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19/07/2024 | FRANCE | N°24TL01628

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 19 juillet 2024, 24TL01628


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 24 mai 2024 par lesquels la préfète du Lot, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence.



Par un jugement n° 2403106 du 4 juin 2024, le magistrat

désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis provisoirement M. A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 24 mai 2024 par lesquels la préfète du Lot, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2403106 du 4 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle, a renvoyé sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté de la préfète du Lot devant une formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2024, M. A..., représenté par Me Sarasqueta, demande au juge des référés de la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 mai 2024 de la préfète du Lot en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 mai 2024 de la préfète du Lot portant assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Lot de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de cinq jours suivant la notification de la présente ordonnance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement dans le cas où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il fait l'objet d'une assignation à résidence et que la mesure d'éloignement peut donc être exécutée à tout moment.

Il soutient qu'il existe un doute sérieux en l'état de l'instruction quant à la légalité des arrêtés de la préfète du Lot dès lors que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, les conditions prévues par les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas remplies ;

- la base légale du 3° de l'article L. 611-1 ne pourrait être substituée à la base légale mentionnée plus haut dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale pour les motifs suivants :

- l'avis de la commission du titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- le motif de la décision de refus de titre de séjour selon lequel sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, sa présence en France ne représentant pas une menace pour l'ordre public ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire étant illégales.

Par un mémoire, enregistré le 18 juillet 2024, la préfète du Lot conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, la précédente ordonnance du juge des référés du 21 juin 2024 ayant l'autorité de la chose jugée ;

- il n'y a pas de situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et M. A... ne fait pas état de moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions en litige contenues dans les arrêtés du 24 avril 2024.

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2024 sous le n° 24TL01484, par laquelle M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 4 juin 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse par lequel, après avoir admis provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle, il a renvoyé sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté de la préfète du Lot devant une formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus de sa demande.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a, par une décision du 4 janvier 2023, désigné M. Alain Barthez, président de la 1ère chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 19 juillet 2024, le rapport de M. Barthez, juge des référés et les observations de Me Pougault, substituant Me Sarasqueta, représentant M. A..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soulignant, notamment, l'absence de risque pour l'ordre public et la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 9 heures 25.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 15 février 1999, a sollicité le 5 février 2024 le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé. Par deux arrêtés du 24 mai 2024, estimant que la présence en France de M. A... représentait un risque pour l'ordre public du fait de la pathologie dont il souffre, la préfète du Lot, d'une part, a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence. Par un jugement du 4 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir renvoyé à une formation collégiale le jugement de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour contenu dans le premier arrêté du 24 avril 2024, a rejeté le surplus de sa demande d'annulation des décisions contenues dans les arrêtés de la préfète du Lot. M. A..., qui a fait appel de ce jugement, saisit la cour sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et lui demande de prononcer la suspension de l'exécution des décisions autres que celle portant refus de renouvellement de titre de séjour et qui sont contenues dans les arrêtés du 24 avril 2024.

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle.

3. Aux termes du second alinéa de l'article R. 522-1 du code de justice administrative : " A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière ". M. A... a joint à la présente requête en référé la copie de la requête d'appel enregistrée le 11 juin 2024 sous le n° 24TL01484. La circonstance que l'ordonnance n° 24TL01485 du 21 juin 2024 ait relevé l'absence de production de la requête d'appel et rejeté pour irrecevabilité la précédente requête en référé présentée par M. A... le 11 juin 2024 est sans incidence sur la recevabilité de la présente requête. La fin de non-recevoir opposée par la préfète du Lot doit donc être écartée.

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". L'article L. 522-1 du même code dispose que : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public ".

5. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. En l'espèce, l'exécution de la mesure d'éloignement sans délai à destination du Mali décidée par la préfète du Lot à la suite de sa décision de refus de renouvellement du titre de séjour crée, en l'absence de circonstances particulières, une situation d'urgence.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 avril 2024, le défaut de prise en charge médicale de M. A... peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Les pièces du dossier ne permettent pas de contredire ces mentions de l'avis du collège, qui ne sont d'ailleurs pas contestées par la préfète du Lot. Ainsi, M. A... est fondé à soutenir que le moyen selon lequel la décision fixant le Mali comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

7. En dernier lieu, aucun des autres moyens analysés ci-dessus, soulevés par M. A... à l'appui de ses conclusions tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution, d'une part, des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant tout délai pour exécuter cette obligation, et l'assignant à résidence et, d'autre part, de la décision fixant le pays de destination en tant qu'elle fixe un pays autre que le Mali n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision fixant le Mali comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre. La suspension de l'exécution de la seule décision fixant le Mali comme pays de destination n'implique pas de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour.

9. Il n'y a pas de lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme à verser à M. A... ou à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

O R D O N N E :

Article 1er : M. A... est admis provisoirement à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'exécution de la décision fixant le Mali comme pays de destination est suspendue jusqu'à l'intervention du jugement au fond.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à Me Fanny Sarasqueta et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Lot.

Fait à Toulouse, le 19 juillet 2024.

Le juge des référés,

A. Barthez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24TL01628 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL01628
Date de la décision : 19/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative) - Conditions d'octroi de la suspension demandée.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Barthez
Avocat(s) : SARASQUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-19;24tl01628 ?
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