La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°22TL20714

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 juin 2024, 22TL20714


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'office public de l'habitat Habitat du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, de condamner solidairement la société Gardoise de bâtiment et de construction, la société Cholvy, l'agence Rio Chrétien, le bureau d'études techniques Betso et la société Socotec construction à lui verser, d'une part, la somme de 644 000 euros au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage, constitué par la résidence " Les houillères " située sur le terr

itoire de la commune de la Grand-Combe, nécessaires pour remédier aux bruits d'impact, d'aut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat Habitat du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, de condamner solidairement la société Gardoise de bâtiment et de construction, la société Cholvy, l'agence Rio Chrétien, le bureau d'études techniques Betso et la société Socotec construction à lui verser, d'une part, la somme de 644 000 euros au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage, constitué par la résidence " Les houillères " située sur le territoire de la commune de la Grand-Combe, nécessaires pour remédier aux bruits d'impact, d'autre part, la somme de 260 000 euros à parfaire au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage nécessaires pour remédier aux bruits aériens et, enfin, la somme de 153 787,10 euros toutes taxes comprises à parfaire au titre des préjudices occasionnés par les travaux de réfection de l'ouvrage. Il a demandé, à titre subsidiaire, à ce tribunal de condamner ces entreprises à lui verser la somme de 345 000 euros toutes taxes comprises, à parfaire, au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage nécessaires pour remédier aux bruits d'impact. Il a également demandé à ce tribunal, à titre infiniment subsidiaire, de les condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle à lui verser les mêmes sommes demandées à titre principal ou à titre subsidiaire. En tout état de cause, il a demandé à ce tribunal de mettre à la charge solidaire de la société Gardoise de bâtiment et construction, de la société Cholvy, de l'agence Rio Chrétien, du bureau d'études techniques Betso et de la société Socotec construction la somme de 27 063,54 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1902982 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la société agence Rio Chrétien, devenue société Atelier Rio concept architecture, à verser à Habitat du Gard la somme de 743 787,10 euros et a mis à la charge définitive de cette société les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 27 063,54 euros toutes taxes comprises.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mars 2022 et le 3 avril 2024, la société Atelier Rio concept architecture, représentée par Me Sagnes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 décembre 2021 en tant qu'il l'a condamnée sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de l'office public de l'habitat Habitat du Gard ;

3°) de condamner la société Betso à la garantir à hauteur de 50 % dans le cas où sa responsabilité contractuelle serait retenue ;

4°) de condamner les sociétés Cholvy et Socotec à la garantir à hauteur, respectivement, de 80 % et de 10 % au titre des bruits d'impact dans le cas où sa responsabilité décennale serait retenue pour ce désordre ;

5°) de condamner les sociétés Gardoise de bâtiment et construction et Socotec à la garantir à hauteur, respectivement de 40 % et 10 %, au titre des bruits aériens dans le cas où sa responsabilité décennale serait retenue pour ce désordre ;

6°) de mettre à la charge de la partie succombante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les malfaçons en litige n'étaient pas apparentes lors de la réception des travaux et les dommages présentent un caractère décennal ;

- sur le fondement de la responsabilité décennale, elle doit être garantie, pour les bruits d'impact, à concurrence de 80 % par la société Cholvy et de 10 % par la société Socotec et, pour les bruits aériens, à concurrence de 40 % par la société Gardoise de bâtiment et construction, 20 % par la société Betso et 20 % par la société Socotec ;

- si le caractère apparent des désordres acoustiques était retenu, la faute d'imprudence du maître de l'ouvrage, qui avait connaissance de ces désordres, est de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité contractuelle au titre de son devoir de conseil lors des opérations de réception des travaux ; si sa responsabilité contractuelle était retenue, elle devrait être garantie de sa condamnation à hauteur de 50 % pour la société Betso en qualité de co-traitant à la maîtrise d'œuvre et en charge de la mission assistance aux opérations de réception ;

- le chiffrage des travaux de réparation est surévalué ; s'agissant des bruits d'impact, seule la somme de 275 000 euros hors taxes peut être allouée au maître d'ouvrage ; s'agissant des bruits aériens, l'indemnité allouée ne peut excéder la somme de 216 666 euros hors taxes ;

