabilité dans les désordres en litige ;
2°) au rejet des conclusions formées par les autres parties à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par les sociétés IDET, Pelous, Moynet et AGTherm ;
4°) et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les autres parties à son encontre ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2024 à 12h00.
Par un courrier du 25 octobre 2024 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être partiellement fondée sur un moyen d'ordre public tiré de ce qu'il n'entre pas dans l'office du juge des référés-provision de se prononcer sur les conclusions de la commune de Calmont tendant à ce que les frais d'expertise soient définitivement mis à la charge solidaire des constructeurs.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 2 septembre 2024 par laquelle le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la rénovation de l'école primaire Marie Carpantier, la commune de Calmont a, en 2012, signé un marché de maîtrise d'œuvre avec la société Christophe Pelous, architecte, et le bureau d'étude IDET. Le marché de travaux comportait un lot n°5 " plomberie électricité " qui a été attribué à la société Subra Clamont Sanitaire Thermique et dont l'exécution impliquait, entre autres prestations, la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur à condenseur d'air. Les travaux ont été réceptionnés le 1er octobre 2013. En avril 2015, la commune de Calmont a confié l'entretien de l'installation du système de chauffage de l'école à la société Moynet Energie, puis à la AGTherm à compter du 20 mars 2017.
2. Dans la nuit du 5 au 6 février 2015, une rupture de phase est survenue sur le réseau électrique ayant provoqué une panne de la pompe à chaleur. Une nouvelle panne survenue en 2017 a nécessité le remplacement de plusieurs pièces de l'appareil. Constatant que les pannes du système de chauffage de l'école continuaient de se reproduire, la commune de Calmont a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse aux fins de désignation d'un expert. L'expert, désigné par ordonnance du 16 mai 2019, a rendu son rapport le 31 décembre 2021.
3. La commune de Calmont a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement les sociétés Subra, IDET, Christophe Pelous, Moynet Energie et AGTherm au paiement des sommes correspondant à la réparation des désordres et divers préjudices qu'elle a supportés à raison des dysfonctionnements ayant affecté le système de chauffage de l'école primaire. Par une ordonnance rendue le 23 février 2014, le juge des référés du tribunal a condamné les sociétés Pelous, IDET et Subra à verser à la commune de Calmont une provision de 149 332,80 euros, et a statué sur les appels en garantie présentées par les constructeurs les uns à l'encontre des autres. La société IDET relève appel de cette ordonnance.
4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
Sur le principe de la responsabilité :
5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.
En ce qui concerne la nature des désordres et leur imputabilité :
6. Il résulte de l'instruction que les désordres dont la commune de Calmont demande réparation ne résultent pas des incidents électriques ayant affecté la pompe à chaleur de l'école primaire mais qu'ils ont pour origine, selon l'expertise éclairée par les conclusions du sapiteur, l'insuffisance qualifiée de " notoire " du volume du vase d'expansion de l'appareil qui rend impossible le fonctionnement de la pompe à chaleur avec le débit prévu de 2 990 (L/h) dans la note de calcul rédigée par le bureau d'études IDET. Le sapiteur a précisé, à cet égard, qu'il y avait une incompatibilité tant hydraulique que thermique entre les plages de fonctionnement de l'appareil et les installations de chauffage (réseaux et corps de chauffe). Ces désordres ne permettent pas à la pompe à chaleur, qui est sous-dimensionnée, de remplir son office alors qu'elle est destinée à chauffer une école primaire qui accueille des enfants ainsi que le personnel administratif et enseignant. De tels désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont, par suite, de nature à engager la garantie décennale des constructeurs, comme l'a relevé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres en litige sont le résultat d'une erreur au niveau de la conception de l'appareil définie dans les notes de calcul élaborées par le bureau d'études IDET et reprises au cahier des clauses techniques particulières du lot n° 5. Ainsi que l'a relevé le sapiteur, le bureau d'études IDET a pris en compte seulement un demi-volume de renouvellement d'air par local, contrairement aux dispositions du règlement sanitaire départemental, et cette erreur s'est répétée au niveau des calculs totaux, lesquels ont abouti à la conception d'une pompe à chaleur d'une puissance de 60 300 (w) au lieu de 82 843 (w). Il en est résulté que la puissance produite par la pompe à chaleur ne permet pas aux corps de chauffe installés dans les locaux de l'école primaire de remplir leur office.
