Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse suivante :
Mme D... F... et M. B... C..., en leur nom propre et en qualité de responsables légaux de A... C..., représentés par Me Durand-Raucher, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise médicale aux fins de déterminer si le traumatisme crânien causé par la chute au sol de A... C... au moment de sa naissance est à l'origine de son retard psychomoteur et de sa paralysie cérébrale, si, à l'occasion de la prise en charge par le service d'aide médicale urgente, une erreur d'appréciation sur l'imminence de l'accouchement a été commise, à l'origine de la chute au sol de A... C... au moment de sa naissance et enfin les conséquences psychologiques et psychiatriques de l'accident de A... C... pour sa mère, Mme D... F....
Par une ordonnance n° 2301054 du 20 février 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à cette demande et désigné un collège d'experts composé du docteur G... I... et du docteur H... E....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2024, le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne, représenté par Me Nicolas, demande à la cour :
1°) de réformer l'ordonnance du 20 février 2024 ;
2°) de désigner, aux frais avancés des consorts F... et C..., un collège d'experts composé d'un spécialiste en gynécologie obstétrique et d'un spécialiste en médecine d'urgence, pour se prononcer sur les conditions de la prise en charge de Madame F... le 26 novembre 2019 et d'un spécialiste en neuropsychiatrie pédiatrique afin, le cas échéant, de se prononcer sur la nature, l'origine et l'imputabilité éventuelle des troubles conservés par l'enfant A... C... ;
3°) de rejeter comme prématurée la demande d'expertise psychiatrique de Mme F... ;
4°) de rejeter toute demande autre ou contraire présentée à son encontre.
Il soutient que :
- comme il l'avait demandé en première instance, il faut apprécier les conditions de prise en charge de Mme F... en désignant des médecins spécialisés sur ces questions ;
- il convient de prendre en compte l'état antérieur ou toute origine distincte des préjudices ;
- la demande d'expertise de Mme F... est prématurée.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2024, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Cara, demande à la cour de réformer l'ordonnance du 20 février 2024 du tribunal administratif de Toulouse, de désigner un collège d'experts composé d'un spécialiste en médecine d'urgence et d'un spécialiste en gynécologie obstétrique avec mission de se prononcer sur les conditions de prise en charge Mme F... et un collège d'experts en pédopsychiatrie et en neuropédiatrie pour se prononcer et donner tout éclairage sur l'origine et l'imputabilité éventuelle des troubles de l'enfant A... C... et de mettre à la charge de Mme F... et M. C... l'ensemble des dépens y compris les frais d'expertise.
Il soutient que :
- eu égard à la mission confiée, complétée par une ordonnance du 3 avril 2024, il est nécessaire d'avoir recours à des experts spécialisés en gynécologie obstétrique et en médecine d'urgence ;
- il faut apprécier l'état de santé antérieur de Mme F....
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2024, Mme F... et M. C..., représentés par Me Durand-Raucher, concluent à la confirmation de l'ordonnance du 20 février 2024 du tribunal administratif de Toulouse, à leur donner acte qu'ils ne s'opposent pas à ce que le collège d'experts soit complété d'une part d'un spécialiste en gynécologie obstétrique et d'un spécialiste en médecine d'urgence, et d'autre part d'un spécialiste en neuropsychiatrie pédiatrique, et enfin de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'accident dont a été victime, dans la nuit du 26 novembre 2019, le nouveau-né A... C... est imputable à une faute du service d'aide médicale urgente du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
- les préjudices que cet accident a occasionnés, tant pour A... C... que pour sa mère Mme D... F..., doivent faire l'objet d'une expertise, dans la perspective probable d'un prochain recours indemnitaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 20 février 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a désigné, à la demande de Mme F... et M. C..., un collège d'experts composé des docteurs I... et E.... Ils ont reçu pour mission, s'agissant d'abord de l'expertise de l'enfant A... C..., de se faire communiquer tous les éléments et tous les documents médicaux relatifs aux circonstances de l'accident survenu le 26 novembre 2019, depuis les constatations des secours d'urgence jusqu'aux derniers bilans médicaux, de décrire l'état initial de l'enfant, les lésions initiales consécutives à sa chute et leurs évolutions, les modalités de traitement, les durées d'hospitalisation, la nature et la durée des soins et des traitements prescrits imputables à l'accident, de se prononcer sur l'éventualité d'une infection nosocomiale ayant affecté l'état de santé de l'enfant, d'apprécier l'impact sur sa scolarité, sur la vie des parents et la vie familiale, de l'état de santé de l'enfant et de la prise en charge particulière qu'il nécessite ou nécessitera, de procéder à un examen clinique détaillé permettant de décrire notamment les déficits neuromoteurs, sensoriels, orthopédiques, les troubles des fonctions intellectuelles, affectives et du comportement et leur incidence sur la vie quotidienne de l'enfant, ses facultés d'insertion sociale et d'apprentissage présentes et futures, de se prononcer sur l'imputabilité des lésions constatées à l'accident du 26 novembre 2019, dans le cas où la consolidation ne serait pas acquise, d'indiquer les besoins de l'enfant en termes d'aménagement, d'aides humaines ou matérielles, de prise en charge médicale, pharmaceutique ou paramédicale, d'évaluer les séquelles aux fins de fixer les durées d'invalidité temporaire totale et d'invalidité temporaire partielle ainsi que les dates de consolidation de l'état de santé de A... C..., de décrire les préjudices de toutes sortes, les souffrances physiques et psychiques endurées, ainsi que les dommages esthétiques, et de les évaluer sur une échelle de 1 à 7. Par ailleurs la juge des référés a donné pour mission, s'agissant de l'expertise de Mme F..., de se faire communiquer tous les éléments et tous les documents médicaux relatifs aux circonstances de l'accident, depuis les constatations des secours d'urgence jusqu'aux derniers bilans médicaux réalisés, de décrire les répercussions psychologiques et psychiatriques de l'accident sur la victime dans sa vie personnelle ou professionnelle, de fixer la durée de l'invalidité temporaire totale et de l'invalidité permanente partielle et de donner son avis sur tout autre chef de préjudice qui serait invoqué par la victime. Par une ordonnance du 3 avril 2024 la juge des référés a étendu les missions des experts notamment pour apprécier les conditions de la prise en charge de Mme F....