- les condamnations doivent être prononcées hors taxes ;

- les autres postes de préjudices ne sont pas démontrés.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2022, la société Gardoise de bâtiment et construction, représentée par Me Bernardin, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande de l'office public de l'habitat Habitat du Gard ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner les sociétés Cholvy, Agence Rio concept architecture, Betso, Socotec et les entreprises Fontane Dufour, Brunel à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'office public de l'habitat Habitat du Gard , des sociétés Cholvy, Agence Rio concept architecture, Betso, Socotec et Dufour la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de l'office public de l'habitat Habitat du Gard formulée à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle est irrecevable dès lors que la réception des travaux et le décompte général du marché sont devenus définitifs ;

- les désordres étaient apparents au moment de la réception des travaux des zones 1, 2 et 4 ;

- pour déterminer si les désordres en litige sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, l'ampleur de ces désordres et leur impact sur l'utilisation de l'ouvrage doivent être pris en compte ; il n'est pas établi que les désordres en matière de bruits aériens porteraient atteinte au fonctionnement et à l'habitabilité des résidences ; ainsi, les non-conformités en matière de bruits aériens ne concernent que 22 logements sur 84, soit une part non significative de l'ouvrage ; il résulte, de plus, des écritures de l'office public de l'habitat Habitat du Gard que le label Qualitel ne lui a pas été retiré ;

- les désordres concernant les bruits aériens ne lui sont pas imputables dans leur ensemble et pas davantage les non-conformités en matière d'isolation acoustique aux bruits aériens entre logements superposés ; en outre, l'expertise ne permet pas d'identifier de manière certaine la cause de ces désordres concernant les logements mitoyens ;

- Habitat du Gard a commis une faute d'imprudence de nature à exonérer les constructeurs d'au moins 50 % de leur responsabilité ;

- les désordres concernant les bruits d'impact ne lui sont pas imputables ;

- le chiffrage approximatif par l'expert du coût des travaux propres à remédier aux désordres ne suffit pas à justifier du montant du préjudice ;

- l'indemnité allouée le cas échéant au maître d'ouvrage doit être calculée hors taxes ;

- les préjudices occasionnés par les travaux de réfection ne présentent pas un caractère certain ;

- la perte du label Qualitel constitue un préjudice futur éventuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, et un mémoire et des pièces, enregistrés le 26 mars 2024, ces derniers n'ayant pas été communiqués, l'office public de l'habitat Habitat du Gard, représenté par la SCP Delarn-Bargeton-Dyens-Sergent-Alvcade, doit être regardé comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum, sur le fondement de la responsabilité décennale, des sociétés Gardoise de bâtiment et construction, Cholvy, Agence Rio concept architecture, Betso et Socotec à lui verser les sommes toutes taxes comprises de 664 000 euros au titre des travaux nécessaires pour remédier aux bruits d'impact, et les sommes, à parfaire, de 260 000 euros au titre des travaux nécessaires pour remédier aux bruits aériens et de 153 787,10 euros en réparation des préjudices résultant des travaux de réfection ;

3°) à titre très subsidiaire, à la condamnation in solidum, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de ces mêmes sociétés, pour ces mêmes montants, à parfaire, toutes taxes comprises ;

4°) à ce que ces sociétés soient solidairement condamnées au paiement des frais d'expertise pour un montant de 27 063,54 euros ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de ces sociétés la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- à titre principal, le jugement qui retient la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception doit être confirmé ;

- à titre subsidiaire, les constructeurs mis en cause par l'expertise engagent leur responsabilité décennale ; les désordres dont l'ampleur n'était pas connue lors de la réception des travaux, n'étaient pas apparents ; leur nature décennale n'a été révélée que par l'expertise ; concernant les désordres de la zone 1, le rapport Socotec, antérieur à la réception des travaux de la zone, est très succinct et technique ;

- le maître d'œuvre engage sa responsabilité contractuelle du fait de son manquement dans l'exécution de sa mission d'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception des travaux ;

- il est en droit de prétendre à une indemnité au titre des travaux propres à remédier aux bruits d'impact et aux bruits aériens ;

