Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Immobilière pour l'aménagement des campus a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse à lui verser la somme de 94 351,04 euros hors taxes en réparation du préjudice subi à raison de pertes locatives et la somme de 71 821,19 euros en réparation des investissements réalisés pour exploiter directement la Maison des étudiants.
Par un jugement n° 2001097 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 4 septembre 2022, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Immobilière pour l'aménagement des campus, représentée par Me Buonomo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2022 ;
2°) de condamner l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse à lui payer la somme totale de 175 201, 34 euros au titre des différents préjudices qu'elle a subis ;
3°) de mettre à la charge de l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges se sont bornés à mentionner que la parcelle cadastrale de la Maison de l'étudiant était distincte de celle de l'université ; ils ont également dénaturé les pièces du dossier en relevant à tort que d'autres accès que celui menant à la Maison de l'étudiant étaient fermés ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, pour ce qui est, en premier lieu, de la responsabilité contractuelle, l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse a commis une faute dans l'exécution de la convention technique signée le 28 novembre 1997, à laquelle renvoie l'autorisation d'occupation temporaire du domaine, en fermant les accès directs entre la Maison de l'étudiant et l'université ;
- en effet, le permis de construire emportait accès sur la parcelle de l'université, et le terrain concerné faisait partie du campus universitaire ;
-en ce qui concerne en second lieu, la responsabilité extra-contractuelle, elle doit être engagée sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, dès lors qu'elle subit un préjudice anormal et spécial ;
- en ce qui concerne la réparation du préjudice, l'activité n'a pas pu se maintenir après la fermeture de l'accès à la Maison de l'étudiant depuis le campus ; elle a subi du fait de l'impossibilité de louer des locaux ne communiquant pas avec le restaurant universitaire, un préjudice locatif en raison de la perte de loyers du restaurant, d'un montant évalué à 94 351,04 euros hors taxes ; elle justifie, de plus, de la perte de l'investissement qu'elle a réalisé, pour un montant de 71 821,19 euros .
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2023, l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, devenue Avignon Université, représentée par Me Vendé, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 8 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- les observations de Me Reilles, représentant l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. La convention conclue entre l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse et la société Immobilière pour l'aménagement des campus le 28 novembre 1997, dite " Convention technique de fonctionnement de la Maison de l'Étudiant " comporte un article 5 prévoyant que le titulaire de l'autorisation d'occupation du domaine public pourra exercer sur le campus universitaire des activités commerciales à destination des étudiants. Le préfet de Vaucluse a ensuite, le 31 juillet 1998, accordé à la société précitée, pour une durée de 50 ans, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public dont le I de l'article premier l'autorise à occuper un immeuble situé sur la parcelle cadastrée section DN n° 997 et dont le III de l'article premier dispose que " la présente autorisation est consentie en vue de la réalisation d'une Maison de l'Étudiant dont les modalités de fonctionnement ont fait l'objet d'une convention technique entre l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse et le bénéficiaire, le 28 novembre 1997 ". Par un arrêté du 18 décembre 2015 le président de l'université a décidé que " dans le cadre de l'application du plan Vigipirate ", " l'ensemble du campus Hannah Arendt, est limité à un seul accès pour les personnels et usagers : l'entrée principale par le boulevard Limbert ", ce qui a eu pour conséquence la fermeture de l'accès direct à la Maison de l'Étudiant, par les locaux de l'université. Par une décision du 4 décembre 2017, le président de l'université a décidé de maintenir fermé l'accès direct par le campus universitaire au restaurant exploité par la société Immobilière pour l'aménagement des campus sous l'enseigne " La cantine des anges ".
2. La société Immobilière pour l'aménagement des campus relève appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse devenue Avignon Université à lui verser la somme de 94 351,04 euros hors taxes en réparation du préjudice afférent à des pertes locatives et celle de 71 821,19 euros en réparation des investissements réalisés pour exploiter directement le restaurant de la Maison de l'Étudiant.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier par les premiers juges ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les termes de l'article 5 de la convention conclue le 28 novembre 1997, en estimant que les deux parcelles constituées du campus universitaire et de la Maison de l'Étudiant étaient distinctes, est inopérant et doit être écarté.
4. En second lieu, il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont indiqué, notamment, que, bien que la Maison de l'Étudiant soit située sur le campus universitaire, l'université et ce local sont implantés sur deux parcelles distinctes et qu'aucune clause contractuelle ne prévoit un accès direct entre ces deux entités, et ont précisé que le droit à cet accès ne résultait pas davantage de l'économie générale de la convention du 28 novembre 1997. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le jugement attaqué est suffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
5. Si selon l'article 5-b de la " convention technique " du 28 novembre 1997 la Maison de l'Étudiant est située sur le " campus universitaire ", il est toutefois constant que ce local et l'université sont implantés sur deux parcelles contiguës mais distinctes. Par ailleurs, aucune clause contractuelle ne prévoit un accès direct entre ces deux parcelles et les circonstances que, d'une part, le permis de construire auquel la convention renvoie prévoyait que la Maison de l'Étudiant serait construite dans le prolongement des locaux de l'université, d'autre part, que, pendant quinze ans, il n'existait pas de séparation matérielle entre les parcelles précitées et, enfin, que la société chargée de l'exploitation était également associée à la gestion et au paiement des charges d'exploitation du campus universitaire, ne faisaient pas obstacle à la suppression de l'accès direct à la Maison de l'Étudiant depuis les locaux de l'université. En conséquence, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'université aurait commis une faute contractuelle en décidant de fermer l'accès direct entre la Maison de l'Étudiant et les locaux de l'université.
En ce qui concerne la responsabilité extra-contractuelle :
6. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, au titre d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, au cas où des mesures légalement prises ont pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique ou morale un préjudice spécial et anormal.
7. Il est constant que la fermeture, décidée en 2015, du portail de séparation des parcelles de l'université et du local exploité par l'appelante, a été motivée par l'application du plan Vigipirate. En outre, si, en l'espèce, la condition de spécialité du préjudice peut être regardée comme remplie et qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise privée produit par la société appelante, que la fermeture de ce passage engendre un détour de 200 mètres pour les étudiants, cette dernière n'établit pas, en tout état de cause, par la production d'un rapport établi par un expert immobilier, la réalité des préjudices invoqués, tant en ce qui concerne les pertes locatives alléguées, qu'en ce qui concerne les investissements qu'elle aurait réalisés à perte.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Immobilière pour l'aménagement des campus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Avignon Université qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Immobilière pour l'aménagement des campus demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Immobilière pour l'aménagement des campus au bénéfice d'Avignon Université la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Immobilière pour l'aménagement des campus est rejetée.
Article 2 : La société Immobilière pour l'aménagement des campus versera la somme de 1 500 euros à Avignon Université sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immobilière pour l'aménagement des campus et à Avignon Université.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami , première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL22020 2