8. Dans ces conditions, les désordres en litige sont imputables au bureau d'études IDET et à la société Pelous engagée solidairement avec cette dernière en vertu du marché de maîtrise d'œuvre et chargée, en outre, des missions de direction de l'exécution des travaux et d'assistance du maître d'ouvrage aux opérations de réception. Ces désordres relèvent également du périmètre de l'intervention de la société Subra, titulaire du lot n°5, chargée à ce titre de l'installation de la pompe à chaleur et lui sont, dès lors, imputables.
9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la commune de Calmont a confié l'entretien du système de chauffage de l'école à la société Moynet Energie en avril 2015, puis à la AGTherm à compter du 20 mars 2017. Comme l'a relevé à juste titre le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, l'expert, bien qu'ayant relevé que ces sociétés avaient " manqué de professionnalisme " dans leur obligation d'entretien, n'a pas identifié un lien particulier de causalité entre les interventions de maintenance effectuées par lesdites sociétés et les désordres en litige, lesquels étaient inhérents à la conception même de l'installation. Au surplus, il est constant que les sociétés Moynet Energie et AGtherm n'étaient pas au nombre des constructeurs avec lesquels la commune de Calmont a signé les marchés de travaux portant sur la rénovation de l'école primaire et que, intervenues bien après la réception des travaux dans le cadre de contrats de maintenance de l'installation, elles n'ont pas la qualité de constructeurs susceptibles de voir leur responsabilité engagée au titre de la garantie décennale.
En ce qui concerne la faute alléguée du maître d'ouvrage :
10. Selon la société IDET, les désordres en litige trouvent leur origine dans le manque d'entretien de l'installation dont la commune de Calmont serait responsable pour ne pas avoir fait entretenir l'appareil après la réception des travaux le 1er octobre 2013, et avoir attendu avril 2015 pour signer un premier contrat de maintenance. Pour autant, il ne résulte pas du rapport d'expertise que cette absence d'entretien, à la supposer établie, alors que la société Subra était tenue à une obligation de parfait achèvement dans l'année suivant la réception et que la commune a conclu successivement deux contrats de maintenance avec des prestataires différents en avril 2015 et mars 2017, serait à l'origine des désordres en litige qui résultent, ainsi qu'il a été dit, du sous-dimensionnement de la pompe à chaleur et donc de la conception même de l'ouvrage.
11. Dans ces conditions, la société IDET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé que la créance dont la commune de Calmont se prévalait à son encontre, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, était non sérieusement contestable.
12. Il s'ensuit que la commune de Calmont était fondée à rechercher, sur le terrain de la garantie décennale, la responsabilité solidaire des sociétés IDET, Pelous et Subra.
En ce qui concerne le montant des réparations :
13. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la réparation des désordres en litige nécessite la reprise des études thermiques, la réalisation d'une étude électrique intégrant les puissances exigées, la dépose et le remplacement de la pompe à chaleur et des corps de chauffe et l'installation d'un nouvel appareil doté d'une puissance adaptée, ce qui implique en outre l'assistance d'un maître d'œuvre. Dans son rapport, l'expert évalue à 185 837,04 euros toutes taxes comprises le montant de ces travaux.