- ses préjudices annexes, ceux liés aux travaux de réfection et à la perte de label, doivent également être indemnisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2022, la société Betso, représentée par Me Marc, doit être regardée comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) au rejet de la demande de l'office public de l'habitat Habitat du Gard ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Gardoise de bâtiment et construction, Agence Rio concept architecture et Socotec soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de toute partie défaillante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le maître d'ouvrage ne pouvait ignorer le désordre acoustique généralisé pointé par l'organisme certificateur dans son rapport du 20 juin 2011 ou par la société Socotec dans son rapport du 15 décembre 2011 ; il était assisté par un professionnel qui ne pouvait pas ignorer les désordres ;

- elle n'est intervenue que comme cotraitant d'un groupement de maîtrise d'œuvre dans lequel la gestion des lots techniques lui avait été attribuée ; elle n'a assumé aucun rôle sur les travaux de plâtrerie réalisés par la société Gardoise de bâtiment et construction ;

- si sa responsabilité était retenue, elle ne pourrait concerner que les désordres relatifs aux bruits aériens ;

- concernant les zones 3 et 5, pour lesquelles les travaux ont été réceptionnés avant les rapports de l'organisme certificateur ou de Socotec, alors que la norme relative au bruit aérien est constituée d'une limite fixée à 53 décibels, avec un relevé de 44 décibels, l'expert relève une non-conformité ;

- concernant la zone 5, les tableaux de l'expert mettent en évidence la conformité aux bruits aériens de tous les appartements de la zone ;

- le chiffrage du coût des travaux pour remédier aux bruits aériens ne résulte d'aucune pièce ou devis de nature à en justifier le montant ;

- les préjudices occasionnés par les travaux de réfection ne présentent pas un caractère certain ;

- le préjudice lié à la perte de label n'a pas un caractère futur et certain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2024, la société Socotec construction, représentée par la SCP Bène, doit être regardée comme concluant :

1°) à titre principal au rejet de la demande de l'office public de l'habitat Habitat du Gard ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de toute condamnation solidaire prononcée à son encontre ;

3°) à titre très subsidiaire, à ce que les sociétés Gardoise de bâtiment et construction, Agence Rio concept architecture et Betso soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre relatif aux bruits aériens ;

4°) à ce que les sociétés Cholvy et Agence Rio concept architecture soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre relatif aux bruits d'impact ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de toute partie défaillante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que l'office public Habitat du Gard n'était pas fondé à rechercher la responsabilité des entreprises mises en cause sur le fondement de la responsabilité décennale ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée dès lors qu'en qualité de contrôleur technique, il n'entre pas dans ses missions d'assurer une mission de direction ou de surveillance du chantier ;

- elle a parfaitement exécuté sa mission contractuelle ; il ne saurait lui être reproché de n'avoir procédé qu'à des vérifications ponctuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2024, la société Cholvy, représentée par Me Rieu, doit être regardée comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la demande de l'office public de l'habitat Habitat du Gard ;

2°) à titre très subsidiaire, en cas de condamnation au titre de la responsabilité décennale, à ce que sa condamnation ne puisse excéder la somme de 2 700 euros hors taxes en réparation du préjudice acoustique affectant le logement 511 et la somme de 582,23 euros hors taxes pour les autres préjudices ;

3°) à ce que l'office public de l'habitat Habitat du Gard, et les sociétés Agence Rio concept architecture et Socotec soient condamnés à la garantir solidairement de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur, respectivement de 50 %, 20% et 10 % ;

4°) en cas de condamnation au titre de la responsabilité contractuelle, à ce que sa condamnation ne puisse excéder 89 100 euros hors taxes au titre des réparations et 19 223,39 euros hors taxes pour les autres préjudices ;

5°) à ce que l'office public de l'habitat Habitat du Gard, et les sociétés Agence Rio concept architecture et Socotec soient condamnés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur respectivement de 50 %, 10 % et 10 % ;

6°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Agence Rio concept architecture la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conditions d'application de la responsabilité décennale ne sont pas réunies ; le non-respect de la valeur acoustique définie contractuellement n'est pas propre à caractériser l'impropriété à destination de l'ouvrage ; de plus, pour les zones, 1, 2 et 4, les désordres présentaient un caractère apparent ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée du fait de la réception sans réserve des travaux et de l'intervention du décompte général du marché du 30 juillet 2013 ;