2. Le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne relève appel de l'ordonnance du 20 février 2024.
Sur l'utilité de la mesure d'expertise :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Le juge des référés ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
Sur l'utilité de l'expertise :
4. Dans la nuit du 26 novembre 2019, des sapeurs-pompiers de la Haute-Garonne, puis une équipe de quatre personnes du service médical d'urgence du centre hospitalier universitaire de Toulouse, sont intervenus au domicile de Mme F... qui était enceinte de 8 mois alors qu'elle avait ressenti de vives contractions. Tandis que les secours procédaient à son installation sur un brancard en vue de son transfert, Mme F... a accouché. Le nouveau-né, qui a chuté sur le sol, nécessitant que lui soit pratiqué, après prise en charge par ventilation et intubation, un massage cardiaque, a été hospitalisé en néonatologie jusqu'au 17 décembre 2019 pour un suivi neurologique, avant le retour à domicile. L'utilité de l'expertise s'agissant de l'enfant n'est pas contestée en appel. Si le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne fait valoir qu'il faudrait compléter la mission confiée aux experts pour que ceux-ci apprécient les conditions de la prise en charge de Mme F..., la mission étendue par l'ordonnance du 3 avril 2024 porte bien déjà sur ce point. Selon l'établissement public la mission devrait également être complétée afin que les experts prennent en compte des causes éventuelles dans l'appréciation de l'état de santé autres que les conséquences de la chute dont a été victime l'enfant, notamment son état initial. Toutefois la mission, telle qu'elle est rédigée, implique nécessairement que les experts prennent en considération de telles causes.
5. Le service départemental et de secours de la Haute-Garonne soutient que l'expertise serait inutile s'agissant de Mme F... en raison de son caractère prématuré dès lors qu'il conviendrait d'attendre les conclusions des experts sur les conditions de prise en charge de sa grossesse. Toutefois, alors que les répercussions sur l'état de santé de Mme F... causées par l'accident ne sont pas contestées, eu égard aux circonstances de fait rappelées au point précédent, aucun des éléments du dossier ne permet au juge des référés de constater l'absence manifeste de lien de causalité entre l'état de la requérante et les conditions de sa prise en charge par les personnes publiques mises en cause. Par suite, alors que Mme F... a justifié devant le tribunal de l'intérêt et de la nécessité d'une mesure d'expertise dans la perspective d'une éventuelle action contentieuse dirigée contre le centre hospitalier et universitaire de Toulouse et le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne, la condition d'utilité prescrite par l'article R. 532-1 du code de justice administrative est satisfaite. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Toulouse, la mission confiée par la juge des référés implique nécessairement que soit prise en compte par les experts son état antérieur à l'accident du 26 novembre 2019 et les conclusions tendant à compléter la mission sur ce point ne peuvent donc être accueillies.
Sur la composition du collège d'experts :
6. Aux termes de l'article R. 621-2 du code de justice administrative : " Il n'est commis qu'un seul expert à moins que la juridiction n'estime nécessaire d'en désigner plusieurs. Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, selon le cas, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux choisit les experts parmi les personnes figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Il peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Il fixe également le délai dans lequel l'expert sera tenu de déposer son rapport au greffe. Lorsqu'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, du président de la section du contentieux. La décision est insusceptible de recours. ". Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas au juge d'appel de contrôler l'appréciation de la compétence technique de l'expert à laquelle le premier juge, en le désignant, s'est livré.
7. Si le service départemental d'incendie et de secours et le centre hospitalier universitaire de Toulouse font valoir que l'appréciation des conditions dans lesquelles a été prise en charge Mme F... devrait être confiée à des experts spécialisés en gynécologie obstétrique et médecine d'urgence, pour les raisons exposées au point précédent, un tel moyen ne peut être accueilli. Il appartiendra aux experts désignés de s'adjoindre, s'ils l'estiment nécessaire, un ou plusieurs sapiteurs dans les conditions prescrites par l'article R. 621-2.
8. Il résulte de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise. Les conclusions aux mêmes fins du centre hospitalier universitaire de Toulouse doivent également être rejetées sans qu'il soit nécessaire de statuer sur leur recevabilité.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme F... et M. C..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne une somme de 1 200 euros.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse sont rejetées.
Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne versera à Mme F... et M. C... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne, à Mme D... F... et M. B... C..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ainsi qu'à Mme G... I... et M. H... E..., experts.
Fait à Toulouse, le 26 septembre 2024.
Le président,
signé
J-F. MOUTTE
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
N°24TL00740 2