14. Il résulte de l'instruction qu'en octobre 2022, la commune de Calmont a fait installer dans l'école primaire, afin d'en assurer le chauffage, une chaudière à bois pour un montant de 69 646 euros. Cette circonstance a conduit le juge des référés du tribunal à écarter l'évaluation des travaux faite par l'expert pour accorder à la commune une indemnité de 70 000 euros au titre de la juste évaluation du préjudice. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, que la commune a été contrainte, en raison des défaillances de la pompe à chaleur, de recourir à une chaudière à bois à titre de solution de rechange destinée à permettre d'accueillir les jeunes élèves de l'école dans des conditions de chauffage normales. Par ailleurs, la commune, qui n'a pu profiter du fonctionnement normal de la pompe à chaleur installée en 2013, doit supporter des frais supplémentaires de maintenance pour la chaudière à bois.
15. La circonstance que la commune de Calmont ait mis en place un autre système de chauffage n'est pas de nature à faire obstacle à ses prétentions indemnitaires à raison, notamment, des frais liés à ce système qu'elle n'aurait pas exposés si la pompe à chaleur avait été correctement conçue. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 3.7.3 du cahier des clauses techniques particulières, que le système de chauffage dont la commune était censée profiter n'était pas limité aux salles de classe, mais concernait tous les locaux destinés à accueillir les élèves et le personnel de l'établissement ainsi que les halls, circulations communes et vestiaires.
16. Il résulte de l'instruction que les coûts supportés par la commune pour pallier aux dysfonctionnement de la pompe à chaleur et assurer un chauffage règlementaire de l'ensemble des dépendances de l'école s'élèvent à la somme de 93 938,52 euros toutes taxes comprises. Cette somme doit être mise à la charge solidaire, à titre de provision, des sociétés IDET, Pelous et Subra. Ainsi, il y a lieu de faire droit aux conclusions d'appel incident de la commune de Calmont à hauteur de la somme précitée de 93 938,52 euros toutes taxes comprises, de rejeter les conclusions de la société IDET tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a indemnisé ce chef de préjudice, et de réformer cette ordonnance en tant qu'elle a limité à 70 000 euros le montant de la réparation. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Calmont aurait été, pour des raisons financières, dans l'impossibilité d'engager les travaux préconisés par l'expert à la date de remise par celui-ci de son rapport alors même que la chambre régionale des comptes a relevé qu'elle devait maîtriser ses charges et prioriser ses investissements dans un rapport remis toutefois le 24 octobre 2023, soit presque deux ans après le dépôt de l'expertise. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal a rejeté la demande de la commune de Calmont tendant à ce que l'indemnisation octroyée soit actualisée par référence à l'indice du coût de la construction.
17. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les performances de la pompe à chaleur, insuffisantes en termes de chauffage, ont conduit la commune de Calmont à supporter une consommation électrique anormale, résultant notamment de l'installation de convecteurs dans les locaux, dont l'existence a d'ailleurs été reconnue par l'expert. En estimant que ce chef de préjudice présentait un caractère non sérieusement contestable, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait une mauvaise appréciation des circonstances de l'espèce. Il n'a pas davantage insuffisamment évalué ce préjudice en retenant une somme provisionnelle de 45 000 euros qu'il a mise à la charge solidaire des sociétés IDET, Pelous et Subra. Dans ces conditions, les conclusions de la société IDET tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a indemnisé ce chef de préjudice, et les conclusions d'appel incident de la commune de Calmont tendant à la majoration du montant octroyé à ce titre, doivent être rejetées.
18. En troisième lieu, la commune de Calmont a engagé des frais pour présenter sa requête en référé-expertise, puis pour être assistée au cours des opérations menées par l'expert et son sapiteur. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant que ce chef de préjudice présentait un caractère non sérieusement contestable, et en l'évaluant à la somme provisionnelle de 5 000 euros qu'il a mise à la charge solidaire des sociétés IDET, Subra et Pelous, le juge des référés du tribunal aurait fait une mauvaise appréciation des circonstances de l'espèce.
19. En quatrième lieu, et en revanche, aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que la commune de Calmont aurait subi un préjudice d'agrément ou un préjudice d'image. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal a estimé que la créance qu'elle invoquait à ce titre n'était pas non sérieusement contestable. Les conclusions d'appel incident de la commune tendant à ce que les constructeurs lui versent une provision de 165 000 euros au titre des préjudices invoqués doivent ainsi être rejetées.