- le maître de l'ouvrage a commis une faute de nature à exonérer les constructeurs à hauteur de 50 % ; bien qu'informé des désordres acoustiques, il a prononcé la réception des travaux sans réserve, sans avoir demandé un contrôle sur les zones achevées avant leur réception afin de s'assurer de leur conformité au label ;

- le maître d'œuvre a commis une faute constitutive d'un manquement à son devoir de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les désordres acoustiques affectant la résidence ;

- toute condamnation éventuelle ne pourra intervenir qu'à hauteur de 20 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Renault, représentant la société appelante, celles de Me Delran représentant l'office public de l'habitat Habitat du Gard, celles de Me Bernardin représentant la société Gardoise de bâtiment et construction et celles de Me Dommée, représentant le bureau d'étude Betso.

Une pièce, enregistrée le 28 mai 2024, postérieurement à l'audience, a été présentée pour l'office public de l'habitat Habitat du Gard et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 7 juin 2006, l'office public de l'habitat municipal de la Grand-Combe a chargé le groupement d'entreprises composés de l'Agence Atelier Rio Chrétien, du bureau d'étude Delorme, du bureau d'étude Betso, du bureau d'étude Betaconcept et de la société MGI Ingénierie, pour un coût prévisionnel de 5 057 000 euros hors taxes, de la maîtrise d'œuvre de l'opération de réalisation d'une résidence de quatre-vingt-cinq logements individuels, divisée en cinq zones, sur le territoire de la commune de la Grand-Combe (Gard). Le lot " gros œuvre " a été attribué au groupement d'entreprises Fontane Dufour Brunel. Les lots n° 3 " isolation par l'extérieur " et n° 6 " cloisons doublage, faux-plafonds " ont été attribués à la société Gardoise de bâtiment et de construction. Le lot n° 9 " revêtement sols durs " a été attribué à la société Cholvy, par un acte d'engagement du 29 juin 2007, pour un montant de 342 722,30 euros hors taxes, porté après avenant à 350 739,71 euros hors taxes. Une convention de contrôle technique a été signée entre le maître de l'ouvrage et la société Socotec le 13 décembre 2006. La réception des travaux a été prononcée, sans réserve, pour les zones 2, 3 et 5, respectivement par des procès-verbaux des 31 mai 2013, 19 avril 2010 et 20 janvier 2011. Elle a été prononcée avec réserves, pour les zones 1 A, 1B, 1 AC et la zone 4, respectivement les 15 septembre 2011, 26 janvier 2012 et 6 juin 2012. Ces réserves ont été levées le 31 juillet 2013. À la suite du rapport d'expertise portant sur les désordres affectant la résidence en cause, remis le 16 février 2019 par M. A..., expert désigné à la demande du maître d'ouvrage par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, l'office public Habitat du Gard, venant aux droits du maître d'ouvrage, a demandé au tribunal de condamner solidairement la société Gardoise de bâtiment et construction, la société Cholvy, la société Atelier Rio concept architecture, la société Betso et la société Socotec à réparer les préjudices résultant des désordres constatés. La société Atelier Rio concept architecture relève appel du jugement du 31 décembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'office public Habitat du Gard la somme de 743 787,10 euros. Par la voie de l'appel incident, l'office public Habitat du Gard demande, à titre subsidiaire, la condamnation in solidum, sur le fondement de la responsabilité décennale, des sociétés Gardoise de bâtiment et construction, Cholvy, Agence Rio concept architecture, Betso et Socotec à lui verser les sommes toutes taxes comprises de 664 000 euros au titre des travaux nécessaires pour remédier aux bruits d'impact, de 260 000 euros, à parfaire, au titre des travaux nécessaires pour remédier aux bruits aériens et de 153 787,10 euros en réparation des préjudices résultant des travaux de réfection. Il demande, à titre très subsidiaire, la condamnation in solidum, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de ces mêmes sociétés pour ces mêmes montants.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre au titre de son devoir de conseil :

2. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier. Ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage toute non-conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l'art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage.

