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20/06/2024 | FRANCE | N°22TL21573

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juin 2024, 22TL21573


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Jell a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions du 19 mai 2021 et du 22 mai 2021 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder, pour le mois d'avril 2021, l'aide prévue au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mes

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Jell a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions du 19 mai 2021 et du 22 mai 2021 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder, pour le mois d'avril 2021, l'aide prévue au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, ainsi que les décisions du 16 juin 2021 et du 26 août 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2103274 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022, la société Jell, représentée par Me Barnier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 19 mai 2021 et du 22 mai 2021 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder, pour le mois d'avril 2021, l'aide prévue au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, ainsi que les décisions du 16 juin 2021 et du 26 août 2021 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser la somme de 10 000 euros correspondant à l'aide, pour le mois d'avril 2021, prévue au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, pour déterminer le chiffre d'affaires de référence au sens de l'article 3-26 du décret du 30 mars 2020, l'administration fiscale a refusé d'additionner à son chiffre d'affaires d'avril 2019 celui réalisé à la même période par sa filiale, la société LGP Nîmes, dont elle a absorbé le patrimoine dans le cadre d'une transmission universelle du patrimoine intervenue le 31 mars 2020 ;

- ce faisant, l'administration fiscale a méconnu sa propre doctrine mise en ligne sous la forme d'une " foire aux questions ", qu'elle avait d'ailleurs appliquée lors de l'examen de la demande d'aide pour le mois de novembre 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Jell ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 5 décembre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le décret n° 2021-553 du 5 mai 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Fortunet, représentant la société Jell.

Considérant ce qui suit :

1. La société Jell, qui exerçait jusqu'alors une activité de holding, a repris l'activité de commerce de maroquinerie exploitée par sa filiale, la société LGP Nîmes, à l'occasion d'une transmission universelle du patrimoine de cette dernière le 31 mars 2020. Le 19 et le 22 mai 2022, la société Jell a sollicité le bénéfice de l'aide aux entreprises particulièrement touchées par le covid-19, au titre du mois d'avril 2021. Ses demandes ont été rejetées par deux décisions du même jour. La société Jell demande à la cour d'annuler le jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de telles décisions ainsi que de celles rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée a institué un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. En application de l'article 3 de cette ordonnance, le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a fixé le champ d'application du dispositif et les conditions d'éligibilité aux aides allouées par ce fonds. L'article 3-26 du décret du 30 mars 2020, dans sa version modifiée par décret du 5 mai 2021, fixe les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides ainsi que le montant versé selon la perte de chiffre d'affaires, qui est définie comme la différence entre le chiffre d'affaires au cours du mois d'avril 2021 et le chiffre d'affaires de référence, lui-même défini comme le chiffre d'affaires réalisé durant le mois d'avril 2019 ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 selon l'option retenue par l'entreprise.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " (...) En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées (...) ".

4. Eu égard aux effets d'une transmission universelle de patrimoine, la société Jell, en tant que société absorbante qui ne peut être considérée comme distincte de la société absorbée, doit être regardée comme ayant poursuivi l'exploitation de sa filiale. Dans ces conditions, et compte tenu de l'objectif du décret susvisé du 30 mars 2020, qui institue un fonds de solidarité destiné aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, la société Jell était fondée à retenir comme chiffre d'affaires de référence, au sens de l'article 3-26 de ce décret applicable à sa demande d'aide formée au titre du mois d'avril 2021, non seulement son propre chiffre d'affaires du mois d'avril 2019, mais également le chiffre d'affaires de sa filiale réalisé au cours du même mois. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'administration dans la détermination du chiffre d'affaires de référence et entachant les décisions de refus d'octroi d'aide doit être accueilli.

5. Il résulte de ce qui tout précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que la société Jell est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de la société Jell soit réexaminée, en vue notamment d'apprécier le respect des autres conditions prévues par les textes. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Jell au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 mai 2022 et les décisions du 19 mai 2021 et du 22 mai 2021 du directeur général des finances publiques, ainsi que celles du 16 juin 2021 et du 26 août 2021 portant rejet du recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de la demande de la société Jell dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Jell en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société Jell est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Jell et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Restino, première conseillère,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21573


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21573
Date de la décision : 20/06/2024

Analyses

14-05-04 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Défense de la concurrence. - Aides d’Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-20;22tl21573 ?
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