20. En cinquième et dernier lieu, si la commune de Calmont demande devant la cour, comme elle l'avait fait devant le premier juge, la condamnation solidaire des constructeurs à lui verser la somme de 29 332,80 euros au titre des frais d'expertise, il n'entre pas dans l'office du juge de référés de se prononcer sur la charge définitive de tels frais. Par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a mis à la charge des constructeurs la somme précitée de 29 332,80 euros.
21. Il résulte de ce qui précède que la provision de 149 332,80 euros que le juge des référés du tribunal a mise à la charge solidaire les sociétés IDET, Pelous et Subra doit être ramenée à 143 938,52 euros (93 938,52 euros + 45 000 euros + 5 000 euros). Cette somme doit être majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2023, date à laquelle la commune de Calmont a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Les intérêts échus le 27 septembre 2024 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
22. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être réformée en ce qu'elle a de contraire à ce qui précède, et que le surplus des conclusions d'appel incident de la commune de Calmont doit être rejeté.
Sur les appels en garantie :
23. Ainsi qu'il a été dit, les désordres en litige ont principalement pour origine le défaut de conception, par la société IDET, de la pompe à chaleur qui n'était pas suffisamment dimensionnée pour remplir son office. De même, et contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal, la société Pelous, architecte chargé de viser les études d'exécution, de diriger l'exécution des travaux et d'assister le maître d'ouvrage lors des opérations de réception, lesquelles ont été prononcées sans réserve, a commis une faute qui a contribué aux dommages. Enfin, la société Subra, titulaire du lot n° 5 " plomberie électricité ", a également manqué à ses obligations contractuelles et aux règles de l'art en laissant installer une pompe à chaleur dont elle ne pouvait ignorer la non-conformité en sa qualité de professionnelle avertie.
24. Compte tenu de ce qui précède, la société IDET sera garantie par la société Pelous à hauteur de 20 % de la somme de 143 938,52 euros mentionnée au point 21 et par la société Subra à hauteur de 20 % de cette même somme. La société Pelous sera garantie par la société IDET à hauteur de 60 % et par la société Subra à hauteur de 20 % de ce montant. Enfin, la société Subra sera garantie par la société IDET et par la société Pelous à hauteur, respectivement, de 60 % et 20 % de la condamnation. L'ordonnance attaquée doit ainsi être réformée en ce qu'elle a de contraire à la répartition des responsabilités retenue au présent paragraphe.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge solidaire des société IDET, Pelous et Subra une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Calmont au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les autres parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La somme de 149 332,80 euros que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, dans son ordonnance du 23 février 2024, mise à la charge solidaire les sociétés IDET, Pelous et Subra est ramenée à 143 938,52 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2023. Les intérêts échus au 27 septembre 2024 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La société IDET sera garantie par la société Pelous à hauteur de 20 % de la somme mentionnée à l'article 1er et par la société Subra à hauteur de 20 % de cette même somme.
Article 3 : La société Pelous sera garantie par la société IDET à hauteur de 60 % et par la société Subra à hauteur de 20 % de la somme mentionnée à l'article 1er.
Article 4 : La société Subra sera garantie par la société IDET à hauteur de 60 % et par la société Pelous à hauteur de 20 % de la somme mentionnée à l'article 1er.
Article 5 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 23 février 2024 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 6 : Les société IDET, Subra et Pelous verseront solidairement à la commune de Calmont la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : La présente ordonnance sera notifiée à la société IDET, à la commune de Calmont, et aux sociétés Subra, Christophe Pelous, Moynet Energie et AGTherm. Copie pour information en sera délivrée à M. B..., expert et à M. A..., sapiteur.
Fait à Toulouse le 4 novembre 2024.
Le juge d'appel des référés,
Frédéric Faïck
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N°24TL00595 2