3. Aux termes de l'article 1.7 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché public de maîtrise d'œuvre en litige : " Contrôle technique. Pour l'exécution du présent marché, le maître de l'ouvrage sera assisté du contrôleur technique agréé dont le nom et les missions seront communiqués ultérieurement au maître d'œuvre. Le maître d'œuvre doit tenir compte, à ses frais, de l'ensemble des observations du contrôleur technique que le maître de l'ouvrage lui aurait notifié pour exécution afin d'obtenir un accord sans réserve tant au stade des études que de la réalisation de l'ouvrage ". L'annexe 1 à ce cahier prévoit que la mission assistance aux opérations de réception est répartie entre les sociétés Rio Chrétien, Delorme et Betso.

4. La convention de contrôle technique, signée le 13 décembre 2006 entre le maître de l'ouvrage et la société Socotec, prévoit une mission de contrôle technique relative à l'isolation acoustique du bâtiment. Aux termes de l'article 1 de cette mission : " La mission de Socotec a pour objet de donner un avis sur la capacité de l'ouvrage à satisfaire aux prescriptions réglementaires quand elles existent ou, à défaut, aux prescriptions contractuelles retenues par le maître d'ouvrage et communiquées au contrôleur technique relativement à l'isolation acoustique des bâtiments d'habitation. Elle porte sur les ouvrages et éléments d'équipement concourant à la satisfaction desdites prescriptions (...) ". Aux termes de son article 3 : " Sur demande du maître de l'ouvrage expressément précisée aux conditions particulières du contrat, des mesures acoustiques peuvent être effectuées en fin de chantier. Ces mesures sont réalisées sur un échantillon de logements précisé aux conditions particulières. Ces mesures peuvent concerner selon spécification des conditions particulières tout ou partie des rubriques visées par la réglementation relative à l'isolation acoustique des bâtiments d'habitation (...). Socotec adresse au maître de l'ouvrage son rapport indiquant les mesures effectuées (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres acoustiques qui affectent, à l'exception de la zone 4 de l'ouvrage, plus de 50 % des logements visités par l'expert de la zone 1, 10 des 22 logements visités de la zone 2, 2 des 3 logements visités de la zone 3, les 12 logements visités de la zone 5, concernent les bruits d'impact produits sur le sol entre deux logements superposés ou mitoyens et les bruits aériens résultant d'une isolation acoustique horizontale ou verticale insuffisante.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'en fin de chantier, des vérifications in situ ont été effectuées le 8 juin 2011 par l'organisme certificateur Cerqual et que les non-conformités en matière de bruits aériens et de bruits d'impact concernant des logements de la zone 5 mises en évidence au regard des exigences des certificats Qualitel, TPHE 2005 et Habitat et environnement, ont été portées à la connaissance du maître d'ouvrage le 20 juin 2011. Par ailleurs, dans le cadre de sa mission de contrôle technique, la société Socotec a adressé plusieurs fiches au maître d'ouvrage faisant état, notamment, le 22 novembre 2011, de non-conformités, constatées au cours de la visite sur le chantier du 20 octobre 2011, de nature à favoriser la propagation des bruits solidiens pour des logements de la zone 1 ou à dégrader le niveau d'isolement acoustique. Elle a également indiqué au maître de l'ouvrage, dans ses avis du 22 novembre 2011, 31 janvier et 6 septembre 2012, avoir procédé à des essais acoustiques concernant les logements 515-510-511 mettant en évidence des non-conformités qui ne permettraient pas d'atteindre les objectifs acoustiques attendus et en relevant les éléments à l'origine de cette non-conformité. À la demande du maître de l'ouvrage, elle a enfin réalisé, les 12 et 20 décembre 2011, et le 9 février 2012, des mesures acoustiques qui ont fait apparaître des non-conformités au référentiel Qualitel en matière de bruits de chocs pour des logements mitoyens de la zone 1 et qui ont permis, à la suite de travaux correctifs effectués le 9 février 2012, d'obtenir une conformité pour l'isolement au bruit aérien des logements 110-111. Ces résultats, consignés dans un rapport de mesures acoustiques du 9 février 2012, ont été portés à la connaissance du maître de l'ouvrage.

7. La société appelante ne conteste pas avoir été, en qualité de maître d'œuvre, destinataire des conclusions du 20 juin 2011 de l'organisme certificateur et de l'ensemble des fiches, avis et rapport du contrôleur technique. Alors que la conformité à la réglementation concernant les caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation et aux référentiels prévus pour l'obtention du label Qualitel constituait pour le maître de l'ouvrage un objectif que devait atteindre l'ouvrage en litige pour être certifié, la société appelante, qui devait prêter une attention particulière à l'ensemble de ces documents, n'a cependant pas alerté le maître de l'ouvrage sur les non-conformités en matière acoustique qu'ils relevaient. En outre, en ce qui concerne les logements de la zone 3 et 5 réceptionnés le 19 avril 2010 et le 20 janvier 2011, elle n'établit pas avoir conseillé au maître de l'ouvrage de recueillir l'avis du contrôleur technique ou de demander à ce dernier de procéder à des mesures acoustiques des logements pour s'assurer de leur conformité avec le label Qualitel avant de procéder à leur réception sans la moindre réserve. En s'abstenant d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur les désordres acoustiques affectant l'ouvrage et dont la société appelante avait ou pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir sa réception de réserves, la société Atelier Rio concept architecture a engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil.

8. Toutefois, pour les motifs exposés au point 6, le maître de l'ouvrage ne pouvait pas ignorer, à compter du rapport de vérification in situ du 20 juin 2011 de l'organisme certificateur, que des désordres acoustiques affectaient plusieurs logements de l'ouvrage. Dès lors que l'ensemble des logements a été édifié sur un mode constructif identique, le maître de l'ouvrage pouvait prévoir sur l'ensemble de la résidence des désordres identiques à ceux mesurés sur un échantillon composé de quelques logements. Toutefois, malgré ce rapport et les avis, fiches et rapport du contrôleur technique, il a procédé à la réception des logements des zones 1 et 2, le 15 septembre 2011, 26 janvier 2012 et le 31 mai 2013, sans émettre aucune réserve en lieu avec ces désordres. En outre, alors qu'il avait signé avec la société Socotec, une mission de contrôle technique relative à l'isolation acoustique du bâtiment, il a réceptionné les zones 3 et 5 sans attendre ses avis sur la capacité de l'ouvrage à satisfaire aux prescriptions réglementaires et contractuelles relatives à l'isolation acoustique des bâtiments d'habitation ou sans lui demander, ainsi que cela lui était loisible, de procéder à des mesures acoustiques sur un échantillon de logements de ces zones. Dès lors, l'office public de l'habitat Habitat du Gard a commis une faute d'imprudence de nature à exonérer partiellement, à hauteur de 50 %, le maître d'œuvre de sa responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception des travaux.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Atelier Rio concept architecture est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis à sa charge l'entière responsabilité des désordres acoustiques au titre de sa responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :

10. Malgré une mesure d'instruction, l'office public de l'habitat Habitat du Gard n'a produit aucun élément de nature à établir qu'il ne serait pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les condamnations mises à sa charge devaient être prononcées toutes taxes comprises.

En ce qui concerne les travaux de reprise des désordres :

11. En premier lieu, l'expert estime à 10 000 euros toutes taxes comprises le coût prévisionnel des travaux à entreprendre pour remédier aux désordres concernant l'isolation relative aux bruits aériens. La société appelante se borne à contester le caractère approximatif de cette évaluation mais n'apporte aucun élément de nature à la remettre en cause. Dès lors que ce désordre affecte 26 logements, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme hors taxes de 236 363,63 euros.

12. En second lieu, en ce qui concerne les travaux à entreprendre pour remédier aux désordres relatifs aux bruits d'impact, l'expert évalue à 15 000 euros toutes taxes comprises la solution minimale consistant à ne reprendre que la périphérie du logement et à 28 000 euros toutes taxes comprises celle aboutissant à la réfection totale du sol. En l'absence d'indication complémentaire de la part de l'office public Habitat du Gard et dès lors que la société appelante n'apporte aucun élément de nature à écarter ces estimations, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, qui concerne 22 logements, en l'évaluant à la somme de 300 000 euros hors taxes.

En ce qui concerne les autres préjudices :

13. En premier lieu, en ce qui concerne le préjudice lié au coût de la libération et de la perte de loyer induits par le déménagement des logements concernés par les travaux de reprise, il résulte de l'instruction que ce préjudice, pour lequel il a été produit des devis, est chiffré en référence au montant de trois mois de loyers par logement ainsi qu'au montant du déménagement et de l'emménagement des logements concernés et est évalué par l'expert à la somme de 128 155,92 euros hors taxes. En l'absence de contestation utile de la part de la société appelante, il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 128 155,92 euros hors taxes.

14. En dernier lieu, dès lors que l'office public Habitat du Gard reconnaît dans ses écritures qu'il est toujours détenteur du label Qualitel, le préjudice lié à sa perte éventuelle qui ne présente pas un caractère certain, ne peut donner lieu à une indemnisation.

15. Compte tenu de ce qui précède et de la part de 50 % de responsabilité de la société Atelier Rio concept architecture dans la survenue des désordres, l'indemnité à laquelle est en droit de prétendre l'office public de l'habitat Habitat du Gard au titre de la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil, s'établit à la somme de 332 259,77 euros hors taxes.

16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Atelier Rio concept architecture est fondée à soutenir que c'est à tort que, les premiers juges l'ont condamnée à verser à l'office public de l'habitat Habitat du Gard la somme de 743 787,10 euros au lieu de la somme de 332 259,77 euros hors taxes.

Sur les conclusions d'appels en garantie :

17. La présente décision ayant retenu la responsabilité contractuelle de la société Atelier Rio concept architecture à raison de son devoir de conseil en sa qualité d'architecte, cette dernière n'est fondée à appeler en garantie ni les sociétés Cholvy et Gardoise de bâtiment et construction, qui ont exécuté les travaux, ni la société Socotec, qui avait une mission de contrôle technique. En revanche, la société Betso était titulaire avec la société appelante du marché de maîtrise d'œuvre prévoyant que la mission assistance aux opérations de réception était répartie entre les sociétés Rio Chrétien, Delorme et Betso. Il ressort de l'annexe n° 1 au cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre en litige que la société Betso était chargée des opérations de réception à hauteur de 15 %. Par suite, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la société Betso à garantir la société appelante à hauteur de 15 % de la part de condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au point 16.

Sur les conclusions d'appel incident de l'office Habitat du Gard :

En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :

18. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

S'agissant du caractère apparent des désordres :

19. La responsabilité décennale des constructeurs ne peut être engagée que si les désordres procèdent de vices qui n'étaient pas connus du maître d'ouvrage lors de la réception des travaux. Le caractère apparent du vice s'apprécie à la date du procès-verbal de réception.

20. Pour les motifs exposés au point 6, le maître de l'ouvrage ne pouvait ignorer, à compter du rapport de vérification in situ du 20 juin 2011 de l'organisme certificateur, que des désordres acoustiques affectaient les logements de l'ensemble de la résidence. Dès lors, au moment de la réception des logements de la zone 1A et 1B le 15 septembre 2011, de la zone 1C le 26 janvier 2012 et de la zone 2 le 31 mai 2013, ces désordres présentaient un caractère apparent. Par suite, l'office public Habitat du Gard n'est pas fondé à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs pour les désordres affectant les zones 1 et 2 de la résidence.

S'agissant du caractère impropre à leur destination des logements des zones 3 et 5 :

21. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d'habitation : " Les exigences relatives aux bruits aériens intérieurs au bâtiment sont les suivantes. L'isolement acoustique standardisé pondéré, DnT,A, entre le local d'un logement, considéré comme local d'émission, et la pièce d'un autre logement du bâtiment, considérée comme local de réception, doit être égal ou supérieur aux valeurs indiquées dans le tableau ci-dessous, DnT,A étant défini dans l'article 2 de l'arrêté prévu par l'article 9 du présent arrêté : Isolement acoustique standardisé pondéré DnT,A (en décibels) : Local de réception : pièce d'un autre logement Pièce principale, Cuisine et salle d'eau, Local d'émission : local d'un logement à l'exclusion des garages individuels.53, 50 ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté : " La constitution des parois horizontales, y compris les revêtements de sol, et des parois verticales doit être telle que le niveau de pression pondéré du bruit de choc standardisé, L'nT,w, défini dans l'article 4 de l'arrêté prévu par l'article 9 du présent arrêté et perçu dans chaque pièce principale d'un logement donné, ne dépasse pas 58 décibels, lorsque des impacts sont produits sur le sol des locaux extérieurs à ce logement au sens de l'article 1er (...) ".

22. Afin d'obtenir le label Qualitel délivré par l'organisme certificateur Cerqual, les pièces du marché prévoyaient que l'isolement acoustique correspondant aux bruits aériens des logements de la résidence devait être égal ou supérieur à 53,50 décibels conformément à l'article 2 de l'arrêté du 30 juin 1999 précité et que les bruits de chocs ou d'impact qui devaient atteindre une performance de + 3décibels par rapport au seuil réglementaire fixé à l'article 4 de cet arrêté, ne devaient pas dépasser 55 décibels. Il résulte du rapport d'expertise que sur les douze logements visités de la zone 5, sept étaient affectés par les bruits d'impact produits sur le sol entre deux logements superposés ou mitoyens et cinq par des bruits aériens résultant d'une isolation acoustique horizontale ou verticale insuffisante. Les deux logements sur les trois visités de la zone 3 étaient affectés par une isolation acoustique horizontale insuffisante. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces non-conformités n'ont pas eu pour effet de retirer à la résidence les Houillères le label Qualitel ainsi que le reconnaît d'ailleurs l'office public dans ses écritures. Ainsi, même si les performances acoustiques de ces logements sont inférieures à celles attendues par le maître de l'ouvrage afin d'obtenir le label Qualitel, l'objectif de certification de la résidence, objet essentiel du contrat, n'a pas été impacté. Dès lors, les désordres acoustiques en litige ne peuvent être regardés comme étant d'une ampleur telle qu'ils auraient eu pour effet de rendre les logements de la résidence impropres à leur destination. Par suite, l'office public de l'habitat Habitat du Gard n'est pas fondé à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs pour les désordres affectant les zones 3 et 5 de la résidence.

23. Il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat Habitat du Gard n'est pas fondé à soutenir par la voie de l'appel incident que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions indemnitaires sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des constructeurs :

24. La responsabilité contractuelle des constructeurs ne peut être recherchée par le maître d'ouvrage après la réception des travaux. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

25. La réception des travaux au titre desquels est invoquée la responsabilité contractuelle des constructeurs, a été prononcée sans réserve le 31 mai 2013 pour la zone 2, le 19 avril 2010 pour la zone 3 et le 20 janvier 2011 pour la zone 5. Par ailleurs, si des réserves ont été émises concernant les zones 1A, 1B le 15 septembre 2011 et la zone 1C le 26 janvier 2012, elles n'étaient pas en lien avec les désordres acoustiques en litige et ont, au demeurant, été intégralement levées le 31 juillet 2013. Les relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ayant cessé du fait de ces réceptions sans réserve, l'office public de l'habitat Habitat du Gard n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions indemnitaires sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs.

Sur les appels en garantie :

26. Ni la responsabilité contractuelle de la société Betso à raison de son devoir de conseil en qualité d'architecte ni celle de la société Gardoise de bâtiment construction et de la société Socotec construction n'ayant été retenue par la présente cour, leurs conclusions tendant à ce que la société Agence Rio concept architecture les garantisse de toute condamnation prononcée à leur encontre, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'office public de l'habitat Habitat du Gard.

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office public Habitat du Gard une somme de 750 euros à verser à la société Atelier Rio concept architecture, et une somme de 500 euros à verser tant à la société Gardoise de bâtiment et construction, qu'à la société Betso et à la société Socotec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : La somme que la société Atelier Rio concept architecture est condamnée à verser à l'office Habitat du Gard est ramenée à la somme de 332 259,77 euros hors taxes.

Article 2 : La société Betso garantira la société Atelier Rio concept architecture de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 15 %.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de l'office public de l'habitat Habitat du Gard sont rejetées.

Article 5 : L'office public de l'habitat Habitat du Gard versera à la société Atelier Rio concept architecture une somme de 750 euros et à la société Gardoise de bâtiment et construction, à la société Betso et à la société Socotec construction une somme de 500 euros, chacune, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier Rio concept architecture, à l'office public de l'habitat Habitat du Gard, à la société Cholvy, à la société Socotec construction, à la société Gardoise de bâtiment et de construction, à la société Betso et à la société Dufour.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20714


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20714
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BERNARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-18;22tl20714 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award